L’elephant Déchaîné
Après l’attaque du camp des réfugiés de Nahibly, le chef de l’Etat et le gouvernement ont déclaré que «dans un Etat de droit, nul n’a le droit de se rendre justice».
D’accord, se rendre justice soi-même n’est pas une attitude tolérable dans un Etat de droit. Dans ce cas, peut-être que le chef de l’Etat et les membres du gouvernement pourront conseiller utilement un citoyen ivoirien opérateur économique, qui vit la misère suivante.
En 1998, constatant l’occupation et l’exploitation illicites de son patrimoine forestier, de même que l’occupation illégale de sa villa située sur ledit patrimoine forestier par une société d’Etat, en l’occurrence la SODEFOR (Société de Développement des Forêts), Adou Nioupin, se croyant dans un Etat de droit, se confie à la justice pour faire cesser le préjudice.
L’affaire, jugée en Première Instance le 19 juin 1998, a vu la condamnation de la SODEFOR et son expulsion du patrimoine privé de l’opérateur économique ivoirien. « (…) Sur l’expulsion de la villa, l’y dit bien fondée et ordonne l’expulsion de la SODEFOR de celle-ci. Sur l’expulsion des terrains environnants, l’y dit bien fondé et ordonne l’expulsion de la SODEFOR des lieux litigieux… » Telle est la substance de la décision rendue par le Tribunal d’Adzopé.
Mais, ayant pour seul souci de livrer le terrain en question aux exploitants forestiers afin d’en tirer des dividendes privés et croyant que la justice devrait se plier en quatre pour eux parce qu’ils dirigent une société d’Etat, les dirigeants de la SODEFOR interjettent appel de la décision.
A la Cour d’Appel, dans leur immense sagesse, les magistrats, avant de se prononcer, ordonnent d’abord le 14 janvier 2001, une expertise forestière. « (…) Au fond, avant dire droit : ordonne une expertise aux fins spécifiées dans les motifs ci-dessus. Désigne à l’effet d’y procéder, le bureau des affaires domaniales et forestières de la région d’Adzopé. Dit que le Bureau devra accomplir sa mission en présence des parties au litige dûment convoquées ; met les frais d’expertise à la charge de la SODEFOR ; dit que ledit expert devra déposer son rapport dans un délai de deux mois à compter de la signification faite de la présente…» Peut-on lire dans cette décision.
Mais la SODEFOR qui devrait supporter les frais de l’expertise, fera du dilatoire pour faire trainer les choses pendant plusieurs mois. Finalement, le 29 janvier 2002, le Bureau des affaires domaniales et forestières d’Adzopé rendra son rapport à la Cour d’Appel, un rapport accablant pour la SODEFOR. L’expert écrit en effet : « Il convient de préciser que la limite du domaine revendiqué par Monsieur Nioupin Adou se situe à 8,6 km du fleuve Comoé et en bordure de la route Yakassé-Attobrou-Béttié. A partir de cette limite comme indiquée sur le plan, aucune autre borne n’a été retrouvée dans le sens du fleuve Comoé, sauf les tecks d’environ 6 à 8 ans. Il faut en outre ajouter que la seule borne N°147 S.F de la SODEFOR se trouve à 12,700 km du fleuve».
En d’autres termes, en occupant la parcelle en question, la SODEFOR s’est trompée puisque ladite parcelle se trouve à 12,6 km de la forêt classée de MABI dont elle a la surveillance. Or la SODEFOR considérait cette parcelle comme faisant partie de cette forêt classée. L’enquête a révélé le contraire.
Sur la base de ce rapport, les sages de la Cour d’Appel ont rendu l’arrêt contradictoire N°379 du 15 mars 2002. Ils écrivent en effet : « Au nom du peuple de Côte d’Ivoire (…) Considérant qu’il est constant que sur les terres rurales, le droit d’usage permet d’en revendiquer la propriété, que dès lors M. Nioupin a qualité pour agir.
Que par ailleurs, s’agissant du domaine litigieux, il faut relever que le rapport d’expertise n’a fait ressortir qu’une seule borne N°149 S.F située à 12,7KM du fleuve. Qu’il est évident qu’avec une seule borne, on ne peut délimiter un terrain. Qu’il échet dès lors d’homologuer le rapport susvisé et dire que la SODEFOR ne rapporte pas la preuve que le terrain litigieux se situe dans le domaine classé.
Qu’au vu de ce qui précède, convient-il de confirmer la décision du juge ordonnant l’expulsion de la SODEFOR (…) confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ».
Traduction : la Cour d’Appel confirme la propriété d’Adou Nioupin sur la parcelle et ordonne également l’expulsion de la SODEFOR. Les dirigeants de la SODEFOR vont-ils pour autant renoncer à leur projet de livrer cette parcelle au pillage ?
Eh bien, c’est mal les connaître.
Ils se pourvoient en cassation et attaquent l’arrêt rendu par la Cour d’Appel. Mais ils ne seront pas plus heureux. La Cour Suprême, en dernier ressort, rejette le pourvoi de la SODEFOR. Dans un arrêt rendu le 3 juillet 2003, les sages de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême ont écrit : « Sur le pourvoi formé le 20 août 2002 par la Société de Développement des Forêts, dite SODEFOR, société d’Etat représentée par son directeur général Kouadio Kouassi N’Guettia Venance (…) en cassation d’un arrêt N°379 rendu le 15 mars 2002 par la Cour d’Appel au profit de : Adou Nioupin, Economiste, demeurant à Abidjan (…)
Attendu que le pourvoi reproche aux juges d’Appel d’avoir confirmé le jugement entrepris alors selon le moyen que l’expertise en ne disant pas clairement si la parcelle revendiquée par Adou Nioupin fait partie ou non de la forêt classée de Mabi, n’a pas répondu à la préoccupation l’ayant justifiée, et qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a procédé à une appréciation erronée des faits de la cause ;
Mais attendu qu’en retenant, par une appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve soumis à son examen que la SODEFOR ne justifiait pas du caractère de « forêt classée » des parcelles litigieuses et en déduisant par suite du caractère irrégulier de l’occupation par elle desdites parcelles, l’arrêt attaqué est légalement justifié ; qu’il s’ensuit que le moyen qui du reste s’est borné à reprocher aux juges d’Appel d’avoir procédé à une appréciation erronée des faits de la cause n’est donc pas fondé.
Par ces motifs ;
Rejette le pourvoi formé par la SODEFOR contre l’arrêt en date du 15 mars 2002 de la Cour d’Appel d’Abidjan (…) Le président de la République de Côte d’Ivoire mande et ordonne à tous huissiers, à ce requis de pourvoir l’exécution du présent arrêt ;
Aux procureurs généraux près les cours d’appel et aux procureurs de la République près les Tribunaux de première instance d’y tenir la main ; à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis». Pourtant, légalement requis, ils n’obéiront pas à l’ordre du Président de la République de Côte d’Ivoire.
La Cour Suprême ayant tranché en dernier ressort, l’affaire est close ? Oui, en principe. C’est pourquoi, Adou Nioupin, fort de trois décisions identiques rendues par trois juridictions différentes, se croit alors au bout de sa misère. Le lundi 22 mars 2004, par exploit d’huissier, il a signifié l’arrêt rendu par la Cour Suprême à la SODEFOR. Le mardi 1er février 2005, par exploit d’huissier, il a signifié le même arrêt au Ministère des Eaux et Forêts. Mais la SODEFOR va lui démontrer qu’elle n’a rien à faire des décisions rendues au nom du peuple de Côte d’Ivoire par la justice et qu’elle peut tout se permettre en mettant dans sa poche, préfets, sous-préfets, gendarmes, magistrats, maires, etc.
Question à vingt milliards de FCFA
Lorsqu’un citoyen saisit la justice pour qu’elle l’aide à faire cesser un préjudice injuste. Que la justice, à tous les niveaux de juridiction lui donne raison mais que son adversaire piétine les décisions rendues. Que pour faire appliquer ces décisions de justice, il saisit légalement tous les procureurs de la République, tous les commandants et officiers de la Force publique… mais que personne n’ose lever le petit doit pour obéir à l’ordre du chef de l’Etat. Que devant le silence de ces forces, l’adversaire qui a perdu tous les procès continue à aggraver le préjudice en détruisant le patrimoine en question.
Que peut faire ce citoyen ? Se suicider ou se rendre justice soi-même ?
Mais avant de répondre à cette question, écoutons le président de la République de Côte d’Ivoire. C’était le 25 mai 2011 à la cérémonie de prestation de serment du nouveau président de la Cour Suprême.
« La faiblesse de la justice conduit inexorablement au délitement de tous les compartiments de l’Etat et, à terme, au retour à la loi du plus fort, la loi de la jungle. »
« (…) Mesdames et Messieurs, Monsieur le président de la Cour Suprême, comme a coutume de le dire mon aîné le Président Henri Konan BEDIE, « la justice est la clé de voûte de l’édifice social ». Sans une justice forte, garantissant les libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits de tous les citoyens, l’Etat de Droit que nous appelons de tous nos vœux demeurera une 25ème heure que nous attendrons toujours, mais qui ne sonnera jamais.
Sans une justice crédible, rassurant les investisseurs nationaux et étrangers, les capitaux nécessaires à la relance de notre économie éviteront soigneusement notre pays au profit d’autres destinations jugées plus sûres.
La faiblesse de la justice conduit inexorablement au délitement de tous les compartiments de l’Etat et, à terme, au retour à la loi du plus fort, la loi de la jungle.
La vocation de la justice est simple : c’est de donner raison à celui qui a raison, et tort à celui qui a tort. Notre justice doit rendre des décisions et non des services. Elle doit être la même pour tous, gouvernants ou gouvernés, riches ou pauvres, sans distinction de race, de croyance religieuse, de courants de pensées philosophiques, d’origine régionale, ethnique ou de la nationalité.
C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire vivra en harmonie avec sa justice et redécouvrira les vertus d’un pays de paix, d’hospitalité et de vraie fraternité tel que voulu par nos pères fondateurs. Je vous engage fortement dans ce nouveau challenge.
Pour ma part, je m’engage à doter la justice des moyens qui lui sont nécessaires pour son bon fonctionnement.
C’est sur cette note d’espoir que je déclare levée la séance de prestation de serment du Président de la Cour Suprême. » C’est beau n’est-ce pas ? Mais les dirigeants de la SODEFOR se fichent totalement de ce genre de discours comme de leur première paire de basket.
« Monsieur le ministre, je veux une enquête technique »
Légaliste et sûr de son bon droit, en mars 2004, voulant réaliser sur sa parcelle de plusieurs milliers d’hectares un projet en association avec des investisseurs Allemands, projet dénommé «Complexe Agro Dynamique Marie Land» , Adou Nioupin sollicite du Ministère des Eaux et Forêts, une « enquête technique d’exploitation de bois sur la parcelle de forêt à cheval sur le Département d’Adzopé et d’Alépé ».
Le 10 juin 2004, la directrice de Cabinet du ministre des Eaux et Forêts, Orega Coffi Jeannette écrit au chef de Cantonnement des Eaux et Forêts d’Adzopé aux fins de faire l’enquête. Dans la lettre adressée à ce dernier, elle écrit : « (…) je vous demande d’effectuer, en rapport avec le demandeur (Adou Nioupin), une enquête technique sur ladite parcelle. Cette enquête, outre les aspects traditionnels relatifs au relief, à l’inventaire, et aux possibilités d’évacuation des bois, doit mettre un accent particulier sur la collecte d’informations et de documents sur le titre de propriété légal de la parcelle concernée, sa superficie et sa situation par rapport aux cartes forestières (existence de périmètre d’exploitation forestière incluant la parcelle, de forêts classées, de zones protégées, etc.), les noms et les diamètres des essences abattues, les causes de l’abattage, l’utilisation optimale à laquelle les bois pourraient être destinée. La parcelle est-elle délimitée, avec une matérialisation nette et visible de ses limites par rapport à la forêt classée ou à la zone environnante ? ».
Le 24 août 2004, les enquêteurs ont rendu les résultats
Dans le procès-verbal d’enquête, le lieutenant Tokpa Boua Barthélémy (chef de mission), le sergent M’Bra Koffi Alain-Charles et le sergent-chef Koffi Kouakou ont écrit entre autres choses : « La superficie : le domaine de Monsieur Nioupin Adou s’étend sur le long du fleuve Comoé à la piste MLAMLANSO, prolongement de la piste Béttié-Alépé estimé à plus de 48 kilomètres. Le plus petit côté de la parcelle, du fleuve Comoé à la première borne n°149 SF fait plus de 7 kilomètres, ce qui nous amène à estimer la superficie de la parcelle à plus de 12000 (douze mille) hectares de forêt. L’inventaire : la parcelle est riche en bois nobles exploitables. La prospection effectuée en 05 (cinq) jours de travail sur environ 15 (quinze) hectares a donné le résultat suivant : plus de 520 essences exploitables. On y trouve, entre autres, les bois d’œuvre et d’ébénisterie comme l’Azobé, le Dabema, le Dibetou, le Difou, l’Iroko, le Niangon et autres dont le diamètre varie entre 40 cm et 100 cm. Le titre de propriété légale : il ressort de nos investigations que la parcelle de forêt sur laquelle a porté notre enquête est un bien familial, légué à Monsieur Nioupin Adou par Feu son père. Depuis 1992, date à laquelle la gestion de toutes les forêts classées de Côte d’Ivoire a été confiée à la SODEFOR, la parcelle de Nioupin a été confisquée et occupée illégalement par celle-ci, y compris sa résidence. Ainsi, pour entrer en possession de ses biens, ce dernier a intenté une action en justice au tribunal de Première Instance d’Adzopé contre la SODEFOR. Cette action s’est soldée par l’expulsion de la SODEFOR des lieux c’est-à-dire de la maison et des terrains environnants, par la décision n°138 du 19 juin 1998.
Non satisfaite de cette décision, la SODEFOR fait appel le 28 octobre 1998 et assigne Monsieur Nioupin Adou devant la Cour d’Appel. Cette dernière, après les conclusions de l’expertise n°016/DDRA/ADZ de la Direction Départementale de l’Agriculture d’Adzopé, déboute la SODEFOR dans sa décision n°02-409-CIV du 20 août 2002. (Sans oublier celle de la Cour Suprême, ndlr). En conclusion, la parcelle de forêt est un bien familial qui ne devrait souffrir d’aucune contestation et dont il peut en jouir à tout moment. Nous joignons d’ailleurs toutes les décisions de justice rendues à cet effet à notre procès-verbal…».
Avis et conclusion
Enfin les enquêteurs donnent leur avis et conclusion au ministre des Eaux et Forêts : « Après enquête et analyse des réalités constatées sur le terrain, force est de reconnaître la bonne foi et l’engagement total des initiateurs de cet ambitieux projet. Ce sont des professionnels. Toutes les dispositions ont été prises en vue de la réussite dudit projet. Pour preuve, des contacts ont été pris avec des structures de l’Etat qui ne sont plus à présenter dans le domaine agricole telles que le CNRA…également des contacts ont été pris avec des partenaires extérieurs. C’est tout simplement édifiant…toutes les conditions de réalisation sont réunies : personnes qualifiées, moyens financiers. Nous pensons que le projet du complexe agro Dynamique de Marie Land mérite d’être soutenu et nous donnons notre avis favorable quant à l’octroi du permis de ramassage…»
La partition du ministre des Eaux et Forêts
Sur la base des conclusions de l’enquête réalisée par ses services, le ministre des Eaux et Forêts, Assoa Adou, a pris la décision N°00307/MINEF/DPIF du 14 mars 2005. Dans cette décision, le ministre écrit : « Vue l’analyse des décisions de tribunal faite par le service juridique du Ministère des Eaux et Forêts et ses conclusions ; vu le procès-verbal d’enquête technique N°452/CF-ADZ du Cantonnement des Eaux et Forêts d’Adzopé relatif à la parcelle de monsieur Nioupin Adou… sur proposition du Directeur de la Production et des Industries Forestières, décide : Article 1er : La société FIP, code 07, Marteau FIP, BP 76 Adzopé est autorisée à procéder à l’exploitation des bois d’œuvre et d’ébénisterie, toutes essences confondues, de tous diamètres se trouvant sur la parcelle destinée à l’agriculture de Monsieur Nioupin Adou, propriété confirmée par décisions de justice visées plus haut, parcelle qui s’étend le long du fleuve Comoé et la voie Béttié-Yakassé Attobrou à environ treize kilomètres à la limite de la forêt classée de la MABI…».
Création de 30 mille emplois en vue mais oh, désespoir !
Adou Nioupin, toutes ses décisions de justice et autorisations ministérielles en main, entreprend, avec ses partenaires extérieurs, de réaliser son projet de pôle économique dénommé «Complexe agro dynamique Marie Land ». Ce projet comprend la création de plantations industrielles, la construction d’un parc industriel intégré pour abriter plus d’une centaine d’usines pour la transformation de l’ensemble des diverses productions en produits finis ou semi finis, l’offre de plus de 30 mille emplois à moyen terme, l’intégration de 1000 jeunes familles d’exploitants agricoles modernes dont les revenus, estimés entre 10 et 20 milliards par an, constitueront un véritable levier pour l’investissement local et régional pouvant servir de modèle national de développement durable.
Mais tout ça, c’est sans compter avec les actes criminels de la SODEFOR dont les dirigeants, pour leurs propres intérêts, vont contrarier la réalisation du projet et hypothéquer la création de plus de 30 mille emplois. Malgré toutes les décisions de justice, ils vont exploiter à leur profit les parcelles, entravant les activités, perturbant la sécurité des partenaires et retardant abusivement les investissements.
Une autre défaite de la SODEFOR
Devant les actes de la SODEFOR qui est allée jusqu’à saisir les machines qui travaillaient sur le terrain, provoquant ainsi l’arrêt des travaux, Adou Nioupin, au vu du retrait de ses partenaires excédés par l’attitude de cette société d’Etat qui ne respecte aucune décision judiciaire, a porté plainte de nouveau, contre la SODEFOR. Le 6 juin 2008, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, après avoir entendu les responsables de la SODEFOR, lesquels ont déclaré que l’expertise sur laquelle la Cour d’Appel les a condamnés n’était pas objective et que de ce fait ils allaient saisir la Cour d’Appel pour qu’elle interprète mieux son arrêt, a condamné la SODEFOR a déguerpir des lieux et à payer la somme de 400 millions de FCFA à Adou Nioupin. Non contente de cette décision, la SODEFOR représentée par son Directeur général, Kouadio Kouassi N’Guettia Venance, a interjeté appel de cette décision. Et en a profité pour demander à la Cour d’Appel d’interpréter sa décision prise sur la base du rapport d’expertise. Mais sans doute écœurés par la mauvaise foi des dirigeants de la SODEFOR, les magistrats de la COUR d’Appel ont aggravé la décision du tribunal de Première Instance. Ils ont d’abord rejeté la demande d’interprétation de l’arrêt rendu sur la base du rapport d’expertise, rejeté la demande de nomination d’un nouvel expert et confirmé la condamnation à payer la somme de 400 millions à Adou Nioupin. En plus de cela, ils ont ordonné l’exécution provisoire de leur décision. Adou Nioupin, sur la base de ce nouvel arrêt, procède à une saisie attribution sur les comptes de la SODEFOR. Panique générale. Mais le 9 juin 2011, la Cour Suprême, on ne sait pour quelles raisons, a ordonné le sursis à exécution de l’arrêt de la Cour d’Appel condamnant la SODEFOR à payer les 400 millions. Depuis, avec une rare célérité, la SODEFOR a entrepris de détruire totalement la parcelle d’Adou Nioupin.
Des conventions illégales
C’est que depuis le 27 octobre 2010, la SODEFOR, au mépris de toutes les décisions de justice et considérant toujours la parcelle d’Adou Nioupin comme faisant toujours partie de la forêt classée de MABI dont elle a la surveillance, a signé de façon totalement illégale, une convention avec la société ITS, appartenant à l’Italien ANGELO ALTIERI et à son associé RAHAL ALAIN. Objet de la convention ? « Vente de bois d’œuvre divers sur pied en coupe de sauvetage dans l’enclave de Tolié de la forêt classée de MABI». A l’article 1er de cette convention, l’on peut lire: « La SODEFOR vend en bloc sur pied, à la société ITS qui accepte, 162 tiges de bois d’œuvre divers contenus dans l’enclave de Tolié dans la forêt classée de MABI. Article 2 : la présente convention est conclue pour une durée maximale de 4 mois à compter de la date de signature. Article 3 : prix, facturation, paiement : l’entrepreneur s’engage à payer à la SODEFOR, la somme globale de six millions quatre-cent quatre-vingt mille (6.480.000) FCFA». Mais pour une convention qui devrait durer quatre mois et pour seulement 162 tiges, la société ITS a coupé des centaines de billes de toutes sortes d’essence dans la parcelle d’Adou Nioupin. Avec la complicité de la SODEFOR. Passé la crise post-électorale, la SODEFOR a remis l’ouvrage.
Installation d’exploitants clandestins
La SODEFOR, comme dans un souci de destruction totale du patrimoine d’Adou Nioupin, a procédé à l’installation de centaines d’exploitants forestiers sur la parcelle qu’elle considère, cependant, comme une forêt classée. Lesquelles exploitent la forêt et versent une redevance aux dirigeants de la SODEFOR. (Voir reçus de versement de 24000F, de 30480F, de 50.000F, de 120.000f, page 6, tous datés de 2011 et 2012.) Mais comme si cela ne suffisait pas, le nouveau directeur de la SODEFOR (viré depuis), Mamadou Sangaré, a signé une autre convention de vente de bois avec la société ITS, le 15 juin 2011. Le 27 janvier 2012, il a signé une « Autorisation de démarrage des travaux d’exploitation forestière dans l’enclave de Tolié en forêt classée de Mabi ». Dans ce document, le directeur général écrit : « Je soussigné Monsieur Mamadou Sangaré, directeur général de la SODEFOR, autorise la société ITS à démarrer les travaux dans le cadre de l’exécution de la convention N°042-2010 NI N°0872-11 du 15 juin 2011 relative à l’exploitation de 162 tiges de bois d’œuvre divers dans l’enclave de Tolié en forêt classée de MABI». Pourtant, depuis 2011, cette société coupait le bois dans cette forêt. Durée de l’autorisation ? Deux mois. Expiration, le 27 mars 2012. En clair, selon les termes de cette autorisation, la société ITS n’a toujours pas coupé les 162 tiges en question. Alors qu’elle en a déjà coupé des centaines et détruits des centaines d’hectares dans ce que la SODEFOR appelle la «forêt classée» dont elle est censée assurer la protection.
« Je suis incompétent… »
Devant le désastre, Adou Nioupin saisit d’abord le substitut du procureur résident d’Adzopé. Ce dernier, dans un premier temps, a ordonné l’arrestation des employés de la société ITS qui avaient envahi la forêt avec leurs tronçonneuses et qui abattaient les arbres à qui mieux-mieux. Mais ces derniers, pris cependant en flagrant délit, sur intervention d’on ne sait qui, ont été remis en liberté et sont retournés sur « leur chantier ». Depuis, le substitut est resté silencieux et protégerait à présent la société ITS. Ensuite, devant l’inertie du substitut du procureur, Adou Nioupin a saisi le juge des référés du tribunal d’Adzopé. Objectif ? Solliciter du magistrat, la prise d’une Ordonnance pour obliger la société ITS à arrêter la coupe sauvage des bois (3 à 4 chargements de grumiers par jour) et mettre ainsi un terme au préjudice injuste qu’il subit du fait de la SODEFOR. Le 5 avril 2012, le juge a rendu son ordonnance de référé ordinaire. Il s’est tout simplement déclaré incompétent pour statuer.
Préfet, sous-préfet, commandant de brigade, commissaire de police, maire, police forestière… tous silencieux.
Après le substitut du procureur et le juge, Adou Nioupin s’est adressé, avec toutes les décisions rendues en sa faveur par la justice et ayant l’autorité de la chose jugée, au préfet de Béttié, au préfet de Yakassé Attobrou, au préfet de région d’Adzopé, aux sous-préfet de ces localités, au commandant de la Brigade de Gendarmerie, au commissaire de police, à la direction de la police forestière, au ministre des Eaux et Forêts, Nabo Clément… pour obtenir secours et assistance. Mais pendant des mois, aucun n’a levé le petit doigt et la société ITS a continué ses activités, en toute illégalité, comme elle ne saurait se le permettre en Italie. Mais en Côte d’Ivoire, tout est possible, grâce à des Ivoiriens dévoués comme les dirigeants de la Sodefor.
Le 28 mars 2012, une nouvelle convention
La convention du 27 janvier 2012 ayant expiré, la SODEFOR en a signé une nouvelle avec la société ITS le 28 mars 2012. Cette fois-ci, pour un coût de 7.240.000FCFA, d’une durée de trois mois et portant sur la vente de 181 tiges. Convention toujours signée pour la SODEFOR par Mamadou Sangaré. La société ITS qui ne lésine pas sur les moyens pour obtenir la neutralisation de toutes les initiatives d’Adou Nioupin, va multiplier sa capacité d’abattage. A présent, c’est une dizaine de grumiers qui convoient sur Abidjan, en moyenne 4 billes de bois par voyage, soit, plus de 40 billes de bois par jour. En un mois, c’est plus de 1200 tiges que ITS sort ainsi de la parcelle d’Adou Nioupin alors que la convention qui la lie à la SODEFOR porte seulement sur 181 tiges à couper en trois mois.
« Dozos de Côte d’Ivoire, sauvez-moi ! »
Devant l’inertie volontaire de toutes les autorités judiciaires, policières, gendarmiques, sous-préfectorales, préfectorales de la région d’Adzopé face à la sauvage destruction de son patrimoine, Adou Nioupin, en désespoir de cause, décide de recourir à une force non officielle. Il s’adresse à la Confrérie des Dozos (chasseurs traditionnels) de Côte d’Ivoire (CODOZ-CI) pour faire respecter les décisions de justice dont il est bénéficiaire et chasser de ses terres, l’Italien ANGELO ALTERI de la société ITS de même que tous les occupants illégaux installés par la SODEFOR. Le 12 mai 2012, il délivre une attestation au président de cette Confrérie. Lequel fait débarquer une quarantaine de Dozos qui s’installent sur le domaine et décident de faire de la villa d’Adou Nioupin, leur « quartier général ». De là, ils effectuent chaque matin, des patrouilles dans la forêt pour y déloger les exploitants illégaux. Débandade générale. Les Dozos font fuir tous les occupants et la société ITS est contrainte d’arrêter ses activités.
Le réveil de toutes
les autorités
Curieusement, on ne sait pour quelles raisons, après les gémissements de la société ITS, toutes les autorités de la région qui jusque-là avaient fermé les yeux et refusé d’aider Adou Nioupin à faire exécuter une décision devenue définitive de la Cour Suprême, vont subitement se réveiller. C’est que ITS sait se monter convainquant. A présent, ce sont les sous-préfets, les préfets, le commandant de Brigade, le substitut du procureur qui demandent à Adou Nioupin de retirer les Dozos de son propre patrimoine. Le chef de la Confrérie sera convoqué à plusieurs reprises, y compris par le procureur de la République lui-même. Mais chaque fois ce dernier répondra : «Nous sommes sur la propriété privée d’un homme qui a requis nos services. Les décisions de justice qu’il détient sont sans appel. C’est parce que vous refusez de faire votre travail qu’il s’est confié à nous. C’est lui qui peut mettre fin à notre contrat. Tant que ce n’est pas cela, nous ne bougerons pas de cette propriété privée».
Le préfet de Yakassé-Attobrou n’en peut plus
Alors que les autres, pour ne pas trop se mouiller, se contentaient de passer des coups de fil à Adou Nioupin pour lui demander de retirer les Dozos de sa parcelle, le 20 juin 2012, le préfet de Yakassé- Attobrou (poussé par ITS ?) a pris son courage à deux mains et a adressé un courrier à Adou Nioupin. Dans ce courrier, le préfet écrit : « Il m’est parvenu ce jour mercredi 20 juin 2012 une attestation datée du 10 mai 2012 par laquelle vous autorisez le président de la Confrérie des Dozos de Côte d’Ivoire à fournir des éléments pour la sécurité et la surveillance de votre domaine forestier familial situé en bordure du fleuve Comoé dans le Département de Yakassé-Attobrou.
Sans remettre en cause le droit que vous avez de protéger vos biens, j’ai l’honneur d’attirer votre attention sur le fait que celui-ci doit s’exercer exclusivement avec le concours de la force publique, en l’occurrence la Police et la Gendarmerie ou une structure privée spécialisée agréée par l’Etat.
En outre, vous n’ignorez pas le contexte particulier de notre pays, notamment le processus de désarmement et de démobilisation des ex-combattants entrepris par le gouvernement.
Aussi, tout citoyen devrait-il s’abstenir d’actes ou de comportements contraires à l’action gouvernementale visant la normalisation de la situation sécuritaire.
En conséquence, je vous saurais gré des dispositions que vous voudriez bien prendre afin de retirer les Dozos de la zone concernée et de recourir aux forces régulières (Police et Gendarmerie) pour la sécurisation et la surveillance de votre domaine privé». N’est-ce pas que ce courrier a quelque chose de rigolo ?
L’incroyable constat
Grace à la présence des Dozos sur sa parcelle, Adou Nioupin a réussi à faire un constat des dégâts déjà causés par la société ITS dans son domaine et a même pu avoir des images de grumiers chargés qui emportaient des billes. Certains prennent même tellement de billes qu’ils font des sorties de route et les étalent.
A ce jour, selon les estimations faites par des experts, c’est plus de 20 mille mètres cubes de bois d’essences rares que la société ITS a sortis de cette forêt et qu’elle a exportés par un circuit mafieux, hors de la Côte d’Ivoire. Pour un prix de vente estimé à 20 milliards de FCFA. Pendant que l’Etat de Côte d’Ivoire, grâce à la SODEFOR, n’a eu que 6 millions de FCFA et le propriétaire de la parcelle en question, rien du tout. Sinon la ruine liée aux nombreuses procédures judiciaires. Quant aux dirigeants successifs de la SODEFOR, aux responsables du ministère des Eaux et Forêts à divers niveaux de responsabilités, on les imagine en train de se frotter les mains. C’est sans aucun doute à titre gracieux qu’ils ont permis à ITS de couper des milliers de tiges en renouvelant à chaque fois sa convention.
Adou Nioupin qui contenue de faire confiance en la justice de son pays, a encore porté plainte, cette fois-ci au pénale, contre ITS et la SODEFOR. Le dossier a été confié à un juge d’instruction du Tribunal de Première Instance d’Abidjan. C’est qu’Adou Nioupin a placé sa confiance dans les propos tenus le 25 mai à la Cour Suprême par le président de la République. On espère que le Chef de l’Etat y croit aussi.
ASSALE TIEMOKO
Guy TRESSIA
Journaliste-Infographiste
Conseil en Stratégie publicitaire
Coordonnateur de la Rédaction de LEBANCO.NET-CÔTE D’IVOIRE
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