A Charles ONANA: Le problème de l’Afrique, ce sont les Africains eux-mêmes !

Libre Opinion

Réponse à Charles ONANA: Le problème de l’Afrique, ce sont les Africains eux-mêmes !

L’intellectualisme comme propension à faire prévaloir l’intelligence et les idées au détriment de la sensibilité, ne peut s’apparier à des prises de position fallacieuses et frappées d’inanité. Garder le silence devant des propos aussi choquants qu’invraisemblables que ceux éructés par Charles Onana, écrivain et journaliste d’investigation camerounais, lors de sa dernière conférence tenue à Hambourg en Allemagne, ce serait d’une certaine façon cautionner l’œuvre diabolique de désinformation entreprise pour semer le doute dans les esprits les moins instruits, donc les moins éclairés. Le discours tenu est totalement infondé et étale une ignorance criante quant à la maîtrise même des concepts qui en constituent le socle abyssal.

En effet, cette sortie d’ailleurs superfétatoire de notre journaliste d’investigation, titre dont nous doutons sérieusement, laisse, dans une première analyse, percevoir une méconnaissance profonde du sens réel du terme souverainisme. En politique, le souverainisme est un concept qui désigne tout refus de voir intégrer son pays dans un ensemble plus vaste. Il traduit certes une idée, un concept mais aussi, un programme comportemental dicté par la doctrine elle-même. Le tout n’est pas de scander à tout bout de champ le mot pour se donner bonne conscience. La question essentielle ici doit consister à se demander : que faisons-nous, nous Africains, pour que cette rhétorique sorte de l’ordre de l’incantatoire pour être une réalité concrète du vécu ? Que faisons-nous de nos acquis et quelles stratégies développons-nous pour les valoriser de manière à nous tirer des griffes de la misère, de l’assistanat des autres ? Sortons des constructions oniriques pour enfin prendre la pleine mesure de la matérialité de notre quotidien. De quoi est fait ce quotidien ? Un dénuement endémique semé et entretenu par les Africains eux-mêmes, à travers une gestion patrimoniale, clanique, népotique, égoïste et égocentrique du pouvoir d’Etat et des ressources inquantifiables dont regorge le continent. Objectivement, est-il responsable, mieux sensé de réclamer une indépendance totale lorsqu’on est incapable de fabriquer ne serait-ce qu’une ampoule électrique ? De parer à un incendie menaçant de faire voler en éclat l’une des rares raffineries modernes de toute une région du continent ? De concevoir et de monter un fauteuil dentaire pour les extractions et chirurgies dentaires ? De construire même des latrines pour recueillir nos propres matières fécales sans l’aide de l’union européenne, du FMI ou de la banque mondiale ? Et, d’ailleurs, pourquoi Charles Onana et Calixthe Béyala n’exercent-ils pas leurs métiers d’écrivain et de journaliste d’investigation au Cameroun qui s’y prêterait à merveille vu la myriade de thèmes d’écriture générés par les difficultés vécues par les populations, le nombre étourdissant d’affaires sales à porter à l’attention du peuple camerounais et du monde ? Vous vous êtes expatriés et avez trouvé refuge en France, pays des Droits de l’Homme, parce que, le Président Paul Biya, par sa voracité et son incompétence, a rendu le pays exsangue, y a tout détruit, n’est-ce pas ? Rationnellement, c’est sur de tels fondements qu’un être normal, jouissant de la totalité de ses aptitudes mentales, doit bâtir sa quête du souverainisme ? Et de quel souverainisme parle-ton ? Ce souverainisme sur fond de mendicité chronique, en fuyant nos pays pour s’abreuver des délices résultant de la prospérité des autres, acquise sur la base d’un rapport rigoureux et constant au travail ? Ce souverainisme diurne auquel est substitué, toute honte bue, un larbinisme objectivant, une fois la nuit tombée ? Non ! Cher ami Onana, le peuple Africain est assez mûr pour souscrire à de telles fadaises. Ce n’est pas au moyen de suggestions aussi creuses qu’on arrivera à cette indépendance totale dont vous rêvez tant, en ruant inutilement dans les brancards contre l’Occident qui, selon votre démarche, est la source génératrice de toutes les calamités qui s’abattent sur l’Afrique. Adoptons de prime abord des attitudes dignes, marquant notre ascendance d’êtres humains revendiquant l’exclusivité de la raison nous mettant à l’abri d’un certain nombre de tares comportementales qui sont sources de régression. Pour ce faire, il faut reconsidérer notre commerce à la politique, notre vision de la politique, qui, in statu nascendi, a été conceptualisée et matérialisée pour être au service du développement et du progrès et non servir nos intérêts égoïstes, familiaux, claniques. Assurer ensuite, notre indépendance économique en s’aliénant sans réserve dans le travail et par une gestion saine et responsable de nos ressources minières et énergétiques. Enfin, s’ouvrir à l’extérieur à l’effet de bénéficier de l’expertise des autres dans divers domaines car, en s’enfermant sur soi-même, on se condamne nécessairement à l’appauvrissement. On ne grandit qu’en s’ouvrant à l’altérité et comme le disait Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis. » Nous le disons dans le cadre d’une collaboration et non inviter les Africains à se réifier, à se rabaisser et à lécher les bottes de la tutelle. Voici des pistes crédibles qui, explorées à bon escient et de manière savante pourraient propulser notre cher continent vers l’avant et nous sortir définitivement de cet assistanat chronique suscité par les interminables difficultés qui minent le continent. Ce n’est donc pas en se bandant les muscles, en agonissant l’Occident d’injures et d’insanités, en s’épanchant à travers des slogans inconsistants, qui plus est, non maîtrisés qui résoudraient les maux qui défigurent l’Afrique. Isolez l’Afrique du reste du monde n’est nullement une panacée mais plutôt une grossière absurdité.

Monsieur Charles Onana semble également se réclamer du panafricanisme. Là encore, c’est totalement méconnaître l’ipséité de cette doctrine. Le panafricanisme tel que défini par ses concepteurs, se présente dans sa quiddité comme un mouvement visant à rendre solidaires économiquement, politiquement et culturellement les Etats africains. Partant, c’est une idéologie qui entre en contradiction flagrante avec la haine de l’étranger, désignée sous le vocable générique de xénophobie. On ne peut donc prétendre être militant panafricaniste et s’acoquiner avec un aussi sinistre individu, Charles Blé Goudé, leader de l’ex galaxie patriotique et fondateur et président du COJEP, qui a passé le plus clair de son temps, flanqué de ses laquais, à pourfendre et à assassiner les ressortissants burkinabé, malien, guinéen…, à les déposséder de leurs plantations, de leurs biens pour ensuite les distribuer à des inconditionnels abonnés à la phobie du travail, à des vilénies morales, quelquefois inimaginables. Pendant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, cette antipathie pour l’étranger a été poussée à un point paroxystique avec les meurtres effroyables perpétrés sur d’innocentes personnes accusées d’être des soutiens pour le Président Ouattara. Nombreux sont donc les ressortissants mauritanien, burkinabé, français, malien… qui ont été assujettis aux supplices de l’autodafé (article 125, entendez pétrole 100 F CFA et 25 F CFA pour l’achat de la boîte d’allumettes) par l’amoral Blé Goudé et ses miliciens disséminés un peu partout, à travers la ville d’Abidjan. Les vidéos afférentes à ces atrocités existent et appuieront les plaintes déjà déposées en temps opportun. C’est cela votre conception du panafricanisme ? Que des africains soient martyrisés, massacrés sur leur propre continent par leurs propres frères ? Nous comprenons pourquoi des criminels de la pire espèce comme Omar Al-Béchir qui se livre à une honteuse purification raciale et ethnique au Soudan et Laurent Gbagbo dont le passage à la tête de la République de Côte d’Ivoire représentera à jamais la parenthèse la plus sombre et la plus abominable de l’histoire de cette jeune nation, représentent à vos yeux des hérauts du panafricanisme. Mais, sachez-le, aucun Africain sensé, ne vous suivra dans cette voie digne que des scélérats n’ayant aucun respect pour la vie humaine et des valeurs qui fondent l’humanité. Vous ne réussirez jamais à falsifier l’Histoire malgré toute cette débauche d’énergie que vous y consacrez qui aurait pu servir à des combats plus utiles à l’humanité. Le monde entier est parfaitement informé de ce qui se passe au Darfour, de la crétine guerre que votre curieux panafricaniste, Omar Al-Béchir est en train de faire au Soudan du sud, de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, sous Laurent Gbagbo qui, pendant une décennie, a infligé toutes sortes de supplices au débonnaire et pacifique peuple de Côte d’Ivoire nourri par le père fondateur de la nation aux principes de l’amour du prochain, du pardon, du partage, de l’hospitalité, de la non-violence, de la vérité et de l’honnêteté. Hâbleur et foncièrement hypocrite, Laurent Gbagbo n’est indépendantiste, panafricaniste que pour des esprits incapables d’abstraction, de ce retournement acrobatique nécessaire à la réflexion, à l’analyse. Ce chantre du machiavélisme dans son versant immoral, a été durant le temps qu’a duré sa régence, le défenseur obstiné d’un national-socialisme exacerbé, hitlérien bâti sur une conception totalitaire, nationaliste et ségrégationniste du pouvoir. Sa phobie pour l’étranger est sue de tous. Rappelez-vous, le parti dont il est le leader, le FPI, par la voix de Monsieur Raphaël Lakpé, aujourd’hui militant du RDR, a été le premier à présenter Monsieur Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, comme un national burkinabé venu s’accaparer de la Côte d’Ivoire, lorsque le Président Houphouët-Boigny l’a nommé comme premier Ministre. C’est un peu là que s’origine toute cette haine injustifiée qui va être entretenue par la suite par un certain nombre de citoyens ivoiriens vis-à-vis du burkinabé. En son temps, le Président Houphouët-Boigny, pour ne pas laisser cette grossière affabulation prospérer, a du, lors d’une conférence de presse, faire la généalogie des Ouattara, reprise par le chanteur de reggae Tiken Jah, dans l’une de ses chansons. Mais, rien n’y fit, puisque Laurent Gbagbo avait réussi par des manèges politiques dont lui seul détient le secret, à inscrire dans la mentalité d’une bonne frange de la population ivoirienne de l’époque, que le Président Houphouët-Boigny était un infâme prédateur des deniers publics, un assassin et partisan d’une Côte d’ivoire-CEDEAO. Ce rejet systématique de l’étranger se confirmera lorsqu’il parviendra, dix ans après, à la tête de ce pays, en enfarinant tous ceux avec qui il avait conclu des accords. Son programme de gouvernement, on le sait, a été échafaudé sur la base de la discrimination, de la ségrégation des ivoiriens et d’un sentiment d’animosité atrabilaire contre l’étranger. La contre-vérité ayant une durée de vie très limitée dans le temps, le peuple ivoirien a fini par découvrir la quintessence de l’être Gbagbo, la trame de sa politique clientéliste, démagogique, népotique, clanique, ethniciste et a fini par le sanctionner lors des scrutins présidentiels d’Octobre et de Novembre 2010 en le logeant définitivement dans la poubelle de l’Histoire. Verdict qu’il refusa en s’agrippant au pouvoir, tout en usant d’une force inouie et aveugle. Ce refus irraisonné d’accepter cette punition démocratique a entraîné le pays presque dans le chaos (3000 morts identifiés et des dégâts matériels indéchiffrables). La passivité devant le crime ayant ses implications dans le crime, la communauté internationale a du, à un moment donné, prendre ses responsabilités en neutralisant les armes lourdes lâchement larguées sur les populations par la soldatesque à la solde de Laurent Gbagbo. Il s’est agi d’un simple acte humanitaire mené par la France sous mandat de l’Onu visant à protéger la population civile. Ces armes de destruction massive qui constituaient la pierre angulaire de son dispositif militaire d’attaque et de défense ayant été annihilées et ses mercenaires dans le désarroi, sa capture n’a été qu’un jeu d’enfants pour les forces républicaines de Côte d’Ivoire quelques jours plus tard. S’il y a eu coup d’état, c’est bien celui pensé et exécuté par le satrape-sanguinaire Laurent Gbagbo et ses hommes qui se sont tristement illustrés par un déni de démocratie aux conséquences incalculables.

Ce n’est donc pas la France que vous accusez de tous les méfaits de ce monde qui a installé le Président Ouattara. C’est bel et bien le peuple libre et souverain de la Côte d’Ivoire qui l’a fait en vouant votre pseudo-héros aux gémonies. Affirmer que Laurent Gbagbo a été combattu par la France pour sa vision économico-souverainiste de la Côte d’Ivoire n’est qu’une tentative honteuse de falsification et d’avance vouée à l’échec de la réalité. Savez-vous, cher ami Onana, que sous la gouvernance de votre champion, tous les pans et fleurons de l’économie ivoirienne avaient été cédés à France ? Le terminal à conteneurs de Vridi, Côte d’Ivoire Telecom, la CIE, la SODECI sont tous en grande partie, des propriétés de la tutelle. Pourquoi donc mener une guerre contre quelqu’un qui vous fait tant de cadeaux, qui plus est, on le sait également, a financé la campagne de Chirac en 2002 ? Monsieur le ‘’journaliste d’investigation’’, c’est ce que vous appelez avoir une vision économico-souverainiste ? Crier sur tous les toits sa haine pour la France et, une fois la nuit tombée, plier pusillanimement l’échine en lui offrant et bradant toutes les richesses du pays, même les biens immobiliers du pays en France, en Suisse, en Belgique ? Il y a vraiment de quoi douter des résultats de vos investigations ! Lorsqu’on ne sait pas, il vaut mieux observer le silence que d’éructer de telles balourdises. Encore une fois, nous invitons nos intellectuels à un peu plus de lucidité. Ce n’est pas de cette façon qu’on aidera l’Afrique à retrouver ses repères, à sortir des rets du sous-développement. On ne réussira véritablement à aider ce continent que le jour où nous déciderons d’une même voix et sans complaisance aucune, de dénoncer les tares qui le minent sourdement et pernicieusement et qui ne sont que l’œuvre funeste de l’homme Africain lui-même. Sortons donc de cette attitude d’auto-défense, de cette niaise fatuité que rien ne justifie d’ailleurs, de cette célébration orgueilleuse de notre identité, de cette logique ignominieuse de bouc-émissairisation des puissances occidentales quant aux malheurs qui nous frappent. Ce combat, Léon Gontran Damas, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et tutti quanti l’ont déjà mené. Nous sommes à l’heure de l’autocritique. C’est cette autocritique inaugurale qui, conduite avec rigueur et objectivité, nous permettra d’emprunter les vrais sentiers du développement, du progrès. Il n’y a pas d’autres alternatives. Arrêtons donc cette politique de l’autruche !

DIARRA CHEICKH OUMAR
Professeur certifié de philosophie
Lycée moderne 1 Bondoukou
Doctorant en sciences politiques
E-mail : diarra.skououmar262@gmail.com

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