Nord-Sud Interview réalisée par Marc Dossa
Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Félicien Sékongo, proche du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, rejette avoir appelé à l’éradication du Front populaire ivoirien.
Récemment, en tant que conseiller, vous avez publié une réflexion sur le blog du président de l’Assemblée qui a provoqué une levée de boucliers. Qu’est-ce qui a motivé le fait que vous ayez demandé l’éradication du Fpi ?
Je ne pense pas que le fait d’être conseiller du président de l’Assemblée nationale m’enlève le droit d’avoir des opinions, des avis et de les émettre. En tant que citoyen ivoirien, libre de pensée et d’opinion, j’ai observé une réalité et je me suis imposé de la dépeindre.
Qu’est-ce qui a motivé cette sortie alors ?
(…) Les motivations qui ont pu m’animer trouvent leurs origines dans ma volonté de dire ce qui est. Je suis convaincu que dans la recherche des solutions à nos problèmes, dans la quête de la réconciliation, il ne nous faut pas donner le nom de brebis aux loups. Ce serait une grave erreur que de vouloir masquer la nature réelle des composantes de notre société et de vouloir faire avec. Il faut plutôt dire ce qui est et espérer que les concernés changent et ou à défaut, que l’ensemble du peuple les y contraigne. Donc, c’est en toute bonne conscience que je me suis plié au devoir de vérité et dit ce qu’est le Fpi en réalité c’est-à-dire une organisation terroriste. Une organisation qui dit être politique donc légalement constituée et qui de nuit, tue, assassine et de jour, crie au loup. Naturellement, je ne m’attendais pas à ce que ceux que je dénonce m’applaudissent. J‘ai été heureux de voir que personne n’a contesté les faits à eux reprochés. Ils ont jugé la teneur de mes termes choisis. A ceux-là d’ailleurs, je demande de me prêter les termes qui correspondent pour désigner les actes du Fpi et l’attitude qui convienne face à une organisation auteure de pareils comportements.
N’êtes-vous pas en train de faire comme le Fpi en 2002 quand il disait que vous Forces nouvelles, faisiez le combat d’Alassane Ouattara ? Avez-vous les preuves que ce sont eux qui sont à la base des attaques auxquelles on assiste ces temps-ci.
En 2002, tout le monde, y compris le président Ouattara, s’accordait à dire qu’il y avait un problème de démocratie en Côte d’Ivoire couplé d’un problème identitaire. L’objectif de tout le monde était de régler ces problèmes. Vous convenez avec moi qu’il y avait donc une communauté d’objectif. Je ne veux plus qu’on se gène à dire que le fait que les Forces nouvelles aient pris sur elles de mener le combat pour trouver des solutions au problème de la Côte d’Ivoire, faisait l’affaire de tous les démocrates y compris donc du président Ouattara.
Cela dit, il ne peut avoir de comparaison entre les Forces nouvelles et ces plaisantins qu’on envoie tirer, tuer et disparaître dans la pénombre. Quand les Forces nouvelles sont venues en 2002, elles ont revendiqué ce qu’elles ont fait. Les Forces nouvelles ne se sont jamais masquées, elles n’ont jamais porté de cagoules. Et, il y avait un premier responsable à la tête des Forces nouvelles que tout le monde connaît. Et donc, on ne peut pas faire de comparaison avec ce que nous avons eu à faire au sein des Forces nouvelles et ce comportement des plus poltrons et irresponsable que le Fpi a aujourd’hui. Sur la question de leur culpabilité, retenons que suite à des arrestations et après auditions, la justice s’est mise aux trousses de Douaty et l’a mis aux arrêts. Katinan est aussi aux arrêts au Ghana. Cela ne peut être le fruit du hasard tout de même.
N’est-il pas excessif de la part de quelqu’un qui dit avoir lutté pour instaurer la démocratie, d’appeler à l’éradication du Fpi ?
A travers le monde, quand les gens mènent les combats contre les structures terroristes telles que Aqmi, Boko Aram, quels sont les termes que l’on utilise ? Je veux qu’on m’en en prête. Quand une structure constituée est en train de mener des actes terroristes, quel comportement a-t-on vis-à-vis de cette structure? Je n’ai pas dit d’éradiquer les sympathisants du Fpi qui ne se livrent pas aux actes terroristes. J’ai dit qu’il faut éradiquer l’organisation Fpi qui, en réalité, est en train de faire la promotion du terrorisme en Côte d’Ivoire. Alors, s’il y a d’autres termes qui siéent, qu’on me les prête et je vous assure que je suis preneur. Mais je dis simplement, l’objectif que je poursuivais était de dire aux uns et aux autres de mettre les pieds dans le plat, de se débarrasser de toute cette gène maladive à la limite et de dire en réalité ce que le Fpi est. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde en prenne conscience, y compris même les militants et sympathisants du Fpi qui est en train de vouloir emmener la Côte d’Ivoire dans une situation tout à fait déplorable.
Ne vous-êtes pas senti gêné quand le président de l’Assemblée nationale a dû sortir pour recadrer un certain nombre de choses suite à votre réflexion ?
Nullement ! Le président de l’Assemblée nationale a dit ce qu’il avait à dire. Je pense qu’il a sa perception des choses et il l’a bien signifié. Cela ne m’a pas gêné, pas plus que cela ne m’a d’ailleurs surpris de sa part parce que je le connais modéré et doté de cette sagesse qui lui permet de rapprocher les bouts. Il est président de l’Assemblée nationale. On peut ne pas avoir la même manière de rendre nos pensées. Il a dit comment lui il rendrait cette pensée que j’ai eue.
Aujourd’hui le Fpi dit, sans le citer nommément, que c’est le président de l’Assemblée nationale qui serait derrière ces attaques pour se remettre en selle.
Vous voyez que ces gens se comportent comme des charlatans. Comment peut-on s’imaginer que le président de l’Assemblée nationale vienne à organiser des attaques contre la Côte d’Ivoire, pour se remettre en selle comme s’il n’y était plus. Il n’a jamais quitté la selle et donc là, on ne peut pas dire qu’il a besoin de se remettre en selle. Le président de l’Assemblée nationale est tranquille. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que contrairement à eux, le président de l’Assemblée nationale lorsqu’il est à un poste donné, sa mission première, sa volonté première est de convaincre l’observateur, l’opinion nationale et internationale de sa capacité à gérer au mieux le poste qui lui est confié. Et donc aujourd’hui, le président de l’Assemblée nationale a plutôt l’impression qu’une nouvelle mission lui est confiée et qu’il a le devoir de faire l’étalage de ses capacités à gérer cette nouvelle fonction.
Et qu’au finish, l’on vienne à dire qu’il a été un bon président de l’Assemblée nationale, un véritable homme d’Etat.
A la suite de votre sortie, de votre réflexion, Alphonse Douaty et Laurent Akoun ont été mis aux arrêts. Le Fpi estime que ce sont vos propos appelant à son éradication qui ont entraîné l’arrestation de ces deux cadres.
Décidément, je suis devenu un homme trop fort dans ce pays. Il aurait suffi que je tienne des propos pour que toute la République se mette en branle. Non! Sérieusement, est-ce parce que j’ai tenu ces propos que je leur ai conféré des actes. C’est sur la base des actes répréhensibles qu’ils ont posés qu’ils ont été mis aux arrêts.
…vous avez appelé à leur éradication…
Ils ont dit que j’ai appelé à leur éradication. Oui mais, est-ce que c’est cet appel qui a déterminé la nature de leur comportement? Non ! Il faut qu’ils cherchent à faire leur mea culpa. Ils feraient bien de se repentir et de demander la clémence du peuple de Côte d’Ivoire pour qu’au nom de ce peuple, les autorités compétentes prennent la responsabilité de travailler à assainir l’environnement et qu’ensemble, on puisse se mettre au chevet de la Côte d’Ivoire et œuvrer à être de grands artisans de sa gloire et de sa grandeur. Chers Messieurs du Fpi, vous avez emprunté le mauvais chemin. Il n’est pas mauvais de vous raviser et de venir prendre le bon chemin.
Quelle chance donnez-vous au processus de réconciliation dan cette ambiance délétère de ces derniers jours ?
Le pouvoir a cherché à réconcilier, à concilier les différentes chapelles politiques. Le Fpi a préféré croire aux galéjades de quelques déments qui prétendaient prophétiser. Maintes fois, j’ai dit aux gens qu’il ne faut pas faire la confusion entre la réconciliation des Ivoiriens et le rapprochement entre les partis politiques. L’acceptation des partis politiques à œuvrer ensemble ou à partager le pouvoir d’Etat est bien différente de la réconciliation des Ivoiriens.
Voulez-vous dire que les Ivoiriens sont réconciliés ?
Je veux dire que, si on éradique l’action du Fpi, les attaques qui sont perpétrées, si on fait en sorte qu’il n’y ait plus ces attaques-là, si on met les coupables sous les verrous au nom de la justice et dans le droit, en rien cela n’entame la réconciliation des Ivoiriens. Dans les villages, les contrées, vous verrez que les sujets qui divisent les Ivoiriens n’ont rien à voir avec les revendications politiciennes de certaines chapelles politiques. Et puis, pourquoi vouloir focaliser cette réconciliation autour du Fpi? Oublie-t-on que ce parti était dans une coalition qui, à ce jour, s’est disloquée du fait de l’intransigeance du Fpi? Les partis d’opposition existent, il faut parler avec eux et traiter le Fpi comme il le souhaite, c’est-à-dire comme une organisation qui veut en découdre militairement. Il ne peut en être autrement quand eux-mêmes ont entrepris de casser la table de négociation pour en faire du bois de chauffe. Ils ont refusé d’aller à la négociation. Ils ont préféré d’autres voies d’accès au pouvoir.
Interview réalisée par Marc Dossa
Titre J-ci.net
Les commentaires sont fermés.