Boni-Claverie reprend le combat pour la libération des pro-Gbagbo

Par Prince Beganssou, à Abidjan Jeune-Afrique

Libérée de prison en 2011, quand d’autres pro-Gbagbo ont été inculpés de génocide en Côte d’Ivoire, Danièle Boni-Claverie se bat pour ses ex-camarades.

Danièle Boni-Claverie ne regrette rien et n’en veut à personne. Dans le bureau de sa résidence, l’ex-ministre ivoirienne de la Femme, de la Famille et de l’Enfant du dernier gouvernement de Laurent Gbagbo garde les volets ouverts pour profiter des rayons du soleil. Longtemps, elle en a été privée : après trois mois passés en résidence surveillée à l’hôtel Nouvelle Pergola, à Abidjan, elle a été incarcérée, de juillet à novembre 2011, à Boundiali (Nord-Ouest).

À ses côtés, dans la prison, l’ex-Premier ministre Gilbert Aké N’Gbo, Alcide Djédjé, son ministre des Affaires étrangères, ou Désiré Dallo, autrefois chargé de l’Économie et des Finances. Le 25 juin, ils ont tous les trois été inculpés de « crimes de sang, meurtres, assassinats, incendies volontaires d’immeubles et génocide ». Pas Danièle Boni-Claverie. Réputée modérée, elle est accusée d’atteinte à la sûreté de l’État, mais a été remise en liberté provisoire il y a sept mois. La justice ivoirienne pourrait bien avoir renoncé à s’intéresser à elle.

« Vraiment, je ne regrette rien »

Depuis son bureau de la Riviera Golf, à Cocody, elle téléphone à des diplomates européens accrédités en Côte d’Ivoire, qu’elle aimerait convaincre de demander avec elle la libération des pro-Gbagbo, et s’enquiert de la santé de ses anciens camarades. De ses mois passés en prison, elle refuse de parler, « par pudeur ». Tout juste confie-t-elle que, « à Boundiali, les conditions de détention étaient comme dans toutes les prisons africaines ». Depuis qu’elle en est sortie, ses comptes ont été dégelés. À plus de 50 ans (elle refuse de donner son âge), elle s’applique désormais à essayer de relancer son petit parti, l’Union républicaine pour la démocratie (URD), et à réhabiliter sa résidence, pillée lors de la crise postélectorale.

Originaire de Tiassalé, en plein pays akan, au nord-ouest d’Abidjan, Boni-Claverie a dirigé la Radio Télévision ivoirienne (RTI, média public) et été membre du bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Ministre de la Communication (1993-1999) sous Henri Konan Bédié, elle s’est rapprochée en 2000 du général putschiste Robert Gueï. Et quand, en septembre 2002, éclate la rébellion, elle rejoint la mouvance patriotique proche de Gbagbo. À ceux qui raillent son nomadisme politique, elle répond qu’elle « soutient les institutions de la République, quel que soit le régime ». Sa nomination par Gbagbo a surpris ses proches. Cette fois encore, elle rétorque que, si elle a accepté, c’est parce que « Gbagbo était à cette époque le garant des institutions ». « Vraiment, je ne regrette rien, insiste-t-elle. Je fais de la politique et j’ai fait un choix dont j’assume les conséquences. Je n’étais pas préparée à aller en prison, mais je considère cette expérience comme un aléa de la vie politique africaine. Je n’éprouve aucun sentiment de vengeance. »

La libération des pro-Gbagbo, Boni-Claverie en a fait son cheval de bataille. « Cela contribuera à faire avancer le processus de réconciliation », explique-t-elle. Un engagement nouveau qui séduit presque les autorités ivoiriennes. « Paradoxalement, elle dépense plus d’énergie à faire libérer les pro-Gbagbo que les responsables actuels du FPI [Front populaire ivoirien, NDLR] », confie un proche du Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio, qui reconnaît sa « détermination ».

C’est un fait, Boni-Claverie a pris ses distances avec le FPI, mais reste au Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD, coalition de formations favorables à l’ancien président). « Le FPI a du mal à nous accepter en tant que parti, poursuit-elle, mais l’opposition demeure unie. Pour ma part, j’ai un parcours et une histoire qui me portent à être modérée. » Une histoire qui ne l’empêcherait pas d’entrer dans un gouvernement d’Alassane Ouattara si on devait le lui proposer, même si « on n’en est pas là » et que « cela n’est pas une priorité ». Et même si cela ne manquera pas de faire sourire ses détracteurs.

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