Boigny Express
Moïse Lida Kouassi, ancien ministre de la Défense sous Laurent Gbagbo, vient de passer aux aveux. L’homme a reconnu dans une vidéo présentée dans la nuit du mardi 12 juin 2012 à la télévision nationale, une tentative de déstabilisation du régime Ouattara. Arrêté à Lomé au Togo le 6 juin dernier et extradé le même jour en Côte d’Ivoire, Lida a reconnu, si on s’en tient au film diffusé sur la Rti qu’il préparait un coup d’Etat.
« Les quelques documents qui ont été saisis à la suite de la perquisition de mon domicile à Lomé portaient sur la question d’une transition et une communication de prise de pouvoir de Côte d’Ivoire ». Voici quelques mots de la lecture faite par l’ancien ministre de la Défense, de ce qui est brandi comme un aveu. Très bonne initiative de Moïse Lida Kouassi qui, après avoir pris de son temps, énergie, argent, des risques pour sa propre vie, celle de sa famille et de ses camarades pour monter ce coup, reconnaît sans grande difficulté qu’il s’est trompé. Peut-être a-t-il été visité par l’Eternel des armées que lui et ses amis n’arrêtent d’invoquer. Peut-être a-t-il aussi été torturé comme l’annonçaient à longueur de journée les journaux bleus proches du Fpi. Quelle que soit la méthode utilisée pour aboutir à ce résultat, Lida Kouassi Moïse, cet intellectuel dont on dit qu’il a fait des études de stratégies militaires en Allemagne, reste l’éternel faux frère que personne ne veut voir. En théorie, Lida est un stratège militaire. Il n’a jamais exercé parce qu’éternellement habité par des idées subversives. L’on dit que le président Félix Houphouët-Boigny ne voulait pas de lui dans l’armée ivoirienne, de peur que celui-ci ne fomente un coup d’Etat contre lui. Lida fait partie de la grande famille des ‘’camarades’’. Avec les autres et surtout avec son frère Boga Doudou, ils ont occupé des postes hauts placés lorsque Laurent Gbagbo a accédé au pouvoir d’Etat dans des ‘’conditions calamiteuses’’.
Gbagbo avait perdu confiance
Avec un air de suffisance et des déclarations fleuves, Lida a fait croire aux Ivoiriens que la Côte d’Ivoire avait l’une des armées les plus performantes sur le continent. C’est ce qui a permis à l’ex chef de l’Etat de déclarer un jour qu’il « n’y aura plus jamais de coup d’Etat en Côte d’Ivoire ». Ministre de la défense, il avait été chargé par Laurent Gbagbo de préparer la loi de la programmation militaire. Quand la guerre éclate le 19 septembre 2002, Laurent est en Italie. Lida tente de le convaincre de ne pas rentrer, arguant que la situation était trop dangereuse, et qu’il devait mettre de l’ordre. Son idée en réalité, était bien loin de là. Il voulait avec les moyens militaires qu’il avait, prendre la situation à son compte et s’autoproclamer chef de l’Etat, a-t-il reconnu dans la vidéo présentée à la télévision. Connaissant les appétits subversifs de son camarade, Laurent Gbagbo déclina l’offre. C’est pourquoi il sera écarté par le Woody de Mama qui avait perdu toute confiance en lui dès son retour d’Italie.
Qui a tué Boga Doudou ?
L’une des premières victimes de la rébellion du 19 septembre 2002 fut Emile Boga Doudou alors ministre de l’Intérieur et de la Sécurité. Il était l’un des ministres les plus protégés du pays. Pourtant, il a certainement été la première victime de haut rang abattue à son domicile lorsque les rebelles sont descendus sur Abidjan. Beaucoup de spéculations, de dissertations et de commentaires sur la mort de ce ministre ont alimenté le débat politique pendant de longs mois. Aujourd’hui encore, l’on continue de s’interroger. Cependant une variable qui a surpris plus d’un, c’est qu’au sein de son propre parti le Fpi, Lida a été accusé d’avoir fourni des informations qui ont permis l’assassinat de son frère de Lakota. A Lakota, Lida avait été vomi par les populations. Pendant de longues années, après la mort de Boga Dougou, il avait du mal à se rendre à Niabézaria son village. Personne ne voulait le voir à Lakota en raison de ce qui lui était reproché. Par ailleurs, comment Moïse Lida Kouassi a-t-il pu échapper aux assaillants dans la nuit du 18 au 19 septembre ? Lui dont le domicile a été visité de fond en comble cette même nuit. Sa femme, ses enfants, sa servante selon les déclarations de Lida lui-même, auraient été malmenés alors qu’il se terrait dans un coin de la maison. Un témoignage qui n’a jamais convaincu personne. Quelques mois auparavant, des bruits d’un conflit ouvert entre Boga et Lida avaient fait le tour des medias et des foyers. Un problème de leadership à la fois dans leur région commune de Lakota et à la tête de l’armée ivoirienne. Bogo était très proche et très respecté de Laurent Gbagbo. Lida cherchait à avoir davantage de faveurs aux yeux de leur mentor. Boga est mort assassiné dans des conditions non encore élucidées tandis que Lida dont la maison avait été aussi visitée la même nuit s’en est sorti sans la moindre égratignure. Qui a sorti les Lida ? Qui a donc tué Boga Doudou ?
Lida mérite-t-il encore la confiance des Ivoiriens ?
Moïse Lida Kouassi est resté dans l’antichambre du Fpi depuis son éviction du gouvernement jusqu’à la chute de Laurent Gbagbo. Il était totalement éteint et vomi par les siens. Les camarades n’avaient plus confiance en lui. Son rôle reste encore trouble dans l’assassinat du général Robert Guéi. Que peut-on attendre d’un homme pour qui seul le pouvoir d’Etat et l’argent sont les priorités? Malgré ses récentes déclarations et sa volonté de se repentir, on a du mal à lui accorder le moindre crédit. Or, l’argent c’est ce qu’il veut gagner facilement. Lida Kouassi est capable de tromper Gbagbo, Alassane Ouattara, Bédié, pourvu qu’il bénéficie de quelques faveurs, dit-on dans leur milieu. C’est trop facile de fomenter un coup et de venir dire après « je suis prêt à demander des excuses et demander la clémence du Président. Je suis là et prêt à une collaboration franche avec les autorités ivoiriennes. J’ai donné mon engagement au ministre d’Etat… ». Il faut un peu plus pour convaincre les Ivoiriens. Surtout quand on a en face quelqu’un qui ne sait pas entretenir une relation fraternelle. Est-ce un apprenti boulanger ?
Jean Philippe Okann
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