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Chaque année, le sujet revient immanquablement sur le devant de la scène médiatique. C’est ce que l’on appelle dans la presse un « marronnier ». Et la franc-maçonnerie en est un, objet de tous les fantasmes. Il reste peu de mystère autour des frères et de leurs rites initiatiques. Mais qu’en est-il des sœurs ? Peu d’enquêtes s’intéressent aux franc-maçonnes. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses et influentes dans un univers souvent impitoyable avec les femmes.
Franc-maçonnerie : où sont les femmes ?
« Franchement, elles n’ont pas leur place dans notre loge », « La mixité est une question qui ne se pose pas pour nous, c’est un faux problème » ; «La tradition veut qu’on reste entre mecs !» Ces quelques réactions de membres de la Grande Loge Nationale Française (GLNF) traduisent le sentiment général qui règne dans les loges. Pas question d’initier des femmes. Bien sûr, certaines d’entre elles peuvent assister aux réunions mais l’initiation leur est, dans la plupart des cas, interdite. « La démarche maçonnique est d’abord une démarche d’homme. Elle se fait à l’aune des valeurs de la masculinité », affirme François Stifani, Grand maître de la GLNF.
La franc-maçonnerie est donc – encore de nos jours – réservée aux hommes. Ce genre de propos révolte de nombreuses sœurs. « C’est ridicule d’associer l’engagement maçonnique à une démarche masculine. Toutes ces représentations phalliques sont dépassées. Nous avons notre place dans ce milieu », s’insurge Sophie B., haut cadre dans une banque qui a récemment demandé à intégrer une loge du Grand Orient de France, l’une des plus anciennes et des plus importantes obédiences d’Europe. Et Sophie est loin d’être un cas unique. De plus en plus de femmes cherchent à se faire admettre dans telle ou telle obédience. Depuis quelques années, certaines d’entre elles ont certes été initiées, mais la cooptation se fait au compte-goutte. 8 femmes ont déjà été admises au Grand Orient mais 60 dossiers sont encore à l’étude. « Ca râle, ça coince dans les loges, il y a un vrai malaise. Ouvrir la porte aux femmes revient à diluer notre identité », confie un vieux franc-maçon. Même si d’autres relativisent : « Tout cela est exagéré ! Il n’y a pas d’interdiction formelle des femmes. Celles qui le désirent peuvent tout à fait assister à des réunions mais il y a des moments réservés aux hommes. C’est une question de liberté et d’intimité. Il ne faut pas y voir de rejet », insiste Alain Bauer, ancien grand maître et auteur de très nombreux ouvrages sur la franc-maçonnerie.
Pourtant les chiffres sont têtus. Il y aurait actuellement seulement 17% de femmes dans les effectifs globaux, toutes obédiences confondues.
C’est pour contourner tous ces obstacles que de nombreuses femmes se sont organisées entre elles. La Grande Loge Féminine de France (GLFF) regroupe aujourd’hui plus de 10 000 sœurs de toutes catégories socioprofessionnelles et réparties sur tout le territoire. Cette structure se veut avant tout un espace de réflexion sur des grands sujets de société. « Nous travaillons sur des thèmes qui ont trait à la vérité, à la justice et au respect de la dignité humaine », résume Marie-Danièle Tramu, responsable de la loge de Saint-Quentin. Dernièrement, les sœurs de la GLFF se sont par exemple insurgées contre l’abrogation de la pénalisation du harcèlement sexuel. Autrefois discrètes et connues pour leur culte du secret, elles interviennent de plus en plus souvent aujourd’hui dans l’espace public pour affirmer leur présence. Plus ouverte sur l’extérieur, cette obédience féminine n’en est pas moins difficile d’accès. Le site internet de la loge indique qu’il suffit simplement de déposer une demande pour faire partie du cercle d’initiées. Mais la démarche est beaucoup plus longue et aléatoire qu’il n’y paraît. Certaines femmes se sont ainsi vues refuser l’accès de la loge sans véritable raison. D’autres ont eu plus de chance. « Il suffit d’en avoir vraiment envie et d’être libre dans sa tête », avance Hélène qui a fait son entrée il y a tout juste une semaine dans une loge parisienne. Cadre dans un groupe financier à la Défense, elle a attendu de longs mois avant d’obtenir le fameux sésame. « On m’a posé de nombreuses questions sur mes motivations. Et après enquête, elles m’ont initiée. J’étais très fière. C’est le début d’une véritable aventure intérieure pour moi et peut-être aussi une évolution dans ma carrière ». Le mot est lâché. Les sœurs, tout comme les frères, fonctionnent en réseaux. Et ces connections leur permettent d’avancer professionnellement.
Mais personne ne vous le dira officiellement. « Les femmes viennent dans les loges d’abord pour chercher une écoute, une tolérance mutuelle. Nous ne sommes pas dans une logique d’influence», veut nous convaincre Denise Oberlin, grande maîtresse de la GLFF. Pourtant, la sphère politique n’est jamais loin. Combien de responsables avouent –toujours à demi-mot – leur appartenance aux loges. De Claude Guéant, en passant par Manuel Valls ou François Rebsamen, les ramifications du monde maçonnique sont tentaculaires. Qu’en est-il alors des franc-maçonnes ? Leurs connections sont réelles mais plus difficiles à établir. « La discrétion, le culte du secret et du mystère sont toujours présents, on évite de faire un lien explicite entre franc-maçonnerie et politique », reconnaît Yvette Nicolas de la Grande Loge féminine, ancienne assistante de Raymond Barre. Difficile donc d’identifier ces sœurs en politique. Quand on interroge les franc-maçonnes « en off », certains noms reviennent toutefois avec insistance. C’est le cas de la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. La ministre de la Justice ne dément pas être proche d’une obédience mais nie toute appartenance. Là encore, le mystère est savamment entretenu…
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