Désarmement, démobilisation: Les dessous du nouveau profilage des ex-combattants – De grandes interrogations sur la reprise du recensement
Hamadou Ziao Source: L’inter
Le ministère auprès du président de la République, chargé de la Défense, a procédé le jeudi 5 juillet 2012 au lancement d’une opération de recensement des ex-combattants, démobilisés et jeunes associés aux FRCI.
Cette opération de recensement participe de la stratégie de mise en œuvre du projet dudit ministère dénommé Programme National de Désarmement, de Démobilisation et du Corps des Volontaires pour le Développement (PNDDR-CVD). Une structure problématique, elle-même, aussi bien de par sa dénomination que dans son contenu.
Que recouvre le PNDDR-CDV que ne l’auront été les défuntes CNDDR, devenue PNDDR et aujourd’hui PNRRC ? Que va faire le PNDDR-CVD que n’ont déjà fait les structures susmentionnées ? Pourquoi une structure nouvelle pour le désarmement et la réinsertion alors que le PNRRC, créé à cet effet, effectue déjà le même travail ? Voici autant de questions que suscite ce nouveau programme directement piloté par le ministère de la Défense et qui appelle à des réflexions approfondies sur le travail déjà fait, ce qui reste à faire et surtout les gros sous, qui vont encore être dépensés pour mener à bien ce nouveau recensement militaire.
Le recensement des ex-combattants
Au dire du ministère, le Gouvernement ne dispose pas d’une base de données fiable des ex-combattants à telle enseigne qu’il n’a pas connaissance de l’effectif exact des anciens militaires de Côte d’Ivoire. L’opération devrait permettre de pallier cette difficulté.
Pour ce faire, un appel est lancé aux ex-combattants (démobilisés, jeunes associés aux FRCI, miliciens et membres de groupes d’autodéfense) de se rendre dans des sites indiqués, munis d’une pièce d’identité ou d’un extrait d’acte de naissance, de deux photos d’identité, et de leur récépissé de profilage ou leur carte de démobilisé. L’opération, confiée à l’Institut National de la Statistique (INS), qui doit la mener à terme en collaboration avec l’entreprise belge SEMLEX, cible spécifiquement les ex-combattants prenant leur repas ‘’à l’ordinaire’’ en caserne. Ce qui amène à s’interroger sur le sort de ceux de ces ex-combattants –pas aussi moins nombreux – qui n’y prennent pas leur repas.
Au fond, l’on pourrait relever une certaine incohérence dans ce projet de recensement tel que déroulé. Ceci, relativement au cadre de référence du DDR défini en Côte d’Ivoire, avec lequel il semble entrer en contradiction. La politique de désarmement, démobilisation et réinsertion à l’ivoirienne a, en effet, clairement élaboré des critères portant éligibilité au statut d’ex-combattant. Partant de ces critères, le recensement de tous les ex-combattants a, en principe, été déjà réalisé de 2007 à 2011.
L’éligibilité au statut d’ex-combattant
Selon les actes validés du programme national de désarmement, de la démobilisation, de la réinsertion et de la réhabilitation communautaire (PNDDR/RC), ‘’est combattant, l’individu, Ivoirien, qui pourra prouver avoir participé de façon active, dans une unité qui aura fait partie des combats sur le territoire ivoirien, après le 19 septembre 2002’’. Le Plan Conjoint des Opérations précisait que ‘’la qualité de combattant procède de l’appartenance de l’individu à une organisation armée’’. Ainsi, chaque structure de commandement devait produire la liste complète du personnel sous son autorité. Un gage de fiabilité. C’est en considération de cette exigence que les opérations de profilage des ex-combattants ont été réalisées de 2007 à 2011 par le PNRRC sur la base des listes établies et communiquées par les différents commandements militaires. C’est-à-dire, l’Etat-major des ex-forces armées des Forces nouvelles (FAFN) pour les ex-FAFN, le Centre de Commandement intégré (CCI) pour les membres de groupes d’autodéfense, l’Etat-major Général des Armées pour les jeunes associés aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Avec la participation de tous ces groupes, un travail de fourmis aura été effectué durant des années qui a permis de constituer une base de données forte de presque 110.000 ex-combattants, toutes catégories confondues. Fait curieux, l’actuel ministre de la défense sous l’autorité duquel ce travail aura été effectué à l’époque, lorsqu’il occupait le poste de directeur du Cabinet adjoint du Premier ministre Soro, le remet en cause aujourd’hui. En même temps, il recourt paradoxalement aux documents produits au cours de cette opération – notamment le récépissé de profilage ou la carte de démobilisé – pour le projet en cours.
A propos de la base de données du PNRRC
L’opération de profilage des ex-combattants réalisée par le PNRRC en collaboration avec l’ex-CCI puis le Bureau DDR de l’Etat-major, faut-il le souligner, a été réalisée avec une technologie de pointe identique à celle utilisée lors de l’opération générale d’identification des populations. Il s’agit du recensement alpha-numérique et biométrique, alliant photo et empreinte digitale. Ce qui abouti à une base de données plus fiable des ex-combattants de la crise ivoirienne. D’ailleurs, c’est à partir de cette base de données qu’ont été réalisées les opérations de désarmement et de démobilisation de 2010, lesquelles ont permis d’instaurer un climat favorable à la tenue de l’élection présidentielle. Cette base de données aura également servi à plusieurs autres opérations dont l’identification et l’encasernement des 5 000 ex-FAFN volontaires pour l’armée nouvelle, le désarmement et la démobilisation de plus de 18 000 ex-FAFN, la certification pour le compte du ministère de la Défense de la liste des 9000 ex-Fafn à intégrer dans l’Armée nouvelle ou la certification pour le compte du ministère de l’Economie et des Finances des bénéficiaires de la prime mensuelle de 50.000 F CFA accordée par le chef de l’Etat aux éléments à intégrer. Mieux, les opérations de profilage des ex-combattants ont toutes été réalisées sous la responsabilité du ministre Paul Koffi Koffi. D’abord, en tant que Directeur de Cabinet Adjoint chargé des Programmes de Sortie de Crise aux étapes de 2007 à 2010, ensuite, en tant que Ministre de la Défense pour le profilage des jeunes associés. Qu’est ce qui peut bien expliquer que sous la tutelle du même ministre l’on procède à un autre recensement des ex-combattants ? Quelle est l’opportunité de cette opération et à quel réel besoin répond-elle, qui n’ait été préalablement pris en compte ?
De l’opportunité d’un nouveau recensement
Un fait majeur qui ne saurait passer inaperçu, c’est l’utilisation des documents du PNRRC dans la réalisation de la nouvelle opération de recensement lancée par les services du ministère de la Défense actuellement. Le recours au récépissé de profilage ou à la carte de démobilisé pour accomplir cette mission révèle implicitement la fiabilité de ces documents et induit la validité du travail préalable effectué et ayant abouti à la base de données utilisée jusqu’à présent par tous. Si c’était le cas, pourquoi alors avoir initié une autre opération de recensement ? Les résultats du recensement opéré par le PNRRC étant déjà disponibles et sans reproche a priori, parce que n’ayant fait l’objet d’aucune dénonciation. Il n’est pas exagéré de le dire, mais tout porte à croire que le résultat de ce recensement initié par le ministère est déjà disponible. Il serait étonnant que ce travail aboutisse à des conclusions différentes des fichiers déjà élaborés qui ont coûté assez d’argent à l’Etat ivoirien et à ses partenaires. Surtout dans le contexte actuel de tension de trésorerie. Il faut craindre une dépense ruineuse pour une opération déjà réalisée à moindre coût et dont les produits restent probants. Ceux-ci n’ayant pas encore été officiellement remis en cause.
H. ZIAO
L’Inter
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