Par Amadou Zia Source: L’Inter
Les pro-Gbagbo l’ont ressenti comme un verdict avant le procès. Le refus de la juge unique Silvia Fernandez de Gurmendi d’accorder la liberté provisoire à Laurent Gbagbo, et les arguments qu’elle évoque pour justifier sa décision, trahissent, selon eux, une certaine volonté inavouée de condamner l’ex-président ivoirien. Les partisans de l’ancien chef de l’Etat de Côte d’Ivoire estiment, à la lumière des arguments développés par la juge Silvia de Gurmendi, qu’il se profile à l’horizon ‘’une parodie de justice‘’, qui va inéluctablement déboucher sur la confirmation des charges contre Laurent Gbagbo, et probablement à sa condamnation. Sur sa page Facebook par exemple, le très actif pro-Gbagbo sur la toile, Toussaint Alain, ancien conseiller de l’ex-président ivoirien, s’autorise le commentaire suivant : «la décision de la juge argentine Silvia Fernandez de Gurmendi n’est pas juridique mais politique. Tout est clair : la CPI se préoccupe davantage de l’avenir du régime de Ouattara que de justice. Cela n’augure vraiment rien de bon pour la suite». Un avis qui est largement partagé au sein de la galaxie des patriotes proGbagbo. Où l’on pense que la politique fait une entrée flagrante dans les affaires de justice. Les pro-Gbagbo s’expliquent mal en effet que la juge argentine refuse la liberté provisoire à leur champion, au motif que «la gravité des accusations portées contre M. Gbagbo, et la longue peine de prison qui peut s’ensuivre en cas de condamnation, constituent une incitation à prendre la fuite», lit-on dans un paragraphe de la décision de rejet de la demande de mise en liberté provisoire. Mieux, poursuit la juge unique de la Chambre préliminaire I, «(…) les considérations relatives au passé et au présent du suspect, sa position politique et professionnelle, ses contacts internationaux et ses liens, sa situation financière et ses res- sources, et la disponibilité de ressources en termes de réseaux et de finances nécessaires, sont des facteurs pertinents de détermination de l’existence d’un risque de fuite (…)» de Gbagbo en cas de libération à titre provisoire. Ou encore, cette partie du jugement de Mme de Gurmendi, qui argue qu’ «(…) il existe en Côte d’Ivoire un réseau vaste et bien organisé de sympathisants politiques de M. Gbagbo. De plus il a des contacts politiques à l’étranger». Soulignant que le réseau de Gbagbo vise comme objectif principal, sa libération. Dans sa démonstration, la juge présente donc un Laurent Gbagbo puissant, à la limite dangereux et dont la libération (provisoire) pourrait être préjudiciable pour la suite de la procédure engagée contre lui depuis bientôt huit mois devant la Cour pénale internationale (CPI). Pour qui et contre qui ? Motus. Les partisans de l’ancien président ivoirien en concluent que l’objectif de la juge de Gurmendi est de maintenir ce «personnage dangereux et nuisible» dans les liens de la détention, pour éviter qu’il échappe à la Cour et ne purge pas la lourde peine qu’on se prépare à lui infliger. D’autres y perçoivent un jeu trouble qui vise à renforcer l’accusation dans une certaine logique de faire condamner Laurent Gbagbo. Ceux-ci estiment qu’en accordant la liberté provisoire à l’ex-président ivoirien, cela pourrait d’une part constituer une victoire pour la défense, et d’autre part diluer les arguments de l’accusation pendant l’audience de confirmation des charges. Vrai ou faux ? En tout cas, le regard du juriste est tout autre sur la question. Interrogé hier, un praticien du droit dont nous taisons le nom, a indiqué que la juge de Gurmendi est dans son rôle. Il balaie toute inquiétude que pourraient se faire les pro-Gbagbo dans la mesure où la juge unique n’a pas touché le dossier dans le fonds. Notre juriste fait remarquer qu’il y aurait matière à désespérer si Silvia Fernandez s’était prononcée sur les charges, dans le sens qu’elles ne permettent pas de libérer provisoirement Laurent Gbagbo. De plus, il estime que le vrai challenge ne réside pas dans la requête pour une libération provisoire, mais en la possibilité pour la défense de casser les charges à l’audience de confirmation du 13 août prochain.
L’AFFAIRE DE KAMPALA
Dans les milieux diplomatiques cependant, il se susurre que la décision de la Cour pénale internationale (CPI) est fondée sur les bruits qui ont couru en ce qui concerne l’exil possible de Gbagbo en Ouganda. Selon certaines confidences, il se négociait en effet une libération provisoire pour l’ex-président ivoirien avec un forte implica- tion de certains chefs d’Etats africains. L’ancien patron du palais d’Abidjan devrait alors atterrir à Kampala avec l’accord du président ougandais Yoweri Museveni, qui avait écrit à la CPI pour se porter volontaire à accueillir le célèbre prisonnier de La Haye. L’affaire a été mise au grand jour par Francis Kpatindé, ex-journaliste à Jeune Afrique, et ami personnel de Laurent Gbagbo. Après une rencontre avec le détenu de Scheveningen, le journaliste a, au cours d’un entretien sur Rfi, dévoilé ce qui se préparait dans l’ombre. Et comme on le dit, la diplomatie ne s’accommode pas du bruit. Cette sortie du journaliste, semble-t-il, a compromis les chances de son ami. La CPI qui s’informe sur les relations de l’ancien président, notamment ses liens forts avec certains chefs d’Etat africains, aurait perçu un piège dans la libération provisoire de Gbagbo. Elle craint que des présidents africains qui n’auraient pas apprécié le transfèrement d’un ancien collègue à la CPI, puissent s’opposer à son retour
dans les box des accusés une fois relâché. D’où le refus de libérer Gbagbo, au motif qu’il dispose de réseaux puissants de par le monde.
Source L’Inter
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