Par Diarra Cheickh Oumar Libre Opinion
Adresse à Monsieur le Président de la République – Trop de décisions impopulaires dans le secteur éducation-formation !
Sans verser dans le misérabilisme, les conditions de vie dans les différents foyers se précarisent de plus en plus. Manger à sa faim et qualitativement est aujourd’hui un luxe largement au-delà des possibilités financières de nombre de familles obligées de se contenter de pis-aller. La flambée incontrôlée et anarchique des prix des denrées de première nécessité contribue pour beaucoup à complexifier davantage cet état d’indigence déjà difficilement supportable. Tous azimuts, ce sont des litanies de complaintes, de jérémiades assorties dans les cas les plus criants de supplications frisant la mortification de la part de populations réduites à la dernière extrémité, de manière à attirer l’attention des autorités sur leur détresse. Quoiqu’aujourd’hui fonctionnaire bénéficiant d’émoluments mensuels, je suis moi-même issu d’une famille pauvre. Partant, je mesure l’ampleur du désespoir et l’angoisse qui rythment le quotidien de ces infortunés puisqu’ayant grandi, mené mon cursus scolaire et universitaire dans des conditions similaires. Pour un père de famille, en plus d’assurer les charges nutritionnelles, ce sont, dans la grande majorité, cinq, dix voire quinze rejetons à scolariser et à qui il faut acheter des fournitures pour les tâches d’apprentissage. Pour s’en convaincre, qu’on effectue des sondages dans les quartiers déshérités comme Adjamé, Attécoubé, Abobo, Port-Bouet, Koumassi, Treichville… Peut-être même qu’on trouvera que j’use d’euphémisme dans ma description des faits parce qu’on y trouvera, pour sûr, des situations de dénuements, de misères que les mots ne sauraient in extenso traduire. C’est pratiquement pareil, sur toute l’étendue du territoire national. On peut s’amuser à faire des statistiques. C’est dans ces quartiers précaires où la pauvreté et ses succédanés semblent avoir élu domicile que vivent la majorité des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire vient d’être reconnue par la banque mondiale et le FMI comme un pays pauvre et très endetté et que son niveau d’endettement, laissé en l’état, constituerait un impedimenta certain à son développement, son progrès. Ce qui a débouché conséquemment à l’annulation d’une grande partie de ses passifs financiers. Le club de paris en fera de même deux jours plus tard en sursoyant au remboursement de plus de 3000 milliards de nos francs de dettes contractées par notre pays. Cet élan de solidarité à l’endroit d’un pays dévisagé par des crises à répétition et des difficultés économiques a été accueilli avec joie et célébré avec faste par certains de nos concitoyens. Nous admettons donc notre état de pauvreté. Mais, à la vérité, ces arias économiques dont on parle avec beaucoup de ferveur, quels sont véritablement ceux qui en souffrent ? Quels sont les citoyens qui les subissent de plein fouet ? Y répondre, n’est qu’une sinécure. Manifestement, ce sont les locataires des quartiers précités, les habitants de certaines contrées de ce pays dont les rétributions mensuelles excèdent difficilement les 150 Euros. Paradoxalement, ce sont eux les géniteurs de la quasi-totalité des élèves et étudiants de notre chère nation. Personnellement, je salue cette touche de modernité qu’on s’emploie, à quelque niveau que ce soit, à donner à nos infrastructures scolaires et universitaires en rompant avec l’archaïsme des systèmes d’inscription manuelle, en revisitant le contenu des enseignements, les systèmes de formation. En revanche, je dénonce énergiquement cette façon, à la limite cavalière, d’imposer des décisions impopulaires plus motivées par des intérêts personnels que ceux visant la prospérité de l’école aux élèves et parents d’élèves de ce pays. Je confesse que je ne suis pas la voix la plus autorisée pour éructer ce genre de vérités qui relève plus de la compétence de l’organisation nationale des parents d’élèves et étudiants. Mais, constatant avec amertume leur démission et ce silence coupable face à cette forfaiture que je m’emploierai à tancer au vitriol, j’ai pris la ferme résolution de stigmatiser cette vaste entreprise d’escroquerie qui ne repose sur aucun fondement rationnel solide. En début d’année, les élèves ont été invités, suite à un accord conclu entre le Ministère de l’Education Nationale et la CELPAID, à s’inscrire en ligne en s’acquittant de la somme de 6000 F CFA, couvrant les droits d’inscription. Cette opération, selon les objectifs qui y étaient assignés, a permis au Ministère de l’Education Nationale de se constituer une base de données fiable permettant de lutter efficacement contre le phénomène des recrutements parallèles. Cette innovation a certes été décriée par certains de nos concitoyens parce qu’ayant fait l’objet d’un marché de gré à gré entre deux Ministres, de surcroît issus de la même formation politique, hors de toute norme en la matière. Toutefois, elle a eu le mérite d’asseoir une base de données fiable sur la base de laquelle certains contrôles peuvent être effectués. Mais, diantre ! Qu’est-ce qui justifie, rationnellement parlant, cette préinscription en ligne de tous les candidats au BAC 2012, moyennant la somme de 2000 F CFA ? Veut-on nous faire comprendre que tous ces postulants seront admis à l’issue des épreuves et que cette préinscription serait organisée à cette fin ? Ou alors, cette lubie, je dirais même fantaisie vise-t-elle d’autres desseins personnels auxquels on s’ingénie à donner l’apparence de la légalité ? Malgré tous les exercices de réflexion comme retour acrobatique sur soi-même en vue de percer le mystère, la rationalité secrète qui se cache derrière une telle entreprise, je ne suis nullement parvenu à en cerner le bien-fondé. La seule évidence qui se présente à moi et à tous ceux qui sont dotés d’un sens critique, c’est qu’elle dégage de forts relents d’une arnaque devant servir à renflouer l’escarcelle d’un certain nombre d’individus. J’aurai compris la pertinence et l’importance d’une telle opération si cette préinscription en ligne, à l’instar de celle initiée par Monsieur le Ministre Cissé Bacongo pour les universités dont je salue ici le dévouement, l’esprit d’initiative et surtout l’honnêteté, se faisait gratuitement, juste pour avoir le profil des éventuels et prochains occupants de nos différentes universités et ainsi, épargner à ceux qui seront déclarés reçus au terme des différentes épreuves orales et écrites du BAC, les tracas afférents aux longues files d’attentes devant les scolarités pour se faire reconnaitre et figurer sur les fichiers. Déjà identifiés numériquement, il ne s’agira pour ces heureux candidats que de s’acquitter simplement des droits d’inscription. Qui plus est, suite aux opérations d’inscription en ligne en début d’année par la CELPAID, Madame le Ministère de l’Education Nationale dispose d’informations fiables, numériquement certifiés sur les différents candidats au BAC qu’il suffirait de mettre à la disposition de la DOREX dirigée par Monsieur Coulibaly Doulaye. Cette analyse faite, on comprend donc aisément la nature superfétatoire et surtout dolosive de cette trouvaille se caractérisant par son inanité. Aucun argument digne de crédit ne peut être mobilisé pour nous faire avaler cette déloyauté qui n’est qu’un pont aux ânes, donc perceptible même par des individus au pallier suprême de la stupidité.
Ainsi, Monsieur le Président, tout en célébrant votre ferme détermination à faire de cette nation, dans un avenir proche, un pays émergent, j’aimerais attirer votre subtile attention sur ces faits qui, en mon sens, constituent de graves manquements au sacro-saint leitmotiv de bonne gouvernance que vous avez érigé en cheval de bataille. Je ne sais pas si vous êtes informé de la mise en branle d’un tel projet, mais observer le silence devant une telle énormité serait fort dommageable pour votre image et pour la probité sans faille dont vous avez fait jusque-là preuve. Sans prétendre vous donner des leçons de politique, sachez que vous représentez un réel espoir pour ce peuple fatigué de politiciens véreux qui par leurs turpitudes, sont les principaux générateurs de la calamité sans nom qui s’est abattue sur lui, dix années durant. Je sais que pour toujours bénéficier de vos largesses, certains de vos collaborateurs vont font des rapports tronqués, manipulés et truffés de contre-vérités. Sans revendiquer le monopole exclusif de la vérité, j’ai l’avantage comme bon nombre de citoyens dans ce pays d’être dans le peuple et en contact avec ce peuple qui par son vote, vous a permis d’être là où vous êtes aujourd’hui. Et la grande partie de ceux-là qui vous ont accordé leurs suffrages sont des démunis, vivant quelquefois dans des conditions inhumaines. Ce sont eux les parents de ces jeunes gens à qui, par des manèges immoraux et infâmants, on extorque indûment de l’argent. Excédés par ces pratiques éhontées et indignes de gens occupant de hauts postes de responsabilités avec des privilèges inconsidérés de nature à donner le tournis, ils ne se privent pas dans les lieux publics, gares, supermarchés, marchés, stades… de manifester leur courroux assortis de propos très discourtois à l’endroit de votre régime et vous. C’est la grogne généralisée suite à la prise de cette décision frappante surtout par son incongruité et son relent de supercherie. Monsieur le Président, j’ai moi-même entendu cette phrase de la bouche de certains de vos inconditionnels, désappointés et contrariés par les excès et déviations de certains de vos collaborateurs que je m’emploierai à restituer ici sans projection psychologique : « Ah bon ! A cause d’eux, nous avons donné ce que nous avons de plus cher, nos enfants ont été massacrés lors des marches, brûlés vifs pour certains. Et c’est de cette façon qu’ils nous remercient, en nous appauvrissant davantage, en rendant la vie dure à nos enfants dans les écoles, grandes écoles, universités via des frais sauvages et prohibitifs. Et pourtant, on nous avait promis l’école gratuite. Nous avons pris bonne note… ». Monsieur le Président, sans attiger et loin de moi toute velléité de tremper dans la démagogie, étant moi-même un de vos affidés pour ne pas dire inconditionnels, j’ai été sérieusement désarçonné par ces propos, qui présentés devant le tribunal de la raison, sont difficilement deconstrutibles, quelles que soient la pertinence et la rigueur de l’argumentaire qu’on mobiliserait à cet effet. En politique, ce sont des indices inquiétants. Je le dis dans la perspective des échéances électorales à venir. Car le découragement est vraiment perceptible sur terrain. Je ne m’aventurerai pas dans un certain nombre de détails. L’enjeu ici, est de maintenir son électorat ; mieux, le rabonnir numériquement de sorte à rabattre le caquet aux éventuels adversaires lors des joutes à venir. Pour ce faire, évitons de fournir des arguments à l’adversaire pour nous combattre en nous étalant à travers des conduites irréfléchies, des incartades et concussions. Qu’on me démontre le contraire, je juge non seulement inutile mais niais d’obliger des élèves à se préinscrire en ligne en leur extorquant la somme de 2000 F CFA et même plus dans certaines localités alors qu’on détient déjà un fichier conglomérant leurs profils et les informations les concernant. A quoi aura donc servi l’opération conduite et bouclée par la CELPAID ? Monsieur le Président, nous tombons tous en admiration face aux gigantesques travaux de réhabilitation des infrastructures, des voiries, de constructions de ponts, de chaussées, d’habitats pour redonner fière allure à ce pays rendu méconnaissable par dix années de crise et améliorer les conditions d’existence des ivoiriens, sans oublier cette vaste offensive diplomatique visant à attirer les investisseurs étrangers et bailleurs de fonds. Ce sont des faits et acquis irrécusables même lorsqu’on est embarqué dans le vertige sclérosant et aveuglant de la mauvaise foi. Mais, je vous invite à donner un coup de fouet au volet social car au-delà tout cet aspect infrastructurel et matériel, l’individu humain demeure la valeur suprême et son bien-être, la fin vers laquelle tout doit converger. Monsieur le Président, vous êtes une chance non seulement pour votre pays, la Côte d’Ivoire, mais surtout pour toute l’Afrique. Ne laissez pas des individus au mercantilisme délirant écorner votre image et saper toutes ces belles œuvres que vous êtes en train de réaliser. N’oubliez pas aussi, Monsieur le Président que vos meilleurs alliés, ceux qui ont sacrifié leur vie pour votre installation au palais présidentiel sont dans les quartiers précaires d’Abidjan et de l’intérieur du pays. Veillez à ce qu’on ne leur pollue pas davantage l’existence à travers des mesures dénuées de toute substance visant en réalité à accroître leur misère. Je souhaiterais donc que cette préinscription en ligne des candidats au BAC 2012 soit purement et simplement annulée et l’argent empoché, restitué. Cela contribuera à baisser la colère sans cesse grandissante de nombreux sans voix qui ne jurent pourtant que par vous et vous vouent un amour passionnel.
Tout en magnifiant Monsieur le Ministre Cissé Bacongo que je considère comme le meilleur de vos collaborateurs pour sa bravoure et sa passion pour le travail bien fait, j’aimerais relever un problème qui se profile à l’horizon, afférent aux droits d’inscription dans les différentes universités. Il se susurre qu’ils pourraient passer de 6000 F CFA à 50.000 F CFA voire 100.000 F CFA. Imposer un tel montant, ce serait donner l’extrême onction à la quasi-totalité des étudiants de ce pays, presque tous issus de familles logeant le diable dans la bourse. Beaucoup se verraient dans l’obligation de mettre fin à leurs études, quoique brillants et promis à un bel avenir. Soyez regardant sur cette question, Monsieur le Président, en maintenant le montant encore en vigueur dont le payement relevait déjà de la gageure pour un nombre non négligeable d’étudiants. En le faisant, vous enlèverez une épine des pieds des habitants d’Abobo, d’Attécoubé, d’Adjamé et de tous les autres quartiers déshérités de ce pays. C’est bel et bien dans ces endroits que vivent les parents de ces fils du pays. Et, beaucoup d’entre eux n’ont ménagé aucun effort pour votre brillante élection afin de rompre définitivement avec cette atmosphère infernale générée par le satrape-sanguinaire Laurent Gbagbo et ses sbires. Ce sont des faits majeurs qu’il ne faut reléguer aux oubliettes. Pour terminer, j’aimerais rappeler à certains supposés militants baignant dans une mare d’ignorance, incapables d’abstraction et d’élévation que le militantisme ne consiste pas dans la gueulardise et des propos ineptes caractéristiques d’ânes bâtés, mais à œuvrer au mieux-être du parti et au progrès du pays en formulant des critiques constructives susceptibles d’aider le Chef de l’Etat dans sa tâche, qui n’est la propriété de personne. Qui bene amat, bene castigat (Qui aime bien, châtie bien), disent les Latins. C’est dire que l’amour rime nécessairement avec la vérité, la critique utile et courtoise. Prétendre aimer quelqu’un, c’est être capable de lui asséner quelquefois un certain nombre de vérités dont il pourrait tirer de réels profits. En politique, on a que faire de l’idolâtrie. On a besoin d’hommes capables de penser, de réfléchir, de faire des propositions idoines dans l’optique du rayonnement du pays. Sans risque de me tromper, je crois que c’est ceux-là dont le Président Ouattara a véritablement besoin. Pas d’histrions à la formation douteuse, réduits de par leur formation, à un conditionnement pavlovien, et un travail répétitif, mécanique sans accompagnement réflexif, qu’un enfant de la maternelle exécuterait sans coup férir. Moi, j’ai choisi la voie discursive, de la réflexion et aussi de la dignité qui commandent que je fasse part, chaque fois que besoin se fera sentir, mes réflexions à Monsieur le Président de la République, juste pour l’épauler dans la mission difficile qu’il est en train de conduire avec beaucoup de brio. C’est cela le rôle de l’intellectuel, le vrai, pas des larbins motivés par des préoccupations stomacales. On n’est pas seulement utile à un pays qu’en occupant un poste de Ministre, de Député, de Conseiller à la présidence de la République ou de Directeur général. De mon modeste poste de professeur certifié de philosophie, je suis à même de produire des pensées et de développer des stratégies politiques dans la noble perspective de sa prospérité économique, politique et sociale. Toutefois, cela passe par des remises en cause, si nécessaire, parfois par des mercuriales virulentes et caustiques sans intention d’outrager. La controverse, l’art des contradictions surmontées fondent la politique et lui donnent ses lettres de noblesse et en fait un véritable vecteur de développement. Recevez mes salutations déférentes, Monsieur le Président et à très bientôt pour une autre communication. Que Dieu nous garde !
DIARRA CHEICKH OUMAR
Professeur certifié de philosophie
Lycée moderne 1 Bondoukou
Doctorant en sciences politiques
E-mail : diarra.skououmar262@gmail.com
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