L’Insécurité en Côte d’Ivoire, le nouvel enjeu stratégique de positionnement politique

L’insécurité en Côte d’Ivoire, nouvel enjeu stratégique de positionnement politique

Par Macaire Dagry

Voilà bientôt une année et demie que la coalition du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) est au pouvoir. Elle a hérité d’un État en ruine, avec des infrastructures économiques et sociales calamiteuses, une image détériorée au niveau international et le moral de ces populations en léthargie. En dépit de rudes et pénibles efforts pour redresser les finances publiques, pillées sans scrupule durant une décennie, puis le rétablissement progressif de ces infrastructures, ainsi que la restauration de l’image du pays à l’international, l’insécurité demeure la principale préoccupation de ce pouvoir.
De gros investissements de modernisation et de développement de la nation ivoirienne ont été entrepris pour faire de la Côte d’Ivoire un pays émergeant à l’horizon 2020. Cependant, les difficultés du gouvernement ivoirien à contenir l’insécurité dans le pays, deviennent sa principale faiblesse. Et comme partout ailleurs, la moindre faiblesse ou erreur politique est automatiquement exploitée par l’opposition et les différents acteurs politiques, pour affaiblir davantage le pouvoir en place, ou profiter de cette opportunité pour se positionner politiquement. S’il n’y avait pas de pertes en vies humaines de cette exploitation politique en Côte d’Ivoire, on serait alors dans une logique politique normale. Les difficultés sécuritaires auxquelles sont confrontées les instances dirigeantes actuelles, sont désastreuses pour les investissements et la relance économie dans le pays.

Malheureusement, cette coalition Houphouëtiste ne bénéficie pas de marge de manœuvre immédiate, qui lui donnerait le temps nécessaire pour mener sa politique, étapes après étapes, en commençant par le désarmement des ex-combattants de tout bord politique. Ses adversaires politiques ont vite compris que laisser le temps à cette coalition de s’installer, apporter des solutions adéquates à chaque problématique pourrait de fait, les marginaliser politiquement et rendre impopulaire toute action de nuisance allant contre les intérêts des populations. En un an et demi de pouvoir, il est évident que beaucoup a été fait pour la reconstruction et le développement du pays. Mais pas suffisamment perceptible de manière tangible, notamment par les populations des zones rurales et celles des zones urbaines défavorisées ou moyennes. La cherté de la vie pèse encore sur les ménages modestes malgré les efforts du gouvernement pour faire baisser les prix. La baisse du chômage reste encore à démontrer, les prix des carburants sont encore élevés, tout comme ceux des loyers et des transports. En si peu de temps, cette coalition au pouvoir ne peut pas faire des miracles avec des caisses vides dont elle a hérité, en dépit des nombreuses aides et annulation de dettes dont elle a bénéficié.

C’est donc dans ce contexte de très grande incertitude que plusieurs acteurs politiques de premiers plans ont tenté d’exister en exploitant à leurs propres fins les enjeux qui découlent de cette insécurité. Il est évident que pour l’opposition, c’est une véritable opportunité pour obstruer les actions du gouvernement dans sa dynamique de reconstruction et de développement du pays. Ses leaders savent également que plusieurs anciens combattants des Forces Nouvelles, ne pouvant pas être incorporés dans l’armée nationale et priés de rentrer chez eux (ou errer dans la nature après avoir tout sacrifié pour certains), sont mécontents et veulent le faire savoir. La technique est simple. Créer alors de l’insécurité, provoquer une vague d’inquiétude et de doute dans l’esprit des populations et des investisseurs étrangers, afin de se mettre en position de force dans les négociations avec le pouvoir. Et pour mieux montrer leur force et le poids qu’ils peuvent représenter dans ces éventuelles négociations secrètes, ces ex-combattants congédiés ont su rallier à leur cause les orphelins du sergent-chef IB et les ex-miliciens libériens et ceux de Blé Goudé. Même s’ils n’ont pas les mêmes raisons, ils partagent la même cible. Certains veulent être entendus et se voir honorer des promesses faites pour faire respecter le verdict des urnes, et permettre au nouveau président élu en Côte d’Ivoire de s’installer légalement dans le fauteuil de Chef d’État. D’autres, souhaitent venger le sergent-chef IB, dont les motivations personnelles étaient plus que troubles, et négocier aussi quelque chose pour ne pas être les perdants d’une zone d’ombre où on ne sait plus qui est qui, et est avec qui. D’autres encore, profitent de ces frustrations et errements des uns et des autres pour tenter de renverser le pouvoir en place, ou s’accaparer une partie du territoire, afin d’ouvrir des négociations pour la libération de leurs camarades emprisonnés. Ces derniers, ont donc tout intérêt à fédérer autour de leur projet de déstabilisation du pouvoir ivoirien, tous ces ex-combattants leurrés et abandonnés à leur propre sort.

Ces différentes exploitations de l’insécurité dans le pays, attisée par ces acteurs que marginalisaient de plus en plus les actions remarquées de développement du gouvernement, ont également ressuscité une rivalité de positionnement politique au sein du pouvoir. Plusieurs médias nationaux et panafricains ont publié des papiers, révélant les prises de positions stratégiques du président de l’Assemblée Nationale et du ministre de l’intérieur ivoirien. Le premier, maîtrise toujours les commandants des Forces Républicaines de Côte Ivoire, eux-mêmes ayant une autorité sur ces ex-combattants révoqués. De fait, le président de l’Assemblée Nationale ivoirienne demeure toujours incontournable en matière de sécurité et de défense nationale. Le second, est en charge de la sécurité sur l’ensemble du territoire et cherche à exister politiquement face à son rival politique, très présent au niveau médiatique, dans l’attente du congrès du Rassemblement Des Républicains, qui désignera son futur président. Le ministre de l’intérieur sait que son rival a encore une forte emprise sur ces commandants et la sécurité dans le pays, et doit trouver les moyens pour s’imposer face eux et à son concurrent politique. Leur point commun, se positionner dès maintenant, pour être celui qui sera le mieux placé pour succéder à l’actuel Chef de l’État ivoirien. Et pour cela, chacun espère être celui par qui la sécurité sera rétablie afin d’avoir la reconnaissance et les faveurs du peuple ivoirien, le moment venu. La lutte de positionnement stratégique pour la succession du président ivoirien a-t-elle déjà commencé ?

Macaire Dagry
Chroniqueur politique à Fraternité Matin
macairedagry@yahoo.fr

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