Lettre aux Ivoiriens du Pr. Mamadou Koulibaly à l’occasion de la fête nationale

Fête de l’indépendance entre problèmes et solutions

«Sans la propriété individuelle, nul n’est affranchi ; quiconque n’a pas de propriété ne peut être indépendant.» ~ F.R. de Chateaubriand

Chers Ivoiriens,

Pour la 52ème fois, nous célébrons l’anniversaire de l’indépendance de notre pays. Cette année, à l’invitation du préfet, je l’ai passé à Agboville. Le regain de tension qui accompagne cette célébration m’attriste et suscite en moi émotion et condamnation. Cette recrudescence d’insécurité, qui est partie de Duékoué pour se signaler à Akouedo, en passant par Abengourou, Agboville, Sinfra, Yopougon et bien d’autres lieux de notre patrie, est préoccupante, et pourtant elle était prévisible. Les plaies qui balafrent notre pays et notre quiétude aujourd’hui sont dues à l’impunité érigée en mode de gouvernance. Depuis quelque temps, la règle d’or semble être que le vainqueur a toujours raison, et c’est ainsi que des frustrations tenaces sont nées du côté des vaincus, animés par des sentiments de revanche et de vengeance. C’est ainsi aussi que des troupes qui ont contribué à l’avènement du pouvoir actuel et qui sont aujourd’hui frustrées d’avoir été éjectées de l’armée et laissées pour compte, exigent pour elles-mêmes une justice de vainqueur. Ces troupes de tous bords harcèlent le ministre de la défense, qui n’est autre que le président de la République, chef suprême des armées, chef de l’administration, président de conseil supérieur de la Magistrature et chef du pouvoir Exécutif, mais évitent une guerre ouverte avec lui. Et ce dernier de promettre une sécurité qui ne vient pas, de promettre des enquêtes dont on n’a jamais aucun résultat, de promettre une transparence et une équité qui n’arrivent pas… bien au contraire.

Je crains fort qu’un jour, l’intégrisme des vainqueurs déçus et l’extrémisme des vaincus frustrés ne se coalisent contre un pouvoir autiste qui refuse toute discussion et ne voit de solution que dans l’usage de la force brutale, de l’intimidation, de la corruption et de la menace. Chers Ivoiriens, à un moment donné, l’heure du Dialogue sera passée. Il faudra alors des négociations entre les guérilleros de tous les bords – car nous avons bien à faire à une guérilla – avant de revenir à la solution d’un gouvernement de transition, quand ils auront compris qu’il n’y a pas de solution militaire et quand, encore une fois, il y aura de nouveau eu trop de pertes de vies humaines. La vie des autres, pas celle des instigateurs, ni celle de leurs familles. Comme d’habitude. J’attire votre attention là-dessus, en espérant cette fois être mieux entendu que lorsque j’avais vainement mis en garde les hommes politiques et les populations de Côte d’Ivoire sur les conséquences profondes, durables et générales qu’entrainerait une escalade militaire de la crise postélectorale de 2010.

Le 7 août de chaque année, nous célébrons l’indépendance de notre pays. Je préfère parler d’aspiration à l’indépendance, parce que si notre dépendance par rapport à l’ancien colonisateur est partiellement avérée, notre indépendance vis-à-vis de notre propre Etat reste quant à elle bel et bien à conquérir entièrement. Depuis 1960, l’Etat de Côte d’Ivoire détient par devers lui des terres qui appartiennent aux paysans et propriétaires coutumiers. Dans une interview radiophonique que je viens d’accorder à l’occasion de notre fête nationale, je me suis attelé à démontrer un autre intérêt de la réforme du foncier rural au cœur du programme de LIDER – en plus du marché hypothécaire et du libre échange de la terre qui vont enrichir le monde paysan et développer l’agriculture. Si l’on tient compte des cours d’eau, des terres non arables, des villes, villages et autres lieux habités, des routes et autres servitudes et remembrements et qu’on ne retient, par exemple, que 200 000 km² de terres pouvant faire l’objet d’attribution de titres fonciers ruraux sur les 322 000 km² de terres de Côte d’Ivoire, et sachant qu’un kilomètre carré (km²) représente 100 hectares soit 1 million de mètres carrés, si l’Etat ne prenait que 1 fcfa par m², on aurait 200 milliards de francs de recettes fiscales par année au titre de l’impôt foncier rural. Si la taxe foncière rurale était fixée à 5 fcfa par m², l’Etat pourrait encaisser annuellement 1.000 milliards de fcfa. Et si l’Etat se contentait de faire payer aux propriétaires des terres 10 fcfa par m², il encaisserait 2.000 milliards de fcfa de plus par an pour le budget. Vous conviendrez avec moi, chers Ivoiriens, qu’avec de telle sommes, il y a de quoi financer des infrastructures routières en zones rurales et rembourser la dette intérieure de l’Etat sans pour autant se surendetter auprès de bailleurs de fonds internationaux. Cette stratégie est non seulement réaliste, mais elle créerait en plus de nombreux emplois pendant toute sa phase de réalisation, mettrait fin aux risques de conflits fonciers et sécuriserait l’investissement dans l’agriculture. La propriété privée de la terre entraine l’envol, autant pour les individus que pour notre nation. C’est cet envol vers la liberté et la prospérité que je vous souhaite en cette occasion de célébration.

La Côte d’Ivoire est notre pays. Nous devrions la chérir, en prendre soin et compter sur notre créativité pour la développer et nous sortir de la pauvreté. A LIDER, nous n’avons certes pas d’argent, mais nous avons des idées opérationnelles, efficaces et réconciliatrices pour une Côte d’Ivoire meilleure. Ensemble, nous réussirons.

Fait à Abidjan le 7 août 2012.

Mamadou KOULIBALY
Président de LIDER

 

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