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Deuxième producteur mondial de cacao, deuxième producteur d’or du continent africain, disposant d’une forte population (près de 25 millions d’habitants), pays anglophone (avec ce que cela implique de savoir-faire économique et financier) et côtier (avec un port, Tema, qui a bénéficié, ces dernières années, des difficultés d’Abidjan), le Ghana se flatte d’être « la nation la plus démocratique du continent ».
Cette image flatteuse explique que Barack Obama ait choisi, au lendemain de son élection à la présidentielle US, de faire son premier déplacement officiel en Afrique à Accra où John Atta-Mills venait, lui aussi, d’être tout nouvellement élu à la tête de son pays (il avait prêté serment le 7 janvier 2009 et Obama le 20 janvier 2009). « Me voici, enfin, au Ghana, pour une simple raison : le XXIème siècle sera influencé par ce qui se passera non seulement à Rome ou à Moscou [deux capitales où Obama venait de séjourner] ou à Washington, mais aussi à Accra », avait affirmé Obama dans son « Discours d’Accra » prononcé le 11 juillet 2009. Au-delà de l’hommage aux Ghanéens (« Les Ghanéens ont à maintes reprises préféré le droit constitutionnel à l’autocratie, et ont fait preuve d’un esprit démocratique qui permet à leur énergie de se manifester »), Obama avait voulu rendre hommage à cette part de l’Afrique qui « prend ses responsabilités ».
Accra méritait d’être le lieu où rendre cet hommage « Made in USA ». En l’espace d’une décennie, trois chefs se sont succédé à la tête de l’Etat par la voie des urnes : Jerry John Rawlings, John Agyekum Kufuor et John Atta-Mills. Une « alternance démocratique » d’autant plus réussie que Kufuor était un opposant à Rawlings et qu’Atta-Mills l’était à Kufuor. Mais il restait au Ghana à s’affirmer comme « la » puissance économique régionale puisque la Côte d’Ivoire – sous Laurent Gbagbo – s’était lassée de l’avoir été et que la Guinée a toujours préféré le chaos politique au développement économique (et plus encore social) tandis que le Sénégal avait cessé d’être une « vitrine démocratique ».
Restait aussi à prouver que les responsables politiques ghanéens étaient dignes de cet hommage. Pour y parvenir, la voie avait été tracée par Atta-Mills lui-même dans Afrique Asie (février 2009) : « Notre gouvernement doit tout mettre en œuvre pour réduire le chômage, s’assurer que tous ont les mêmes opportunités, surtout grâce à un système éducatif plus performant et plus accessible. Il créera et modernisera les infrastructures afin de contribuer au renforcement de l’économie et à son expansion ». Croissance économique, justice sociale, formation accessible à tous, modernisation des infrastructures…, ajoutons que le Ghana doit sortir de son ghetto « langue unique/monnaie unique » et développer une politique d’intégration régionale qui lui fait défaut.
Le Ghanéen qui pense qu’il peut s’en sortir seul se trompe « gravement ». D’autant plus que la donne a changé compte tenu de l’entrée en production du gisement géant de l’offshore profond : Jubilee. Dont on disait qu’il pourrait détenir jusqu’à 1,8 milliard de barils équivalent pétrole sous une profondeur de 1.200 à 1.700 mètres d’eau. « Un des plus gros champs de pétrole découverts au large des côtes d’Afrique de l’Ouest depuis dix ans » commentait alors le quotidien économique Les Echos (30 octobre 2009).
Le pétrole n’est pas une découverte récente au Ghana et l’on oublie trop souvent que le pays appartient au club des producteurs depuis plus de trente ans. En décembre 1981, quelques jours avant son renversement (30 décembre 1981) par le jeune lieutenant d’aviation Jerry John Rawlings, le président de la République du Ghana, Hilla Limann (mort le 23 janvier 1998 à 63 ans), avait déclaré devant le Parlement que cinq compagnies étrangères négociaient avec son gouvernement en vue de l’obtention de permis de recherche offshore : la Compagnie française des pétroles (CFP) – devenue le groupe Total – les compagnies US Hydrocarbon Corp. et R.J.Walker et les compagnies canadiennes Voyager Petroleum et Hubday Oil International. Par ailleurs, il avait souligné que Phillips Petroleum intervenait déjà dans le bassin de Tano, que Texas Pacific Oil Co., présente dans le bassin de Keta, était associée au groupe US Aracca Petroleum Corp. Et que l’italienne AGIP prévoyait de forer un premier puits sur le permis Axim-Dixcore début 1982.
Enfin, un gisement de gaz naturel avait été mis au jour près de la frontière du Togo. La production ghanéenne était alors confidentielle (3.600 barils/jour) et provenait du gisement de Saitpond, opéré par la compagnie US AGRI PETCO (2.100 barils/jour) et du gisement découvert par Phillips (1.500 barils/jour) à Half-Assinie, à la frontière avec la Côte d’Ivoire. C’est à l’occasion de ce point d’information sur la situation du secteur pétrolier que Limann avait annoncé la création d’une société pétrolière nationale chargée de superviser les activités des sociétés étrangères opérant sur le territoire du Ghana afin d’organiser les opérations de raffinage, de distribution et de commercialisation des produits pétroliers. Elle devait être mise en place en 1982. Ce sera la Ghana National Petroleum Corporation (GNPC).
Le mode de production politique de Rawlings, obnubilé par « Dieu, Marx et la CIA… » (pour reprendre le titre d’un papier de Laurent Zecchini publié par Le Monde daté du 5 juin 1986) ne favorisera pas l’exploration et l’exploitation du pétrole. Mais il faut lui reconnaître une vision « différenciée » du rôle du pétrole et du gaz naturel dans l’économie d’un pays : au-delà de l’exportation de brut, il envisageait d’optimiser l’utilisation du gaz des gisements de Tano-Nord, Tano-Sud et du gisement de gaz satellite 2AX pour produire de l’électricité (on sait que le déficit électrique du Ghana est une plaie quotidienne, le lac sur la Volta River, la retenue des barrages hydroélectriques d’Akosombo souffrant d’un grave déficit pluviométrique) à partir d’une centrale à gaz combiné (400 MW), approvisionnée en gaz par une conduite de 37 km reliant les gisements offshores de Tano (Sud-Ouest de la côte ghanéenne) au village d’Effasu. Cette production d’électricité – dans le cadre d’une filiale de la GNPC : Western Power Company – devait permettre l’électrification des zones rurales du Sud-Ouest.
Insignifiante, la production pétrolière ghanéenne n’interférait pas dans la problématique générale de développement du pays. Jusqu’à la mise au jour de Jubilee. Découvert en 2007 (année du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Ghana ; d’où le nom de baptême du gisement !) au large de la côte du Ghana, Jubilee a été perçu comme une aubaine pour le Ghana qui souffre d’un déficit énergétique chronique et qui voyait là l’occasion de s’insérer pleinement dans l’économie mondiale. Mais, bien sûr, comme toujours dès que l’on découvre du pétrole, tout un chacun a été sur la « réserve » quant à l’utilisation de cette ressource. « Nous n’allons pas faire dépendre notre avenir de ce seul facteur, avait affirmé Atta-Mills, dans l’entretien accordé à Afrique Asie (février 2009) au lendemain de son accession au pouvoir. Ceux qui l’ont fait ont souvent été déçus. Pour que le pétrole ne soit pas une malédiction, mais bien une bénédiction, nous devons gérer de façon rigoureuse cette ressource non renouvelable. Pour cela, nous présenterons les comptes des recettes pétrolières jusqu’au moindre penny. Nous mettrons le pétrole au service du renforcement et de la diversification de notre économie ». La transparence est loin d’être totale. Selon Ghana Extractive Industries Transparency Initiative (Gheiti), le Ghana a extrait 5,9 millions de barils de pétrole brut soit une recette de 903 millions de dollars. Mais si plus de 50 % des revenus du pétrole sont tombés dans l’escarcelle de la GNPC, l’Etat n’a pas encore vu la couleur d’un seul cedi. D’où l’exaspération de la population et la préoccupation de la classe politique.
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique
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