Après les attaques menées par des éléments armés non identifiés, le week-end passé, contre un poste de police de Yopougon et les camps d’Akouédo à une dizaine de kilomètres d’Abidjan et d’Abengourou à la frontière ghanéenne, qui ont fait une dizaine de morts parmi les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), le mot « assaillants », qui l’on croyait définitivement tombé dans les oubliettes de l’histoire, a fait son retour, mais dans la bouche des nouvelles autorités de la Côte d’Ivoire cette fois-ci.
Avec la chute de Gbagbo et de ses partisans, qui en usaient et abusaient pour stigmatiser les Forces Nouvelles, on croyait que le terme était passé de mode. Ce terme a fleuri dans le discours politique et s’est épanoui dans l’usage quotidien après la tentative de putsch de septembre 2002 contre le régime de Laurent Gbagbo, orchestré par un groupe de militaires nordistes ségrégés par la politique d’ivoirité.
Il fera florès avec la longue occupation du Nord du pays par les Forces Nouvelles, qui a consacré sa partition en deux. Dans la bouche des pro-Gbagbo, ce fut une appellation contrôlée réservée aux Forces Nouvelles (FN) de Guillaume Soro. Celles-ci étaient des « assaillantes », car, pour les promoteurs de l’Ivoirité, elles étaient simplement une armée d’occupation venue de l’étranger pour déstabiliser la Côte d’Ivoire. Ce terme a eu tellement de succès sous le régime de Gbagbo que les chanteurs de Zouglou allaient se l’approprier et lui donner une grande résonance continentale.
Que dix ans après, le terme renaisse dans le discours de ceux qui, hier, en étaient affublés comme d’une ignominie pour désigner les pro-Gbagbo montre que la roue de l’histoire tourne et que le retour à l’envoyeur n’est pas seulement une pratique de postier mais aussi une loi en politique : « On te fera un jour ce que tu fis à l’autre ». On savait avec Jean Paul Sartre que « les mots sont des pistolets chargés ». Avec le terme « assaillants », on découvre maintenant que l’emploi d’un mot peut s’apparenter à un lancer de boomerang, car il peut vous revenir, dix ans après sa profération, en plein dans la figure. Et les partisans de Laurent Gbagbo l’apprennent à leurs dépens.
Comme les chats, certains mots peuvent avoir plusieurs vies . Ainsi, pendant l’Occupation, au moment de la Seconde Guerre mondiale, en France, le terme « terroriste » était utilisé par les Allemands pour qualifier les éléments de la Résistance qui se livraient à des actes de sabotage. Du côté des Français, les terroristes étaient donc des combattants de la liberté, des héros. Aujourd’hui, un terroriste est, dans l’acception commune, un poseur de bombe, un dangereux criminel qui tue des innocents au nom d’une mauvaise cause politique ou religieuse.
Ah !, l’l’Histoire est pleine de ruses et de volte-face. Qui aurait cru à la migration de ce terme de la bouche des partisans de Laurent Gbagbo aux lèvres de nouveaux dirigeants de la Côte d’Ivoire ? Au tour d’Alassane Ouattara et de Guillaume Soro de goûter au déplaisir de la déstabilisation. Comme disait le chimpanzé de la fable, si la détonation d’un fusil est agréable à l’oreille du chasseur lorsqu’il tire sur un animal, alors fasse Dieu qu’un jour, il soit, lui aussi, la cible d’une canonnade. On verra bien si pan ! pan ! lui seront toujours doux à entendre.
Si la résurrection du mot « assaillants » dans le camp des Adolâtres peut prêter à sourire, il faut espérer que ce terme ne connaisse pas une bonne fortune, ce qui pourrait faire l’infortune de ce beau pays qui essaie de se reconstruire dans l’unité.
Par Alcény Barry — L’Observateur Paalga
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