Mali: la charia fait fureur à Tombouctou

Le Point.fr –

Par Armin Arefi

C’est une scène moyenâgeuse que l’on pensait exclusivement réservée à l’Iran, l’Arabie saoudite ou l’Afghanistan. Pourtant, trois mois après avoir pris le contrôle de la ville de Tombouctou, les islamistes touaregs d’Ansar Dine mettent à exécution leur volonté d’imposer la charia dans tout le Mali. Cent coups de fouet : c’est le châtiment qu’ils ont infligé à Hamaradane, 23 ans, et à sa fiancée Zebou, rapporte Radio France internationale. Leur crime ? Avoir entretenu une relation hors mariage, qui a donné un enfant. Dénoncés pour adultère, puis arrêtés devant le domicile de la femme, les deux jeunes ont vite été présentés devant un cadi, juge traditionnel malien, qui a prononcé leur condamnation.

Et l’exécution de la peine ne s’est pas fait attendre. Mercredi, c’est en public que les deux jeunes ont été flagellés. « Ils ont été amenés sur la place ; on les a mis devant les gens. Ils n’ont pas été déshabillés, ils sont restés avec leur tenue et on a commencé à administrer à chacun d’eux cent coups de cravache », raconte un témoin de la scène à RFI. « C’était comme un spectacle, les gens ont regardé ça. C’est Ansar Dine qui a organisé la séance de coups de fouet », affirme de son côté à l’AFP Mohamed Ould Baby, un élu de la ville. « C’est la première fois que je vois ça », ajoute-t-il.

Charia « pure et dure »

Majoritairement musulman, le Mali n’en reste pas moins un pays laïque. Mais le coup d’État militaire du 22 mars dernier a changé la donne. Affaibli par la chute du président Amadou Toumani Touré, le pouvoir n’a rien pu faire contre les assauts des groupes touaregs au nord. Associés contre l’armée malienne, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), un groupe touareg musulman – mais laïque -, qui lutte depuis cinquante ans pour arracher à Bamako l’indépendance du nord, et les touaregs islamistes d’Ansar Dine (Défenseur de l’islam, en arabe, NDLR) se sont emparés de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois grandes villes du nord.

Et coup de théâtre, le 27 mai dernier, les deux organisations, aux intérêts pourtant divergents, ont annoncé leur fusion et proclamé la création de l’État islamique de l’Azawad. Une déclaration par la suite démentie par plusieurs ailes au sein du MNLA, faisant apparaître d’importantes dissensions sur l’application « pure et dure » de la charia. Des divergences qui pourraient rapidement être effacées. D’après Serge Daniel*, correspondant de l’AFP à Bamako, « le secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Achérif, est favorable à une alliance avec les islamistes », assure-t-il au Point.fr. D’après le journaliste, cela s’explique par le fait que le secrétaire général du MNLA et le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, sont issus de la même tribu.

Mariage de raison

D’ailleurs, dans une interview à Jeune Afrique, Bilal Ag Achérif a rejeté le qualificatif « laïque » définissant depuis toujours son organisation et a annoncé que la future Constitution de l’État de l’Azawad serait basée sur le Coran. Il faut dire que, sur le terrain, les hommes du MNLA feraient pâle figure face aux combattants d’Ansar Dine. « Derrière Ansar Dine se cache al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), qui arme, finance et dicte sa conduite », affirme Serge Daniel. Une force de frappe considérable dans une zone immense et faiblement peuplée, soit une cache parfaite pour le nouveau terrorisme international.

C’est cette inquiétante perspective qui a amené la France à soutenir une opération militaire de forces africaines au Mali, sous l’égide du Conseil de sécurité de l’ONU. Pendant ce temps, les Nord-Maliens paient déjà le prix du pouvoir islamiste. D’après l’AFP, un responsable de la police islamique de Tombouctou a affirmé qu’en plus du couple flagellé six femmes ayant eu des enfants hors mariage seraient prochainement « sanctionnées ». « Pour nous, la charia doit être appliquée, que la population l’accepte ou non », affirme à RFI Sanda ould Boumana, représentant d’Ansar Dine à Tombouctou. « On ne demande pas l’avis de qui que ce soit. Nous ne sommes vraiment pas démocrates », précise-t-il.

Quant à Hamaradane et à sa fiancée Zebou, s’ils ont dû se faire soigner à l’hôpital de Tombouctou, ils ont eu la joie de revoir le cadi : leur bourreau les a mariés dans la soirée.

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