« Une seule minute de réconciliation mérite mieux que toute une vie d’amitié », estime l’écrivain colombien, Gabriel Garcia Marquez dans Cent ans de solitude. La Côte d’Ivoire qui, visiblement, a compris l’importance de cette pensée profonde, tente de réconcilier ses fils et filles, après la douloureuse crise postélectorale ayant occasionné officiellement 3000 morts. Malheureusement, la réconciliation semble difficile, tant les intérêts des uns ne sont pas compatibles avec ceux des autres. Mais celle-ci n’est pas impossible.
Editorial de Sidwaya
Le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) dit vouloir réconcilier tous les Ivoiriens et tend la main aux exilés. Une Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), présidée par Charles Konan Banny, a été créée. Sa mission est capitale : « Aider à comprendre les origines profondes de cette situation », en vue de « panser durablement les plaies ». A peine a-t-elle entamé sa démarche que les vieux démons ressurgissent. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont été l’objet d’une vague d’attaques en août, dans lesquelles elles ont perdu une dizaine d’hommes à Abidjan, dans ses environs et dans l’Ouest du pays. Ce regain de tension est le plus sérieux depuis la fin de la crise postélectorale qui a duré de décembre 2010 à avril 2011. C’est inquiétant et angoissant, aussi bien pour les Ivoiriens que pour leurs voisins immédiats.
Pour les partisans de Laurent Gbagbo, il n’y aura pas de réconciliation tant que leur idole ne sortira pas de sa prison et ne sera pas réinstallé au pouvoir. Ils ne reconnaissent nullement l’autorité du président Ouattara. Selon eux, Alassane Dramane Ouattara a été installé au pouvoir par la France et il n’est pas question de reconnaître sa légitimité ou sa légalité. Une attitude qui piège la réconciliation entamée. Or, comme l’a dit La Rochefoucauld dans ses Maximes, « La réconciliation avec nos ennemis n’est qu’un désir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre et une crainte de quelque mauvais événement. » Mais comment réconcilier des hommes aux visions et aux intérêts diamétralement opposés ? Ce n’est pas faute de moyens de guerroyer ou de mater ses opposants que l’actuel détenteur du pouvoir essaie de réconcilier ses concitoyens. Il sait plutôt qu’un pays ne peut se construire que par ses fils et filles, et cela dans la stabilité.
Aujourd’hui, 54 civils et 19 militaires sont détenus et inculpés, notamment pour « atteinte à la sûreté de l`Etat », à la suite des différentes attaques menées contre l`armée ivoirienne. Les procès de militaires vont commencer le 6 septembre prochain. Ceux des civils soupçonnés d’être impliqués dans les récentes attaques, restent à préciser. Laurent Akoun, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), parti de l’ex-président Laurent Gbagbo, a été condamné, vendredi, à six mois de prison ferme pour trouble à l’ordre public. Verdict politique ou pas, c’est selon. Justin Koné Katinan, porte-parole de l’ex-président ivoirien en exil au Ghana, arrêté à Accra, attend d’être fixé sur son sort, le mercredi 5 septembre 2012. M. Katinan a été interpellé le 4 août, suite à un mandat d’arrêt international émis par Abidjan pour « crimes économiques ».
Il était ministre du Budget pendant la crise postélectorale au cours de laquelle la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest a été victime d’un pillage. Un an et demi après la douloureuse guerre entre les partisans du président sortant, Laurent Koudou Gbagbo et le nouveau président, Alassane Dramane Ouattara, les plaies sont encore béantes, les rancœurs, tenaces. Si on ne gère pas la situation de manière sérieuse, la violence peut encore prendre le dessus. Si on ne fait pas attention, ce pays va replonger dans la guerre.
Les Ivoiriens doivent mettre la balle à terre. La Côte d’Ivoire ne retrouvera jamais la paix, si les Ivoiriens demeurent dans les rancœurs, les vengeances et les revanches. Chaque Ivoirien doit participer aux efforts de redressement du pays. Modérés, radicaux, pro-Gbagbo ou pro-Ouattara, recherchez tous la paix. La Côte d’Ivoire a trop souffert des crises post-Houphouët. Les adversaires de l’actuel chef de l’Etat sont nombreux, aussi bien à l’intérieur de la Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur. Certains planifieraient des stratégies de reconquête du pouvoir en Côte d’Ivoire. Le Libéria, l’Angola et le Ghana sont souvent cités par les médias ivoiriens comme étant des pays de refuge des partisans de l’ancien régime.
Des Libériens désœuvrés, pourtant rompus au maniement des armes, du fait de la longue guerre qu’a connue le pays d’Ellen Johnson Sirleaf, se feraient recruter comme mercenaires. D’aucuns disent que les adversaires d’ADO projettent de créer une rébellion à l’Ouest comme a réussi à le faire Guillaume Soro en 2002, dans le Nord ivoirien. Et l’Ouest ivoirien compte beaucoup de pro-Gbagbo.
Outre cette donne, il y a également des mécontents au sein des partisans du président Ouattara qui ont combattu Laurent Gbagbo. Beaucoup d’ex-combattants se retrouvent aujourd’hui démobilisés, désœuvrés et frustrés. Alassane Dramane Ouattara doit agir. Il doit trouver très vite, du travail aux ex-combattants tout en menant la réconciliation. Certes une autorité de réinsertion vient d’être créée. Mais, cette structure loin d’être seulement une structure de plus, doit agir vite et bien pour rassurer ces milliers de frustrés qui espéraient porter la tenue militaire ou policière, après la victoire de leur idole ADO et qui, malheureusement, se retrouvent dans la rue sans armes et sans sous mais qui savent se servir d’une arme.
Alassane Dramane Ouattara doit savoir manœuvrer subtilement dans le camp des pro-Gbagbo, afin de mettre à la une, les modérés et isoler les extrémistes. L’une des meilleures stratégies, c’est d’initier des missions discrètes ou secrètes (diurnes ou nocturnes) vers les partisans de Laurent Gbagbo. Pour réussir le pari de la réconciliation, Alassane Dramane Ouattara doit éviter de jouer systématiquement, la carte de la chasse aux sorcières. Aussi, la réconciliation ne doit pas être folklorique, encore moins une opération de charme en direction de la communauté internationale. La réconciliation doit être un vœu ardent, un engagement. Charles Konan Banny, le patron de la structure en charge de réconcilier les Ivoiriens, doit avoir la caution et bénéficier de l’accompagnement et du soutien sans faille de l’ancien occupant de l’hôtel du Golf.
La réconciliation est possible. Elle demande tout simplement, des efforts extraordinaires. L’Europe a connu les guerres les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, elle s’est réconciliée avec elle-même. Les héritiers de feu Félix Houphouët-Boigny doivent eux aussi, gagner le même pari.
Pour ce faire, la presse ivoirienne a un rôle primordial: jouer sa partition pour ramener la paix. Elle a joué un rôle négatif dans la crise postélectorale, en attisant le feu. C’est l’occasion de se ressaisir et de se racheter. La presse doit cesser de jouer aux pyromanes. Elle doit plutôt assumer sa responsabilité sociale dans le processus de réconciliation en cours. Il faut travailler à guérir les rancœurs et à soulager les douleurs et non le contraire. La réconciliation se fera si et seulement si chaque Ivoirien privilégie uniquement l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Un pays ne peut être construit par des hommes et des femmes ayant une approche belliqueuse de la politique et des relations humaines. Dans un tel cas de figure, aucune réconciliation n’est possible et comme dans la Côte d’Ivoire actuelle, la réconciliation ne peut qu’être malmenée.
Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr )
Sidwaya
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