Le parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) joue avec les nerfs du RDR en maintenant ses réticences qui portent cette fois sur le foncier rural. Alors que la plaie de ses froides attaques sur le découpage électoral ont du mal à se cicatriser, le chef de l’Etat et son clan font grise mine et encaissent le coup. Ils risquent d’être groggy. Car la question foncière fait transparaître, en arrière-plan, la guerre de l’ivoirité. Ce concept créé par les têtes fortes du PDCI, y compris par ceux qui semblaient avoir fait allégeance depuis le 11 avril à Ouattara, et assumé politiquement par Henri Konan Bédié fut le point d’orgue du long face à face violent entre les deux hommes durant de nombreuses années. La réconciliation intéressée et forcée par ailleurs par Jacques Chirac, l’ancien président français, aura donc vécu. La terre, c’est sans doute ce qui reste quand on a tout perdu. Le parti soixantenaire freine surtout des quatre fers parce que le chef de l’Etat n’a pas vraiment pas l’air de penser aux planteurs ivoiriens. Déjà en visite d’Etat à l’ouest, il avait prévenu que le règlement de cette question nécessitait la prise de décisions difficiles. Et selon les journaux proches du RHDP, ces décisions difficiles ont pour finalité de rendre les ressortissants de la Cedeao propriétaires, là où la loi de 98 n’en faisait que de simples locataires. Signe qu’on n’est plus vraiment loin, le journal Le nouveau réveil d’ordinaire plus proche de Ouattara quand il s’agit de parler des problèmes du RHDP a estimé hier dans un billet intitulé « foncier rural, 1er couac » que l’idée d’ériger des campements en villages, pour faire au forceps des allogènes des propriétaires terriens est dangereux. « Laissez ça ! », signe le billetiste, indiquant par ailleurs que : « Non, messieurs, ce n’est pas bon. ».
Et si le PDCI se la joue nationaliste sur la question, c’est parce que l’avenir des paysans baoulés, déployés par grappes entières sur les terres de l’ouest où ils ont de vastes plantations de café et de cacao, se joue. Depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara marquée par une pacification de l’ouest par des ressortissants étrangers qui se sont organisés en milices pour détrousser les autochtones, les planteurs baoulés ont aussi fait les frais de la ratonnade en dépit des alliances politiques. Des ressortissants de la Cedeao accourent ainsi à l’ouest en rendant réels les risques d’une déplanification sociale dans cette partie de notre pays. Le vote d’une loi sur le foncier rural en contradiction flagrante avec la loi de 1998 qui fut adoptée, après une tournée de tous les partis ivoiriens, ne viendrait donner qu’un surplus de force à cette colonisation étrangère.
En attendant que cette guerre traverse les lignes et les amitiés politiques, d’ores et déjà les journaux des deux camps s’y prennent au collet. Nord-Sud qui est proche de Guillaume Soro, le président de l’assemblée nationale en délicatesse actuellement en France, a déjà objecté que c’est cette ivoirité du PDCI, en l’occurrence, qui fut à l’origine de la guerre en Côte d’Ivoire. Le chef de l’Etat, lui, ne semble pas vouloir reconsidérer sa position. Même si le séminaire gouvernemental n’a pas encore fait connaître ses réformes, préférant, signe des difficultés évoquées plus tôt, de prendre son temps, Ouattara est visiblement à l’épreuve. Aux yeux de Blaise Compaoré, il représentait un gage pour la protection des minorités burkinabé installés, pour la plupart, dans les zones de la boucle du cacao où certains d’entre eux ont fait fortune. Cette protection de l’Etat ivoirien permet par ailleurs au parrain burkinabé de forcer une ouverture sur la richesse fondamentale du pays. Avec cette caution de l’Etat ivoirien, l’Etat burkinabé se déploie jusqu’au cœur de la boucle du cacao.
Cela dit, cette deuxième guerre de l’ivoirité arrive au moment où les rôles ne sont plus les mêmes. Henri Konan Bédié n’est plus président de la république de Côte d’Ivoire et semble plus préoccupé par son seul avenir politique à la tête du PDCI. Quant à Alassane Ouattara, qui s’est fait baptiser la victime idéale de l’ivoirité, est désormais à la tête du pays avec tous les droits. Et au lieu du traditionnel ménage à trois, le RHDP règne sur la vie politique nationale où il a pris d’assaut l’assemblée nationale. N’ayant plus d’arbitre, la guerre des deux faux alliés risque d’être meurtrière, au propre comme au figuré. A demain, n’est-ce pas ?
Joseph Titi
Aujourd’hui
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