L’Observateur Paalga par Alain Saint Robespierre
Procès-miroir. Laurent Akoun face à ses juges, c’est après tout la justice ivoirienne face à elle-même. Dans le contexte politique de ni paix ni guerre qui est celui de la Côte d’Ivoire, juger le numéro un du principal parti d’opposition revient, pour le pouvoir judiciaire, à mettre dans la balance sa propre crédibilité.
Celle-ci va-t-elle conduire le procès du secrétaire général par intérim du Front populaire ivoirien (FPI) en toute impartialité, levant du même coup les soupçons d’inféodation à l’exécutif de certains, ou va-t-elle plutôt faire dans la justice des vainqueurs, comme le craignent les ouailles de l’ex-président, Laurent Gbagbo ? On attend de voir.
En tous les cas, l’affaire Laurent Akoun qui sera audiencée en principe à partir d’aujourd’hui vendredi 31 août 2012, aura valeur de test pour la magistrature sous la présidence de Ouattara.
Confronté à une grave situation sécuritaire avec les attaques répétées contre des camps militaires, le nouveau régime semble céder à la fébrilité. Au risque d’instaurer ou de laisser instaurer, comme le redoutent certains, un climat de terreur sur l’opposition politique.
Face à ces soubresauts qui menacent la stabilité du pouvoir, l’on ne peut faire grief aux nouvelles autorités d’interpeller tous ceux qu’elles suspectent d’intelligence avec les fauteurs de troubles. Si leur culpabilité venait à être établie au terme d’un procès équitable, alors qu’ils soient punis à la hauteur de leur forfait.
Mais dans cette affaire Akoun, à la lumière des charges retenues contre le prévenu, il est difficile de distinguer l’acharnement politique de la justice républicaine, car ce qui est reproché à l’actuel secrétaire général du FPI n’est ni plus ni moins que du délit d’opinion. Arrêté le dimanche 26 août dernier alors qu’il se rendait à un meeting à Adzopé puis placé sous mandat de dépôt, Laurent Akoun est poursuivi pour «propos diffamants à l’égard du chef de l’Etat». Synonyme pour la justice ivoirienne de «troubles à l’ordre public».
On sait que cette arrestation est intervenue après que l’intéressé a déclaré que le «régime installe un modèle totalitaire», que «les hommes du pouvoir ont attaqué le siège du FPI et brûlé le siège du quotidien Le Temps», que «tous les Ivoiriens n’ont pas droit à la parole».
Franchement, si un opposant ne peut pas djafoule de cette manière sur un pouvoir sans être inquiété, c’est qu’il y a dérive totalitaire. Du Maccarthysme à la djoublé. Et embastillant de la sorte l’auteur des «propos diffamants à l’égard du chef de l’Etat», le pouvoir ne fait que confirmer la critique qui lui est adressée.
Les juges sauront-ils s’élever au-dessus de cette guéguerre politique en rendant une justice au nom du peuple ivoirien et non de celui des forts du moment ?
Une fois de plus, on attend de voir.
Alain Saint Robespierre
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