Tout est vraiment compliqué dans les états-majors RDR-PDCI-FPI La guerre de 2015 a déjà commencé
Par Charles Kouassi source: L’Intelligent d’Abidjan
2015 c’est loin, mais c’est aussi proche. C’est dans trois ans et demi. Mais si on tient compte de ce que l’année électorale peut tenir sur une année pleine à partir de janvier 2015, d’une part, et si on prend en compte les propos du Président Bédié, selon lesquels un homme ou un parti politique est toujours en campagne d’autre part, alors les uns et les autres travaillent déjà dans la perspective de la présidentielle à venir. Un petit tour d’horizon dans quelques états-majors politiques permet d’avoir un état des lieux assez inquiétant, qui fait craindre une nouvelle crise si la sagesse n’habite pas les uns et les autres.
LES MANŒUVRES DU RDR QUI FONT TREMBLER…
Quelques cadres du PDCI soupçonnent le RDR de vouloir modifier ou manipuler la liste électorale. Ainsi la question des Ivoiriens devant faire l’objet d’une naturalisation spéciale, la question des Ivoiriens à la nationalité suspecte ou douteuse (selon la vision des refondateurs), que le FPI avait mis sur la liste dite grise, feraient partie, selon des cadres du PDCI, des projets électoraux du RDR. A terme, cela permettrait de gonfler la liste électorale d’au moins deux à trois millions de nouveaux électeurs si on inscrit les nouveaux majeurs. Selon les informations livrées, avec une telle liste, des radicaux du RDR inciteraient le président Ouattara à la rupture avec le PDCI et le président Bédié, puisque pour eux, avec une telle estimation électorale, le RDR n’a pas besoin d’alliance avec le vieux parti pour remporter la présidentielle à venir dès le premier tour. Les échos d’une telle manœuvre prêtée au RDR sont décrits avec une vive colère et tant de ressentiment par les cadres du PDCI au parfum de ce qui se trame. Leur colère fait ressortir encore les réflexes «ivoiritaires» et les pousse à se demander s’il ne faut pas envisager une alliance sérieuse avec le FPI, pour empêcher ce qu’ils qualifient de tentative pouvant encore mettre le feu aux poudres.
La seule préoccupation du FPI et des partisans de Laurent Gbagbo, à défaut de revenir au pouvoir eux-mêmes en 2015, est d’empêcher par tous les moyens, et au prix de n’importe quelle alliance, la réélection du président Alassane Ouattara. Ils rappellent cette phrase de 2000 selon laquelle même si un mouton était candidat RDR à Kong, il serait élu. Pour eux, peu importe l’individu candidat, si celui-ci peut aider à battre Alassane Ouattara, le FPI le votera. Toutefois les partisans de Laurent Gbagbo estiment que le meilleur moyen d’empêcher un second mandat du RDR et de Ouattara est de le contraindre à aller au second tour. Pour eux, même si le président sortant obtient 49,99 pour cent au 1er tour, le fait d’être contraint à un second tour va dégager des perspectives d’alternance que le PDCI ait un candidat ou non. Si le PDCI a un candidat, le FPI appellera à le voter pour battre Ouattara si le candidat du FPI est troisième. Si le PDCI n’a pas de candidat et que Ouattara n’a pas gagné dès le premier tout, cela voudra dire pour le FPI que le temps aura encore donné raison à Laurent Gbagbo, dont les revendications sur la libération seront, selon des cadres du parti, un des thèmes forts de la mobilisation anti-Ouattara en 2015. Un ponte du FPI donne le ton : » Laurent Gbagbo n’est pas un homme parfait. Il a tant de défauts. A côté du bien qu’il a pu faire à des gens, il a fait tant de mal aux autres. Nous avons chacun, des choses à lui reprocher. Nous avons, des griefs contre sa politique. Mais avec le sort qui lui est fait et le sort qui est fait aux autres détenus nous ayant conduit à la crise, le pouvoir rend Gbagbo martyr et à nouveau sympathique à nos yeux, au point que chacun garde dans son cœur ce que nous avons à reprocher à ceux qui ont dirigé le FPI ces dernières années ». Face à cette situation et aux perspectives, la position du PDCI sera déterminante. Le parti aura t-il un candidat?
LA «PETITE GUERRE» AHOUSSOU KOUADIO-NIAMIEN N’GORAN…
Annonçant une rivalité entre Jeannot Ahoussou Kouadio et Emmanuel Niamien N’Goran, un cadre assez bien introduit dans les cercles de décisions du PDCI fait les révélations et analyses suivantes : « Niamien N’Goran, à défaut de la Primature qu’il n’a pas eue, s’active pour la 1ère vice-présidence du PDCI, faisant du président Bédié un président à titre honorifique et se positionnant pour être candidat en 2015. Emmanuel Niamien N’Goran est dans le groupe de ceux qui veulent un PDCI dur et radical contre le président Ouattara et qui soupçonnent le Premier ministre de mollesse, grande admiration et complicité avec celui qui fut d’abord candidat du RDR avant d’être l’élu du RHDP. Toutefois si en 2015, le PDCI a un candidat face au président Ouattara, on risque d’entrer dans une situation à peu près identique à celle de 2010, et cela peut profiter au FPI et à l’opposition. Au 1er tour, le RDR pourra venir premier mais pas sûr que le PDCI soit deuxième, car dans le cadre du RHDP, nous semblons bonnet blanc, blanc bonnet aux yeux des électeurs qui voudront voter utile au 1er tour. Nous devons assumer notre part du bilan, des échecs et des succès du président Ouattara. Le RDR et le PDCI peuvent-ils mener une campagne électorale de rupture et d’affrontement ? S’il s’agit de faire de l’amusement, d’être candidat pour être candidat en s’engageant à se soutenir au second tour, l’opposition pourrait recueillir des voix face à des alliés qui s’amusent. Mais si le président Ouattara est candidat en 2015, et que le PDCI devait renoncer à présenter un candidat, le moyen, selon les caciques de notre parti, de faire passer la pilule aux militants, est d’obtenir un engagement ferme et un accord écrit du RDR, pour soutenir en 2020, le candidat qui sera investi par le PDCI. On ne peut pas après deux mandats du président Ouattara à la suite d’un un renoncement à une candidature en 2015, accepter d’aller dans une compétition en 2020, en nous battant encore avec des successeurs de Ouattara au RDR, qui pourraient nous commander après Ouattara. C’est cette perspective de ne pas être suiveurs éternels qui peut calmer les radicaux du PDCI, pas du tout chauds. Cet analyste reprend un argument des Refondateurs pour conclure son propos : » Le FPI, même avec 20 à 25 % au 1er tour, à défaut d’être roi, peut devenir le faiseur de roi, avec pour objectif de faire battre par tous moyens ADO, à condition qu’il accepte enfin d’aller à une élection sous Ouattara. C’est avec ses 28% que le PDCI a pu faire ga- gner Ouattara. A partir de 20%, même diminué, le FPI restera troisième devant l’UDPCI, dans son enclave de l’Ouest, et à ce titre, Lau-rent Gbagbo et ses partisans auront leur mot à dire si le RDR et le PDCI ne parlent pas franchement au sujet des enjeux stratégiques ».
MAIS COMMENT LA MAISON OUATTARA RÉAGIT À TOUTES CES HYPOTHÈSES D’ÉCOLE ?
Une source généralement bien informée (SGBI) assure que le président Ouattara estime que s’il devait, à nouveau, être candidat en 2015, ce se- rait pour être élu dès le 1er tour. Voilà qui est clair et nourrit les craintes des adversaires sur les stratégies du camp présidentiel. Par contre, ce qui inquiète notre SGBI, c’est le grand intérêt accordé aux sondages d’opinion par le camp présidentiel alors que les mésaventures de Laurent Gbagbo, avec les sondages devraient appeler à observer avec plus de prudence. En tout état de cause, ce tableau qui rend compte des incertitudes et des difficultés qui seront celles des principaux états-majors politiques locaux, montre bien que ça va encore vraiment chauffer en 2015. Cela montre aussi qu’il ne faut pas attendre 2014 ou début 2015, pour adopter une politique à même de garantir les chances de chacun et surtout la paix sociale, car sans la sécurité et la stabilité, rien, absolument rien, n’est possible. Tout le monde est averti ! Pour éviter les conflits pré et postélectoraux pouvant déboucher sur les blocages et les violences comme celles ayant fait 3000 morts en 2010. A la lumière des récentes attaques contre les FRCI, au vu des discours des uns et des autres, au vu également des lenteurs dans le processus de réconciliation, avoir le sentiment que la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’une récidive, et que l’exhortation «plus jamais ça» n’a aucun effet sur certains, n’est pas un sentiment totalement faux!
ENCADRÉ
La démarche du Président Ouattara reste incomprise
« Si tu n’as pas une bonne idée, si tu mènes une mauvaise politique, aucune bonne communication, aucun marketing ne peut te sauver », explique une SGBI (Ndlr : Source généralement bien informée), qui rappelle que malgré les moyens illimités d’Etat, Laurent Gbagbo n’avait jamais su rallier à sa cause « ivoiritaire », ni à son combat postélectoral, des leaders d’opinion, des intellectuels crédibles aussi bien en Afrique que dans le monde. Ces SGBI estiment donc que le problème avec les autorités actuelles n’est pas un problème de communication.«Ouattara n’a pas une faiblesse dans sa communication. Mais en réalité les observateurs commencent à se poser des questions sur sa poltique». Au regard de la tournure des événements, plusieurs observateurs se demandent si le président Alassane Ouattara envisage sérieusement un second mandat. Ils donnent l’exemple de Barack Obama, et même de François Hollande, qui durant les premiers mandats évitent de faire des réformes qui dérangent et qui peuvent susciter un front commun des gens voulant préserver les mauvaises habitudes. En Côte d’Ivoire, en prévision de sa candidature, Robert Guéi avait fermé les yeux sur certaines affaires et favorisé l’apaisement avec le PDCI-RDA. De son côté, Laurent Gbagbo avait fermé les yeux sur beaucoup de choses en espérant en tirer des dividendes. Il est vrai qu’ils n’en ont pas tiré profit dans les urnes. Mais cela est dû à leur propre manque de vigilance et de cohérence qu’à la remise en cause de cette option.
Pour le moment, le président Ouattara ne semble pas être pour cette option de marchandage et de combinaisons politiques ayant fait fonctionner la Côte d’Ivoire dans un consensus «houphouétien » depuis ces quinze dernières années. Bien entendu, cette option de Robert Guéi et de Laurent Gbagbo ne nous ont pas mis à l’abri des élections calamiteuses en 2000, ni de septembre 2002, encore moins de la crise postélectorale de 2010. Mais question : la lutte contre l’impunité, la recherche de la vérité, la reconstruction économique, au détriment des considérations humaines et des arrangements politiques éventuels dictés par la réconciliation, pourront-ils cette fois-ci, garantir une paix durable, empêcher de nouvelles crises ? Le souci louable et légitime du chef de l’Etat Alassane Ouattara de mettre fin par la justice aux anciennes pratiques d’impunité politique d’une part, et d’autre part sa volonté de secouer les cocotiers et d’ouvrir tous les tiroirs et placards pour sortir les dossiers qui fâchent, ne peuvent-ils pas créer des frustrations nouvelles ? Ou bien ce sont des attitudes qui sont à même de mettre durablement la Côte d’Ivoire à l’abri de nouveaux aventuriers et d’aventures nouvelles. Tout le monde le sait : la peine de mort et toutes les sanctions possibles n’ont jamais mis fin aux crimes, ni rendu les hommes parfaits, même dans les pays de la Charia avec les châtiments corporels. Bien entendu, il se trouve des observateurs qui louent le courage d’Alassane Ouattara et son souci d’agir pour le moment, sans aucun calcul électoraliste ou politicien. Selon eux, construire des routes, des hôpitaux, des universités, des centres de santé, réduire le taux de pauvreté, donner des emplois, voilà le vrai combat auquel il faut engager les Ivoiriens. Et pour eux, ce sera tant pis si cela n’est pas suffisant pour obtenir l’adhésion de la majorité des Ivoiriens pour un second mandat au cas où Alassane Ouattara manifestait son intention d’être candidat.
CK L’Intelligent d’Abidjan
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