Par Sylvain Namoya Source: Fraternité Matin
La situation du patrimoine immobilier de l’état, demeure préoccupante. Les autorités veulent prendre le taureau par les cornes. La situation du patrimoine immobilier de l’état, demeure préoccupante. Les autorités veulent prendre le taureau par les cornes.
En février 2011, l’occupant de la maison du parc de la Présidence, 9, rue du lycée technique à Cocody, détaché du morcellement du titre foncier N°5481 de la circonscription foncière de Bingerville, est mis en demeure de quitter les lieux (sous huit jours), au motif que cette résidence de quatre pièces bâtie sur 1 266m2 de terrain et de maison, bien qu’affectée à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire (depuis les années 1970), est vendue par la Société de gestion du patrimoine immobilier de l’Etat ( Sogepie), à un certain Séklawi Ali, écrit dans certains documents, Séklaoui Ali ; à 10 500 000Fcfa. L’attestation de fin de paiement délivrée à Séklaoui et non à Séklawi par le directeur général de la Sogepie d’alors, signée du directeur de l’exploitation, Hubert Niamkey, précise que Séklaoui ‘’a acquis dans le cadre de la vente du patrimoine immobilier de l’Etat, suivant le mode de paiement Comptant la villa… pour un montant de 10 500 000Fcfa représentant 50% de 21 000 000 Fcfa (coût expertisé de ladite villa)…le solde ayant été fait le 29/06/2009’’.
Seulement deux ans après, soit le 10 janvier 2011, Yoboué Kouamé, conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Cocody, délivre à Séklawi Ali, devenu propriétaire de l’immeuble, objet du titre foncier N°128 426 de la circonscription foncière de Bingerville sise à Cocody Lycée technique, son certificat de propriété N°16000051; sésame que des Ivoiriens en règle, attendent des dizaines d’années, avant de l’obtenir.
Depuis décembre 2011, par exploit de Me Justine Douyéré Koné, huissier de justice pourtant à Yopougon, Dame Salami Rola veut expulser l’occupant du lot N° 15C parcelle 069 d’une superficie de 2 656m2. Cet immeuble bâti de quatre pièces principales, faisant l’objet du titre foncier N°128 425 de la circonscription foncière de Bingerville, est une villa de fonction qui fait partie du parc immobilier de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire depuis les années 1970.
Quant à Dame Salami Rola, elle brandit le certificat de propriété foncière datant du 22 juin 2010. Elle affirme avoir acheté ce domaine de 2 656 m2 situé sur l’axe pharmacie du lycée technique et le lycée technique de Cocody, des mains de la Sogepie, à 13 500 000F/Cfa soit 5083F/m2 dans la commune huppée de Cocody.
Le bradage des biens immobiliers de l’Etat par les anciens dirigeants de la Sogepie ne s’arrête pas en si bon chemin. Le lot 15A de 2 574m2 non loin du lycée technique de Cocody, appartenant à un enseignant, logé jusque-là par la Logemad, est morcelé par cette structure étatique, et vendu à un opérateur économique privé.
En effet, confronté à une crise sans précédent en 1989, l’Etat de Côte d’Ivoire décide de vendre une partie de son patrimoine. Le prix expertisé de ce lot 15A, par l’Etat est estimé à 22 506 636F. Un abattement de 50% est proposé à l’enseignant, s’il paye au comptant. N’ayant pas de ressources suffisantes, l’enseignant opte pour un précompte sur son salaire sur une période de dix ans. Il bénéficie tout de même d’une réduction de 30%. Au terme du contrat en 1999, il va jouer des coudes pour que soit signée, son attestation de fin de paiement par la Sogepie, qui a remplacé entre-temps, la Direction du patrimoine civil qui gérait le patrimoine immobilier de l’Etat jusque-là. La signature interviendra en fin de compte, quatre ans plus tard, le 31 octobre 2003. Les raisons de la réticence de cette structure étatique, ne se font pas attendre. Un certain Ayoua Ehounou Vanice se présente à l’enseignant, le 6 avril 2010, titulaire d’un certificat de propriété foncière sur une superficie de 1015m2 du lot 15A. En clair, la Sogepie a morcelé le lot acquis par l’enseignant au prix de mille efforts et l’a vendu à 22 millions de F/Cfa. L’enseignant est donc sommé de vider les lieux. Celui-ci saisit le juge des référés qui condamne le nouvel acquéreur. L’affaire est encore pendante devant la justice.
La vente du domaine de l’Etat n’épargne aucun quartier.
En février 2009, des occupants du siège de l’Aip, en contrat de location avec cette agence, sont mis en demeure de déguerpir par le ministère de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat, au motif que les ‘’10 220 m2 de ce site, objet du titre foncier N°121 487 de Bingerville, sont détenus en pleine propriété, par M. Opokou Essimin Georges, qui l’a acquis à 89 millions Fcfa, suivant le certificat de propriété N°01004826 en date du 18 septembre 2008.’’ Pour mémoire, Opokou Essimin Georges, agent Sogepie, est payé à 300 000F/ mois. On imagine le nombre d’années d’efforts de cotisation qu’il a dû consentir pour pouvoir mobiliser cette somme.
Pendant que la procédure judiciaire suit son cours, les mêmes locataires sont convoqués à une audience le 21 décembre 2009, par le président de la 2è Chambre civile C du Tribunal de 1ère Instance d’Abidjan-Plateau. Là-bas, il leur est signifié que ‘’ la Société civile immobilière Almaha dite Sci Almaha, agissant aux poursuites et diligences de Mme Attié Hilda épouse Omaïs, gérante de ladite société, déclare être propriétaire de la parcelle de terrain d’une superficie de 10 220m2 sise à Abidjan-Plateau, Avenue Chardy, objet du titre foncier N°121 487 de Bingerville.’’ Et ce, en vertu de l’acte notarié de vente et du certificat de propriété N°01005435 du 2 mars 2009.
Cette société avance que la parcelle … querellée, autrefois propriété de M. Opokou Essimin Georges, lui a été cédée par ce dernier, six mois après son acquisition, par-devant Me Ouattara Mamadou, notaire à Abidjan, à hauteur d’un milliard (1 000 000 000) de Fcfa et qu’elle a des difficultés à mettre son immeuble en valeur, ‘’en raison de son occupation par les défendeurs qui y ont édifié des constructions et refusent de faire place nette malgré les injonctions du ministère de la Construction et de l’Urbanisme.’’ Cette ‘’occupation illégale’’ qui entraîne ‘’un manque à gagner’’ de sa parcelle, ulcère Mme Omaïs puisqu’elle veut ‘’y bâtir un immeuble à louer’’.
Ce à quoi le Club Sportif Abidjanais, l’un des occupants du site, rétorque qu’il possède une lettre de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire, en date du 15 août 1966 ainsi que celle des Travaux Publics N°2026 du 5 juin 1964 ‘’portant cession provisoire de la parcelle litigeuse ainsi que plusieurs autres et qu’en outre, les constructions ont été édifiées avec l’autorisation de l’administration dont la lenteur n’a pas permis d’obtenir les autres documents administratifs.’’
N’empêche ! Le 3 mai 2010, la sentence tombe : SCI Almaha est déclarée propriétaire de la parcelle litigeuse. Les occupants du site sont priés de vider les lieux pendant que le juge ordonne la démolition des constructions qui y ont été édifiées.
Le 24 juillet 2010, le Repmasci quitte, malgré lui, le site de l’Agence Ivoirienne de Presse, ancien local du ministère de la Promotion de la femme, avec qui il a signé un contrat de bail depuis le 1er avril 2004.
Dans ce branle-bas du déménagement en catastrophe, cette structure de lutte contre le Sida est victime d’un cambriolage le 24 octobre 2010, où elle perd presque tout : ordinateurs, matériel de bureau, matériel de communication…
Elle perd également plusieurs partenaires (le temps de trouver un nouveau siège et renouer le contact) et donc d’importants appuis financiers dans le cadre de ses activités de sensibilisation des populations en vue d’éviter de contracter le Sida.
On peut donc le dire, contrairement à ce qu’ont écrit certains confrères ou à la rumeur répandue, ce n’est pas l’immeuble de l’Aip qui a été vendu. Le site de cette agence n’est pas concerné. Ce sont quatre lots morcelés sur les huit lots au total, qui ont donc été vendus à un milliard Cfa. Pire, selon le nouveau directeur général de la Sogepie, Issiaka Bamba, aucune trace de cette vente ne figure dans les annales de ses structures, si ce n’est la photocopie d’un chèque de 74 millions de Fcfa.
Il ressort des investigations que la Sogepie, structure de l’Etat, dont l’une des attributions est d’identifier, faire immatriculer et inscrire au nom de l’Etat, tout le patrimoine bâti de l’Etat’’, constatant les insuffisances qu’elle devait combler, en a profité pour vendre une bonne partie du patrimoine immobilier de l’Etat au profit de tiers.
Premièrement, beaucoup de terrains bâtis ou nus et autres biens de l’Etat n’étaient pas immatriculés. Parmi lesquels il est fait mention de bâtiments coloniaux que la France a mis à la disposition de la Côte d’Ivoire après l’indépendance. Certains s’en sont donc servis. A satiété.
Deuxièmement, les ex-dirigeants de la Sogepie ont procèdé par des morcellements. Ils amputent des terrains du domaine de l’Etat et les vend. Comme c’est le cas des terrains non loin du lycée technique, évoqués plus haut. C’est également le cas au camp douanes de Treichville Arras I, où après avoir vendu les maisons aux douaniers résidants, l’espace vert de cette cité a été morcelé et vendu à des privés et autres opérateurs économiques qui y ont construit des magasins mis en location. Certains acquéreurs sont même installés sur le collecteur menant au boulevard Giscard d’Estaing. Tout comme la cité douanes du Plateau (environ 1000m²) où, après la vente des trois appartements de l’immeuble, l’arrière-cour a été morcelée et cédée ; laquelle sert, à l’heure actuelle, de marché et abrite quelques restaurants.
Troisièmement, le scandale des certificats de propriété foncière.
Les étapes à franchir pour l’établissement d’un certificat de propriété foncière, dernière étape d’un long et onéreux processus, sont connus depuis la nuit des temps. Pourtant, ces dernières années, les certificats de propriété foncière font florès ; créant de nombreux conflits fonciers et des procès interminables.
Autrefois, quand des populations devaient quitter un site du fait de l’urbanisation, elles recevaient des attestations villageoises. Avec cette attestation, le ministère en charge de la construction ou le préfet (si c’est à l’intérieur du pays) délivre une lettre d’attribution. Ensuite, un arrêté de construction provisoire (Acp), qu’on appelle communément titre foncier, par le ministère de la Construction et de l’urbanisme. Après avoir mis en valeur le terrain, l’acquéreur obtient l’arrêté de construction définitif (Acd) et enfin, le certificat de propriété foncière, propriété définitive et exclusive, délivrée par la conservation foncière.
L’autre flou artistique qui a favorisé le bradage des biens de l’Etat réside dans la tutelle. La loi qui crée la Sogepie annonce qu’elle est sous la tutelle administrative du ministère de la Construction et de l’Urbanisme et la tutelle économique du ministère de l’Economie et des Finances. Or, la conservation foncière, qui délivre le certificat de propriété foncière objet de nombreux litiges fonciers, relève du ministère de l’Economie et des Finances dirigé à l’époque par Paul-Antoine Bohoun Bouabré.
Celui-ci a introduit dans la loi de finance de 2002 que l’acquéreur d’un terrain urbain qui a obtenu un Arrêté de construction provisoire (Acp) peut solliciter directement un certificat de propriété foncière sans avoir obtenu un Certificat de construction définitive (Acd), donc sans mettre en valeur son terrain. C’est ce qui explique donc cette floraison de certificats de propriété que compte remettre en cause, voire attaquer en justice, la nouvelle direction de la Sogepie et le ministère de la Construction, de l’Assainissement et de l’Urbanisme. (lire l’interview du directeur général de l’Habitat et du Foncier).
Sylvain Namoya
Fraternité Matin
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