Cinq ans après l’attentat de Bouaké (avion) Sidiki Konaté témoigne…

AFP/Getty Images

Sur sa page facebook, le ministre Sidiki Konaté a rendu un émouvant témoignage sur l’attentat contre le Fokker 100 qu’avait emprunter l’ex-Premier ministre en Juin 2007 pour se rendre à Bouaké. Un attentat visant Guillaume Soro. Alain Lobognon lui aussi en a parlé sur RFI, et sur Twitter, il en a déduit qu’il comprend que ceux qui ont vu de près la mort et y ont échappé, veuillent croquer la vie à pleine dent. Pour plusieurs observateurs, cette main de Dieu qui a sauvé Guillaume Soro et ses compagnons, ainsi que bien d’autres événements, doivent être une occasion de prières, de reconnaissance au créateur, au Maître de tous, et aussi un moment pour se rendre compte de la vanité de nos orgueils, de la faiblesse et de la fatuité des hommes. Un exercice et un rendez vous du pardon. Ci-dessous le témoignage du Ministre Sidiki Konaté, pour comprendre que les uns et les autres ont eu leur part de souffrance et de martyr en Côte d’Ivoire, pour se pardonner et aller à la réconciliation ; pour respecter la douleur des uns, des autres et de tous. Qu’Allah veille sur la Côte d’Ivoire !

Avec L’Intelligent d’Abidjan

……

Ce vendredi 29 juin 2007, à 10 h, j’ai rejoint le patron (SG des FN et PM) dans sa chambre du Golf hôtel qui jouxte la mienne au 5eme étage. Un peu mal réveillé, il me demande si le cortège pour l’aéroport est prêt.

D’un ton calme il demande qu’on descende. Ce que nous faisons.

Vers 11 heures, le Fokker 100 est plein de beau monde; Membres du cabinet du PM, journalistes de tous bords, gardes de corps…..

L’ambiance est conviviale et très détendue.

Nous sommes dans la cabine VIP. Il y’ a 4 sièges. Le premier ministre occupe le siège droit et fait face à la cabine des pilotes. Je suis assis en face de lui en donnant dos à la cabine. Son directeur de cabinet adjoint en charge de la sortie de crise, l’actuel ministre de la défense KOFFI KOFFI Paul, est le troisième dans la cabine VIP.
Le pilote salue le PM et les passagers et donne les infos d’usage sur le vol. Temps agréable, durée de vol 45 minutes Abidjan-Bouaké.

On décolle vers 11h 45mn. Je jette un coup sur le chrono de mon portable. Je ne porte pas de montre souvent.

Dans le vol du Fokker 100, le PM-SG des FN, malgré le coup de la fatigue perceptible, se refuse de profiter des 45 minutes pour se reposer un peu. Tout de suite, on engage une séance de travail. Il me demande le point sur les préparatifs de la cérémonie; laquelle annonçait le vrai démarrage des sentiers de l’accord de Ouaga. Il s’agissait du redéploiement du corps préfectoral et de l’administration judiciaire dans les zones CNO, en vue du démarrage effectif des audiences foraines, prélude à l’identification des populations et des électeurs.

Le ministre d’état, de la justice, l’actuel président de la cour suprême M. Koné Mamadou, était déjà la vielle à Bouaké avec le corps des magistrats à déployer (une centaine) dans toute la zone CNO.

Le dircab adjoint Koffi Paul a fait le point des préparatifs au niveau administratif et financier.

Le PM-SG FN a plongé dans son discours qu’il nous a permis de critiquer; Mais le discours était bien et rien à redire.

L’avion amorce la descente après 40 minutes de vol. À l’approche de la piste de l’aéroport de Bouaké, le PM jette un coup d’oeil dehors et voit à l’accueil du beau monde (militaires membres du cabinet du SG FN et populations civiles).

Il n’aime pas beaucoup les grands accueils. Mais la fonction oblige. C’était une visite de travail du premier ministre de Côte-d’ivoire à Bouaké, pour une opération essentielle du processus de sortie de crise.

L’avion atterrit en beauté; amorce un virage calmement. C’est l’avant dernier virage avant de regagner la piste d’accueil, distante de quelques 3 km encore.
Le PM me demande l’heure. Je n’ai pas fini de regarder mon portable que je venais d’allumer qu’un coup violent brisa le silence dans l’avion.

De ma position, je vis un éclair d’éclat et de feu traversé la deuxième cabine. Dans cette 2ème cabine, étaient assis le chef de sécurité du PM, l’aide de camp, les services du protocole, les proches collaborateurs du cabinet (Alain Lobognon alors conseiller à la primature, Meité Sindou conseiller, soul 2 Soul patron du protocole…).

Tout d’un coup la cabine se noircit de fumée ocre et étouffant. Les fils électriques prennent feu.

Le PM qui fait dos à la deuxième cabine tente de tourner pour comprendre l’origine de ce bruit. Je n’arrive pas à lui dire ce qui se passe car je ne comprends pas aussi.
Le PM appelle son aide de camp quand à peine, un deuxième coup violent d’une rare tonalité se fait entendre dans la troisième cabine. Dans cette cabine il y avait le gros contingent des membres du cabinet et des journalistes.

Le PM, qui a le même genre de portable que moi, me demande mon portable; il cherche dans mon répertoire le numéro du général Bakayoko (alors chef d’état major des FAFN et actuel chef d’état major des FRCI). Or on a pas le même répertoire. Donc impossible de joindre le patron militaire des FAFN.

Simultanément des tirs nourris de mitraillettes transpercent de partout l’avion. On commence à réaliser que nous sommes attaqués.

On se croupit sur nos sièges. Un pilote est atteint à la main et sort courageusement de la cabine pour annoncer au PM que nous sommes attaqués.
Quelques occupants de l’avion accourent vers notre cabine. Soul 2 Soul est atteint de la main mais veut à tout prix savoir comment va le patron. Méité et Alain Lobognon tombent dans l’allée. Le sang gicle de partout. L’odeur de la mort rôde. L’avion chauffe et la chaleur devient époustouflante. Je me résous à la mort. Car je sens plus d’oxygène. Je m’attends à ce que l’avion explose à tout moment. Je récite des versets du coran….

Le PM se baisse pour demander à Soul de rester couché; tâche difficile car Soul se soucie plus du patron que de lui même qui est atteint par balle. Sa main est défigurée.
Un garde de corps, le caporal DIOMANDE, traverse la deuxième cabine. Il est atteint par une rafale. Son épaule est atteint. Il arrive au niveau du PM. Qui lui demande de rester couché. Il refuse et tombe sur le PM pour assurer sa sécurité. Le sang nous inonde. Étant en face du PM, je vois la rage dans les yeux mourants du caporal DIOMANDE. Je le vois mourir à petit feu. Mais il a envahit de tout son poids le PM.

L’horreur est en marche.

Le pilote se résout à continuer de conduire l’avion vers la piste d’accueil malgré sa blessure…

On arrive et je vois de loin Fayama et Wattao qui courent vers nous.

On descend en catastrophe…et les véhicules dans la débandade générale foncent en ville.

On veut amener dans une cachette le PM. Il refuse et demande qu’on aille tous au secrétariat général des FN, notre QG.

Je prend dans mon véhicule MEITE et ALAIN que je conduis à l’hôpital militaire de la base de l’armée française. La ville est troublée. Ça court dans tous les sens. Les radios annoncent la nouvelle. Le pays tout entier tremble.

On nous conduit au secrétariat général des Forces Nouvelles.

Encore englué dans le sang du caporal DIOMANDE, le PM-SG des Forces Nouvelles convoque une réunion de crise avec l’ensemble des commandants. Il donne des instructions pour sécuriser la ville. Et me demande de rejoindre immédiatement le ministre de la justice pour maintenir la réunion sur le redéploiement. Car pour lui il ne fallait pas que l’ennemi, qui a fait ce coup, sente qu’il a gagné. On ne devrait pas reculer. Ce qui fut fait.

Ce jour là, il y’a eu un grand drame pour nous et nos familles, Il y’a eu des morts et des blessés.

Grâce à Dieu je n’ai eu aucune égratignure à l’instar du PM. Nous nous en sommes sortis indemne.

Je dis merci et Gloire à Dieu. Pour cette grâce j’ai effectué en 2007 le pèlerinage à la Mecque.

Je garde en moi à jamais l’image mourante mais brave du serviteur du PM, le caporal DIOMANDE.

La détermination jusqu’au bout…..pour ne pas faillir à sa mission.

À l’instar de son patron le PM-SG FN et de tout son groupe pour continuer à garder le cap, malgré ce grave coup.

Je termine par ce coup de fil de l’ex président Gbagbo Laurent à Son PM, quelque minutes après l’attentat:

Gbagbo: « SORO ça va? J’ai alerté Le colonel Konan Boniface et l’armée à Yamoussokro. Ils sont prêts à rentrer à Bouaké pour te sortir de là et mettre de l’ordre…. »
SORO Guillaume: « merci monsieur le président. Grâce à Dieu je n’ai rien eu. Pour l’intervention des FANCI dans Bouaké, merci monsieur le président. Mais les FAFN contrôlent bien la situation…. »

Ce jour là, un vendredi 29 juin 2007, Dieu a sauvé notre destin.

En ce jour du vendredi 29 juin 2012, j’ai fait organiser une lecture coranique chez moi dans la ferveur, pour dire merci à Dieu pour toute sa grâce sur…nous qui sommes les survivants de cet attentat. Pour prier aussi pour le repos de l’âme des disparus.

Tous des serviteurs fidèles du Combat pour une côte d’ivoire nouvelle.

Dieu est Grand!

En ce jour de souvenir, je présente mes condoléances au PAN de l’assemblée nationale (alors PM et SG des FN. Je salue surtout son sang froid et sa lucidité qui lui ont permis de maintenir le cap du processus de sortie de crise, dont nous vivons chaque jour aujourd’hui le bien fondé.

In God we trust

Le ministre KONATE sidiki

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