Le pouvoir tend une main raide aux patriotes
Par Pivi Bilivogui pour GuineeConakry.info
La série d’attaques qui, il y a peu, avait visé les forces de sécurité et de défense ivoiriennes, a fini par donner des idées au pouvoir d’Alassane Ouattara. Il est certain que le déplacement que le ministre ivoirien de l’intérieur et de la sécurité, Hamed Bakayoko a effectué le week-end passé dans le quartier de Yopougon, fief de l’ancien président Laurent Gbagbo, doit procéder du souci de réduire les foyers de frustrations. Mieux, qu’il s’y soit rendu pour parler aux membres de la milice des patriotes, est encore plus éloquent dans ce sens. C’est inévitablement un pas dans la bonne direction. Mais le discours d’Abidjan mérite encore d’être plus adouci. De même, il faut s’assurer de l’implication de la majorité des Ivoiriens, et pas uniquement de quelques individus qu’on a réussi à « débaucher ». Pour les autorités, la rhétorique a jusqu’ici consisté à dire qu’elles ont tout fait pour convaincre les partisans de l’ancien président à s’impliquer dans le processus de la nécessaire réconciliation nationale.
Une approche taxée de cosmétique par de nombreux d’observateurs et empreinte d’une certaine agitation médiatique…
Manifestement, les audacieuses attaques qui, ces dernières semaines, ont causé de nombreuses victimes dans les rangs des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont convaincu Abidjan de descendre de ses grands chevaux et de se montrer un peu plus sérieux.
Dans ce déplacement, il y a en effet le symbole de la main tendue aux partisans de celui qui a été challenger d’Alassane Ouattara, lors de la crise post-électorale début 2011.
Pour autant, aussi salutaire que soit cette démarche, elle aura pêché par certaines lacunes. Il y a tout d’abord le discours qu’Hamed Bakayoko y a tenu. Des propos qu’il a essentiellement axés sur le thème de la manipulation que les patriotes doivent, selon lui, refuser. Le problème avec une telle posture c’est que le pouvoir ivoirien continue à penser que la faute ne peut venir que de l’autre camp.
C’est toujours la diabolisation de l’autre camp.
Dans ce cas de figure, la meilleure façon de s’y prendre est de faire preuve d’humilité, et de sens élevé de la nation, afin de n’offrir à personne le prétexte de se sentir exclu.
La démarche qui consiste à accabler une partie des partisans de Laurent Gbagbo, empêche en plus le pouvoir ivoirien de faire sa propre critique, ou de donner l’occasion à d’autres de le faire.
D’ailleurs, cette imposition de fait d’une opinion unique, certains patriotes qui ont participé à la rencontre l’ont dénoncée.
Ils n’auront pas apprécié de n’avoir pas été écoutés. L’autre attitude qui peut également se révéler contreproductive, c’est bien la tentative d’opposer les membres du camp adverse, les uns contre les autres. A entendre la passion et la pointe de démagogie avec lesquelles le représentant des patriotes s’est exprimé lors de la rencontre de Yopougon, on peut clairement éprouver le sentiment, qu’on veut user de la stratégie du « diviser pour régner ». Sauf qu’au mieux, avec une telle démarche aussi malicieuse, on ne peut que différer le problème. Pire, quand les gens se rendront compte de la supercherie, la conséquence peut être lourde.
………..
Retour des exilés pro-Gbagbo / Hamed Bakayoko révèle :
‘‘Blé Goudé m’a appelé, on s’est parlé. Ceux qui sont en exil, se croient plus courageux’’
La Coalition de la jeunesse patriotique pour la paix et la réconciliation (CJPPR) qui comprend une dizaine de mouvements proches de l’ancien président Laurent Gbagbo a décidé de s’inscrire dans le processus de réconciliation nationale. Son président Zadi Djédjé a échangé avec le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko le samedi 8 septembre 2012 ‘’au Baron ‘’ de Yopougon.
Hamed Bakayoko a décidé d’ennoblir la galaxie patriotique en lui donnant du travail, afin de l’éloigner de l’oisiveté : « l’ennui, le besoin et le vice ». Et la rencontre du ‘’Baron’’ de Yopougon le samedi 8 septembre 2012 a permis un tant soi peu de décrisper l’atmosphère. D’abord, la tenue du ministre de l’Intérieur (en pantalon jean) qui a mis en confiance les jeunes patriotes, a été un facteur déterminant dans cette rencontre qui s’est bien déroulée. En plus de sa tenue (aux couleurs de la jeunesse), Hamed Bakayoko s’est adressé à la Coalition de la jeunesse patriotique pour la paix et la réconciliation dans un langage propre à la jeunesse. ‘’Je suis venu aujourd’hui voir moi-même, l’ébauche du travail du mouvement que Zadi m’a annoncé. Je ne suis pas venu pour vous transformer en sympathisants d’un parti politique. Je suis venu pour prolonger la main tendue du Président de la République… Je ne veux plus qu’on fasse des jeunes, un fonds de commerce. Je ne veux plus qu’on prenne les jeunes en otage. Je suis venu vous demander de vous organiser. Il est important que je partage votre vision, je veux avoir un échange sérieux avec vous. Vous devez savoir qu’on ne prolonge pas indéfiniment une palabre politique. Refusez de sacrifier votre vie pour des gens qui ne sont pas là, qui ne sont pas avec vous’’, a dit d’entrée, le ministre de l’Intérieur. Parlant de réconciliation, l’émissaire du Gouvernement a estimé que cela doit être l’affaire des hommes politiques. Pour lui, la jeunesse doit plutôt faire du problème de l’emploi, son cheval de bataille. ‘’Ce sont les politiques qui doivent se réconcilier parce que ce sont eux qui ont des problèmes. Les gens parlent beaucoup de réconciliation en Côte d’Ivoire mais en fait, ils ne savent pas ce qu’il y a là-dedans. Des fois, c’est un processus qui est vide. Parce qu’il y a des gens qui ne sont pas obligés de se réconcilier, parce qu’ils ne sont pas en palabre. Il y a surtout des jeunes qui se retrouvent dans les maquis, au stade de football, mais ce sont les politiques au-dessus qui doivent se réconcilier, parce que ce sont eux qui ont un problème ‘’, a expliqué le ministre d’Etat qui n’entend pas faire de cette jeunesse, un bouc émissaire des hommes politiques. C’est pourquoi, il a fait un deal avec la Coalition de la jeunesse patriotique pour la paix et la réconciliation. ‘’Dès lundi (ndlr : 10 septembre 2012), je vais trouver du travail à Zady Déjdjé et je ferai embaucher 10 personnes à la Mairie de Yopougon… Et je reviendrai vous voir quand on aura trouvé du travail a au moins 30% de ces jeunes. En clair c’est un deal. Moi je vous propose du travail, mais je vous demande d’être vigilants pour protéger la paix. Parce que s’il n’y a pas de paix, il n’y a pas de travail. Je compte sur vous pour désamorcer les cœurs’’, a insisté le ministre Bakayoko. Avant de faire cette révélation : « Je vais vous faire une révélation, Blé Goudé m’appelle, on se parle au téléphone. Je ne vais pas tout dire. Ce que vous devez comprendre, c’est que la vie ce n’est pas facile. Il ne faudrait pas qu’on se méprenne. Des fois, ceux qui sont en exil, se croient plus courageux que ceux qui sont restés, mais vous, vous prenez des risques tous les jours. Donc ce ne sont pas les gens qui sont loin qui vont donner des instructions à ceux qui sont ici». Il a exhorté les jeunes patriotes à jouer franc jeu à travers ce ‘’deal’’ du donner et du recevoir. Avant de quitter ses hôtes, le ministre de l’Intérieur a demandé à Zadi et ses camarades d’avoir des ambitions pour leur pays. ‘’ J’étais comme vous à Abidjan et je me suis battu pour être ministre’’, a rappelé le ministre d’Etat. Rendez-vous est pris dans 6 mois pour faire le bilan des promesses tenues de part et d’autre.
Dosso Villard
L’Intelligent d’Abidjan
Les commentaires sont fermés.