Retranscrit par L’Intelligent d’Abidjan
Alassane Ouattara fait son bilan à travers les ondes de Rfi. Il revient sur la cherté de la vie, la sécurité, la justice, en un mot, il a répondu aux questions liées à l’actualité nationale et internationale.
Je suppose que vous entendez comme la plupart des gens, l’impatience qui commence à se manifester ici. Beaucoup avaient voté pour vous en disant que grand économiste reconnu, vous pourriez amenez des millions de dollars pour reconstruire la Côte d’Ivoire. Certains commencent à se demander s’ils ne se sont pas trompés. Où sont tous ces milliards de dollars promis?
Vous savez, s’il y a un signe d’impatience, c’est peut-être parce que ça va mieux. On se souvient encore il y a un an, la Côte d’Ivoire sortait d’une très grave crise postélectorale avec des milliers de cadavres dans les rues, une situation où une épidémie de choléra était quasiment à nos portes, les infrastructures étaient détruites, les armes circulaient un peu partout dans le pays, il y avait des endroits de non-droit dans ce pays. Personne ne venait ici, les avions étaient vides et ainsi de suite. Mais ce n’est pas cela qui m’intéresse. C’est le présent et le futur. J’ai fait ma campagne sur un programme sur cinq ans. En réalité c’est une année puisque nous avons perdu cinq mois à cause de cette situation. On me jugera aux résultats à la fin de mon mandat. Mais dès à présent je peux vous dire que j’ai trouvé un Etat effondré, une administration inexistante, des infrastructures totalement dégradées, un pays en ruines, en réalité. Tout est à reconstruire. Depuis mon arrivée, il est vrai qu’il y a eu des centaines de millions de dollars, mais qui ont été utilisées à faire les choses les plus urgentes. Donner des médicaments, donner des fournitures aux élèves, faire en sorte de réhabiliter les infrastructures élémentaires tels que les hôpitaux, les centres de santé, réhabiliter les écoles, faire en sorte que les universités qui étaient totalement en état de ruine soient réhabilitées, ce sont des centaines de milliards que nous avons consacrées à tout cela. Par conséquent, moi je considère que les choses vont aller beaucoup plus vite maintenant. La cherté de la vie est une réalité. Et ce n’est pas parce que c’est une réalité dans le monde que je ne m’en préoccupe pas en ce qui concerne la Côte d’Ivoire. Nous avons des produits de base dont les prix ont été revus à la hausse pour diverses raisons. Les importations, la baisse de l’Euro etc…Donc il y a des facteurs que nous ne contrôlons pas. Ceci étant, il y a des circuits de corruption dans des prises de ressources sur toute la filière. Des problèmes d’évacuation des ressources des produits de l’intérieur vers la capitale. Alors, tout cela, nous sommes en train de les régler.
Dans les premiers mois, vous avez commencé à régler par exemple, les problèmes de corruption dont vous avez parlé, mais on a l’impression qu’elle revient de façon plus insidieuse à travers ceux qui sont arrivés avec vous aux affaires.
Là, ce serait très grave. Ces personnes qui sont avec moi ont signé un code d’éthique. Si nous avons des preuves qu’un seul a commis un acte délictueux, la personne sera virée du gouvernement. Ils le savent, je le leur ai dit, je le leur ai répété lors du remaniement ministériel. Donc je suis patient et ce qui importe c’est qu’on améliore la situation des Ivoiriens y compris le quotidien. La situation des Ivoiriens voudrait dire avoir également des infrastructures, avoir des écoles, avoir des hôpitaux, des centres de santé, avoir de l’eau potable, de l’électricité. Dans beaucoup de régions il n’y avait plus d’eau potable. Abidjan ne pouvait que pourvoir 50% de la consommation.
Qu’est-ce qui a changé ?
Nous sommes à 75%. Vous pouvez tomber sur des gens qui vous diront que la situation n’a pas changé, mais dans un an, il y aura de l’eau potable à 100% au niveau de la consommation. C’est la réalité. Nous avons des projets dans ce sens. J’étais dans l’Ouest par exemple, si je prends une ville comme Duékoué, la production d’eau potable était à 50%. Nous y sommes maintenant à 75%. D’ici la fin de l’année, elle sera à 100%. Ce ne sera pas seulement à Duékoué ou à Man, mais dans tout l’Ouest de la Côte d’Ivoire, nous seront à 100% de provision d’eau partout où il y a de l’eau potable.
A vous entendre parler de ces investissements, l’Ivoirien lambda se pose la question de savoir pendant ce temps nous on fait comment, et les hommes d’affaires disent que l’Etat doit beaucoup d’argent qu’il ne paye pas, comment pouvez-vous convaincre quelqu’un que quelque chose a bougé ?
Non, Monsieur Alain Focca, les choses ont bien bougé. Il n’y avait pas d’infrastructures, il n’y avait pas de médicaments dans les hôpitaux, il n’y avait pas du tout d’écoles, l’université était délabrée, il y a un certain nombre de grands projets et de petits projets qu’il fallait mettre en œuvre. Pour cela j’ai mis en place un Programme Présidentiel d’Urgence (PPU). La question du panier de la ménagère est un problème réel. Mais on ne peut pas le résoudre en un mois ou deux, avec la flambée actuelle du prix du pétrole, avec l’environnement international! C’est partout que ce problème se pose. Mon ambition est d’améliorer le pouvoir d’achat des Ivoiriens. Et c’est ce que nous sommes en train de faire.
Comment ?
Quand nous aurons des recettes plus fortes parce qu’il y a une meilleure gouvernance en matière de finances publiques, nous pourrons procéder à une amélioration sur les salaires les plus faibles. Quand nous serons à mesure de mieux contrôler les dépenses et de sortir de toutes ces dépenses inutiles qui sont dans le circuit, nous pourrons nous concentrer sur le secteur pour faire beaucoup plus de social. Quand nous aurons mis en œuvre notre programme de production de riz, nous pourrons importer moins de riz. Donc nous avons un programme.
Mais ça met du temps tout ça ?
Je comprends l’impatience des Ivoiriens, mais ce sont des choses qui prennent du temps. Et je prends le temps de bien les régler. Rien n’a été fait pendant plus de dix ans. En un an, nous avons fait plus qu’en dix ans. Et nous continuons. Dans deux ans, dans trois ans, vous verrez que la Côte d’Ivoire aura un tout autre visage. Et surtout que les Ivoiriens seront dans de meilleures conditions de vie, en matière d’écoles, d’université, de centres de santé, en matières d’hôpitaux, de routes etc… Je tiendrai mes promesses.
Pour tenir vos promesses il faut qu’il y ait une vraie relance économique. Or de nombreuses entreprises ivoiriennes attendent de voir l’aide promise au lendemain de la fin de la crise. De l’aide promise autant par la France mais aussi par vous pour indemniser la plupart de ces entreprises qui avaient été fortement sinistrées. Où en est l’indemnisation des entreprises ?
Mais l’indemnisation après la crise a eu lieu pour un certain nombre d’entreprises ! Les fonds ont été dégagés. Je crois deux fois six milliards, le groupement des entreprises a décidé de la manière dont ces ressources devaient être reparties, en deuxième lieu, en ce qui concerne les arriérés, les non-paiements qui ont été contracté par le régime précédent, j’ai décidé de faire un audit. Parce qu’il y a beaucoup de surfacturations, beaucoup de fausses factures, et nous devons faire le point, régler ces problèmes avant de procéder au paiement des arriérés. Et nous allons le faire parce que nous avons des ressources pour le faire. Mais je ne le ferai pas tant que je n’ai pas la certitude que nous n’allons pas payer de fausses factures. En troisième lieu, en matière de croissance économique, en matière de stabilisation financière, la Côte d’Ivoire, l’année dernière, a vu une chute de sa richesse nationale qu’on appelle le Produit Intérieur Brut (PIB) de 5%. Cette année, les estimations font que nous serons à une croissance de plus de 8%. Ce qui veut dire que ça va mieux. Cette croissance, bien qu’elle soit forte, elle n’est pas encore descendue au niveau du panier de la ménagère. Ce qui est normal, parce que cette croissance est tirée par les gros investissements. L’université, les hôpitaux, les routes, la création d’emplois dans ce secteur. C’est également un des points importants de mon programme, je suis confiant quant à ce qui concerne l’aspect économique. Nous avons trouvé un pays qui avait des déficits partout. Des entreprises publiques telles que la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR) et autres qui étaient au bord de la faillite, il fallait les restructurer. Qu’est-ce que cela voudrait dire ? Quand une entreprise fait un déficit de 100 milliards en un an, nous éliminons ce déficit. Et cela veut dire que l’année d’après, cette entreprise créera non seulement des emplois mais également va dégager des bénéfices qui permettront de faire des investissements et peut-être contribueront à réguler de manière plus raisonnable les prix des produits. Donc il y a tout un programme, tout un plan et ça se déroule normalement. Je peux comprendre l’impatience de mes compatriotes, mais cette impatience est due au fait que ça va mieux.
La France, Monsieur le président, avait promis vous accompagner dans votre aventure qui vous a installé au pouvoir après les élections (par son intervention…)
Non, non, non, la France ne m’a pas installé. J’ai été élu démocratiquement par les Ivoiriens. Il y a eu cette crise postélectorale et les Nations Unies ont pris une résolution parce qu’elles avaient supervisées les élections à l’issue desquelles, le président d’alors n’a pas voulu partir. Des armes lourdes étaient utilisées et au vu de cela, les Nations Unies ont demandé à l’Onuci d’intervenir et comme les questions de sécurité sont reparties par zone, la France a eu l’obligation d’accompagner les Nations Unies. Cette intervention a permis de régler le problème du départ de l’ancien président avec des troupes ivoiriennes. Maintenant, j’avais promis des ressources, 300 millions d’euros. Cet argent a été décaissé ! Savez-vous que pendant trois mois, les Ivoiriens ne recevaient pas un sou pour la plupart, de leur salaire ? Les fonctionnaires n’étaient pas payés. Ce montant a permis de régler les arriérés de salaires. C’était admirable, ce qui a été fait. Cette crise a pris fin le 11 avril. Nous avons un ministre des Finances parmi les meilleurs, Charles Diby Koffi, qui était à Paris pendant cette crise, qui a négocié un paquet pour que dès la mise en place du gouvernement légitime et légal que nous sommes, des ressources puissent arriver pour éponger les arriérés pour le mois de février de mars et d’avril 2011. Et c’est ce qui a été fait. Dès fin avril, nous avons pu payer les fonctionnaires. Trois mois de salaires, c’est quand même admirable ! La France a fait sa part en matière de soutien financier, et je m’en félicité.
Entièrement ?
Oui ! Mais vous savez, je ne dépendrai pas de la France pour payer mes salaires ! Je considère qu’elle a fait sa part et que nous ayons une attitude de gratitude envers la France, c’est une bonne chose. Mais maintenant la gestion des finances publiques de la Côte d’Ivoire doit être la seule responsabilité de la Côte d’Ivoire! Moi, je n’irai pas à Paris, demander un soutien quelconque pour gérer mon pays ! Je considère que la Côte d’Ivoire a les ressources qu’il faut et nous n’avons pas besoin de qui que ce soit. Nous sortions d’une situation post-crise, qui demandait un soutien ponctuel et ce soutien a été donné, maintenant la page est tournée.
Que répondez-vous à ceux qui disent que ce soutien a été surtout donné aux entreprises françaises en Côte d’Ivoire ?
Ce n’est pas vrai. Les gens disent n’importe quoi. Ce n’est pas vrai. Il y a eu un soutien global. La majorité de ce montant a été utilisée pour régler les problèmes de salaires. C’est nous-mêmes qui avons pris sur nos propres ressources pour essayer de régler certaines urgences au niveau de certaines entreprises. Mais, les entreprises françaises sont nombreuses en Côte d’Ivoire, elles produisent quasiment plus de 60% des recettes fiscales, par une comptabilité régulière contrairement à beaucoup d’autres entreprises, le règlement de la dette se fait sur la base de la régularité des opérations. Ce n’est pas une question de choix des entreprises françaises par rapport à d’autres entreprises. C’est n’est pas ma conception des choses.
Il y a un an, l’un des problèmes de la Côte d’Ivoire était la sécurité. Il y avait des viols, des arrestations arbitraires, il y avait une Police qui n’était pas vraiment formée pour cela, certains ont parlé des Frères Cissé, aujourd’hui où est-ce qu’on en est. Est-ce que c’est restructuré, est-ce que les viols ont diminué dans ce pays, est-ce qu’on a une vraie force de sécurité en Côte d’Ivoire ?
La sécurité s’est bien améliorée dans ce pays. Les indices sont passés de 4 à 1. La Banque Africaine de Développement (BAD) revient bientôt parce qu’elle estime que la sécurité est bonne, au même niveau qu’en Tunisie. Les ambassades reviennent, la Grande-Bretagne vient de faire revenir son ambassadeur et ainsi de suite. Beaucoup d’organisations internationales qui étaient absentes sont revenues. Et je reçois tous les matins, les rapports de la Police sur le nombre de véhicules volés, le nombre de bandits arrêtés, les viols et même des cadavres qui sont découverts ici et là. Nous sommes à des indices où pratiquement tout est normalisé. De temps en temps, il y a effectivement une poussée qui peut durer deux jours, parce qu’Abidjan est une très grande ville, une ville de 6 millions d’habitants. Mais en dehors de ça, la situation est normalisée. Je veux aller plus loin. Je veux assurer la quiétude et la tranquillité des Ivoiriens. Je ne veux pas qu’il y ait une quelconque angoisse de mes compatriotes par rapport à des rumeurs. C’est pour cela que j’ai pris moi-même la responsabilité de la Défense.
N’était-ce pas parce que ça ne marchait pas, n’était-ce pas parce qu’il était plus difficile de réunir ces deux armées ?
Non, non, c’est parce que je veux aller plus loin. Les deux armées sont complètement réunifiées. Vous voyez que vous-mêmes vous confirmez que nous avons fait des progrès considérables. Il y a un an c’était des gens qui se battaient même à l’occasion du sport. Maintenant, nous sommes dans un environnement où je m’emploie à dire à l’Armée, au Général que l’Etat de droit doit être respecté.
Comment intégrer toutes ces personnes qui n’avaient aucune qualification ?
Non, non, toutes ces personnes n’ont pas être intégrées ! Nous avons intégré une dizaine de milliers. Le gros reste à démobiliser. Et ça, c’est un souci que j’ai et sur lequel je suis en train de travailler. C’est un problème important parce que beaucoup de jeunes ont pris les armes pendant cette période critique de la Côte d’Ivoire, parce que les policiers, les gendarmes ont abandonné leurs armes et tenues. Donc, ces jeunes gens sont venus, s’en sont accaparés et font de la résistance. Quand même on ne peut pas prendre tous ces 40.000. Il faut les désarmer, il faut ensuite trouver des emplois, il y a certains qu’on pourra faire entrer dans la Police et la Gendarmerie. J’ai pris la Défense précisément pour faire ce travail de restructuration et de démobilisation de désarmement et surtout de réinsertion. Nous avons un Conseil national de sécurité qui se réunit une fois par mois sous ma présidence avec tous les ministres concernés y compris ceux de la Justice, de l’Economie et des Finances.
Effectivement, nous allons parler de la justice. Car un an après, aucun procès n’est ouvert aujourd’hui…
L’ancien président est à la place qu’il mérite puisqu’il a commis des crimes graves, des crimes contre l’humanité. Il est jugé à La Haye parce que jugé ici, cela aurait donné le sentiment que la justice n’est pas équitable. Là, la justice est indépendante. A La Haye, la justice est indépendante et équitable. Donc, tournons cette page. Il a été le Chef Suprême des Armées et cette armée a tué plus de 3000 personnes. Je ne voudrais pas insister là-dessus. Parler trop de cela voudrais dire que nous voulons nous mêler de ce que la justice doit faire à La Haye. Laissez La Haye faire son travail.
Il n’était pas le seul ?
Mais, Il était le responsable suprême. Il avait prêté serment de défendre et de protéger les Ivoiriens. Ce qu’il n’a pas fait. Je ne suis pas le juge. Pour les autres aspects, nous avons mis en place dès le mois de mai (2011) une Commission dialogue, vérité et réconciliation présidée par l’ancien Premier ministre, Charles Konan Banny, qui fait son travail, qui j’espère bientôt me donnera une liste des personnes à indemniser. S’il faut dégager 50 ou 100 milliards F CFa pour faire cette indemnisation, nous allons le faire. Nous avons une détermination à aller le plus loin possible, à réconcilier les Ivoiriens sur l’ensemble du territoire ivoirien.
Comment expliquez-vous que des personnes qu’on rencontre estiment qu’aujourd’hui on a l’impression que vous êtes en train de vous entourer plus des gens de votre région du Nord que du reste du pays et que ce n’est pas cela qui va permettre la réconciliation ?
Je pense que c’est une fausse querelle. Prenez le gouvernement. Il est très équilibré. C’est un gouvernement essentiellement composé des partis politiques qui ont soutenu ma victoire. Donc, le Pdci et l’Udpci ainsi que d’autres partis. C’est un gouvernement composé des gens compétents et de qualité. En deuxième lieu, si vous prenez les grandes Institutions de l’Etat, vous verrez également qu’il y a un très bon équilibre. Il y a des responsables du Sud, de l’Ouest, du Centre, du Nord et de l’Est. J’ai tenu à faire cela parce que ce sont des nominations qui sont de mon ressort. Pour le reste, j’ai indiqué à chaque ministre qu’il lui appartient de faire la diversité.
Ce n’est pas le rattrapage ?
Vous savez, ce sont des mots qui sont creux et qui n’ont aucune signification. Je ne vois pas ce qui est à rattraper. Il n’y a rien du tout à rattraper. Il faut nommer des gens compétents, des personnes qui ont de l’expérience et qui veulent contribuer au redressement de la Côte d’Ivoire. C’est ce que nous faisons. Maintenant, quelle que soit la région de la personne, cela m’importe peu. Comme je l’ai dit, les seules nominations où il faut de l’équilibre, ce sont des nominations qui sont faites par décret, par le président de la République, les Institutions et le gouvernement. Vous verrez que cela a été respecté. Maintenant, allons beaucoup plus loin. La Côte d’Ivoire a été divisée pendant longtemps. Et ça, c’est un point important. Le chef de l’Etat d’alors faisait des discours qui divisaient les Ivoiriens de manière permanente. Mais, le message de réconciliation doit venir d’abord du chef de l’Etat. Et c’est ce que je fais. Prenez tous mes discours. J’en appelle à la réconciliation, au rassemblement et au pardon. Et je profite de cette occasion pour dire à nouveau que nous devons nous réconcilier en Côte d’Ivoire. Que cette réconciliation soit indispensable si nous voulons faire avancer notre pays. Nous avons un pays où il y a beaucoup d’opportunités, les Ivoiriens ne peuvent pas rester diviser sur de fausses querelles, sur l’intoxication qui a habité ce pays pendant une dizaine d’années.
Pour que cette réconciliation avance, ne devait-on pas au moins commencer au moins les procès de ceux qui sont en prison ?
Non, les Africains doivent apprendre à construire des Etats de droit. La Côte d’Ivoire est maintenant un Etat de droit. L’Exécutif ne peut pas intervenir dans ce qui se fait au niveau de la justice. La justice a son calendrier. Ce que je recommande à la justice, c’est de faire en sorte que ce calendrier soit exécuté d’une manière accélérée. Je ne peux pas aller dire à un juge de condamner telle personne (…) J’ai mis en place il y a près de neuf mois une Commission nationale d’enquête. Et il n’y aura aucune protection de qui que ce soit.
Même des anciens com-zones ?
Je ne fais pas de procès d’intention. Je suis le président de tous les Ivoiriens. Je traiterai à égalité tous les Ivoiriens. Nous attendons que le rapport de la Commission soit rendu public. La justice, destinataire de ce rapport devra entreprendre tous les procès qui sont de son ressort. Et les sanctions qui devront être prises, seront prises par la justice. Donc, séparons les choses. Ce n’est pas le président de la République, Chef de l’Exécutif qui doit dicter à la justice son rythme et les personnes à sanctionner. Je tiens beaucoup à cela.
Même si cela perturbe votre calendrier parce qu’au bout d’un an, un certain nombre de personnes se posent la question de savoir quand est-ce que ceux qui ont commis des crimes dans votre camp répondront de leurs actes devant la justice ?
Monsieur Alain Foccart, il y a des préjugés et des suspicions. Ce n’est pas cela la justice. La justice sait qu’il doit avoir des enquêtes. Il y a une Commission nationale d’enquête. Même quand un cas est porté à l’attention du juge, si ce n’est pas un cas de flagrant délit, le juge doit faire son enquête. C’est ce qui est en cours. La justice le fera à son rythme. Les résultats seront rendus publics et les procès commenceront. Tous les citoyens sont égaux. Il n’y a pas de personnes plus influentes que d’autres. Le fait que quelqu’un a exercé des responsabilités, si la personne est coupable, elle doit se retrouver devant la justice. Ceci étant, j’ai montré ma bonne volonté. Au moment de former le gouvernement, j’ai proposé à Mamadou Koulibaly et au Fpi son parti d’alors, de venir au gouvernement.
Il a crée aujourd’hui le Lider…
Ça, c’est son affaire. Il n’a pas accepté. Pour les élections législatives, j’ai reçu le Fpi et les partis alliés pendant plus d’une heure de temps. Je les ai encouragés à venir dans ce processus. Ils n’ont pas accepté. Mais, nous nous continuons. J’ai été élu pour cinq ans. J’ai un programme. J’ai un gouvernement. Nous exécutons ce pourquoi nous avons été élu par les Ivoiriens. Vous savez tous ces marchandages, ces arrangements, je ne fonctionne pas comme cela. Les Ivoiriens m’ont élu pour cinq ans. J’assumerai et j’exercerai pleinement ce mandat. Je ne ferai pas d’exception. Je suis prêt à l’ouverture. Ce que j’ai proposé n’a pas marché. Maintenant, nous continuons. Quand le Fpi voudra bien revenir dans le processus, je m’en réjouirai.
Le dialogue est en cours ?
Oui, le Premier ministre a reçu l’opposition. Ils ont eu de bons échanges. Mais, j’ai constaté que le Fpi n’a pas voulu signer les conclusions de cette rencontre. Mais, il appartiendra au Fpi de choisir de rentrer dans ce processus ou de rester en marge. Mais la Côte d’Ivoire continue.
Pour terminer avec la question proprement ivoirienne, de façon brève avant que nous passions à l’internationale, quand est ce que vous promettez un changement véritable dans le panier de la ménagère ? Quand est ce que afin on verra frémir la situation économique dans les ménages en Côte d’Ivoire ?
Comme le diraient les Anglophones, j’aimerais que ce soit hier. Mais nous prenons des mesures. Nous faisons du travail. Nous voulons arriver à l’autosuffisance et à l’exportation des produits vivriers. Nous voulons réparer les pistes pour que les produits puissent être évacués sur les grandes villes etc. Ceci prend un peu de temps. Je suis déterminé à le faire. Je suis un économiste. Je peux vous dire que c’est mon objectif principal en ce moment. J’ai entendu le cri des Ivoiriens concernant la vie chère. C’est donc ma priorité en ce moment. Nous avons résolu des problèmes macro-économiques, des problèmes de sécurité, nous sommes en train de résoudre les questions de diplomatie nationale et internationale. J’ai été élu pour cinq ans. Ceci n’attendra pas cinq ans. Nous allons résoudre ces problèmes parce que j’ai les moyens de le faire.
Est-ce que le point d’achèvement Ppte (Pays pauvre très endetté) ne va pas améliorer la situation M. le président ?
Il faut que les Africains arrêtent de penser à l’aide extérieur pour résoudre leurs problèmes. C’est avec notre argent et le contrôle de nos dépenses que nous résoudrons nos problèmes en Côte d’Ivoire. Les recettes fiscales augmentent et sont à un niveau élevé par rapport à l’année dernière parce que d’abord, la Douane et les impôts fonctionnent mieux ; parce qu’il y a beaucoup plus d’activités. Mais surtout, nous sommes en train de réduire les dépenses improductives et inutiles. Ceci va dégager des marges. Quand nous aurons fait ces marges, nous pourrons les appliquer aux investissements, à réduire la fiscalité sur le riz notamment et peut être sur d’autres importations pour que le panier de la ménagère soit véritablement allégé. J’ai les réponses parce que je suis un économiste. Je souhaite faire les choses de manière rationnelle.
M. Le président, à votre porte, le Mali est coupé en deux aujourd’hui. Vous êtes à la tête de la Cedeao, où en est-on aujourd’hui avec la question malienne, est-ce qu’on n’est pas en train de la pousser en douce parce qu’on n’a pas de solutions ?
Non ! point du tout. Je confesse que je suis très malheureux de voir ce qui se passe au Mali. C’est un pays auquel je suis très attaché pour diverses raisons. Ce coup d’Etat est inadmissible et intolérable. Surtout que maintenant, la concentration n’est plus sur la reconstitution de l’intégrité territoriale du Mali. J’en suis malheureux. Je pense que les Maliens doivent se ressaisir et penser d’abord au peuple malien plutôt qu’aux portefeuilles ministériels. Je leur ai dit cela.
Vous n’avez pas aimez la leçon de morale…
Mais, ce n’est pas grave. Je suis président en exercice (de la Cedeao) et nous devons assumer nos responsabilités. C’est honteux cette situation au Mali parce que la préoccupation première doit être de remettre les deux parties du pays ensemble. Cette affaire du Nord est en train de non seulement de créer chez les populations du Nord du Mali mais également au pays voisin et à l’Afrique de l’Ouest. Cette région est en train de devenir un nid de terroristes. Nous ne pouvons pas accepter cela. Avec toutes les armes qui circulent. Alors, le président du Mali est venu me rendre visite, il y a quelques jours. Je me suis rapproché du médiateur et nous avons la même position. La Conférence des chefs d’Etat a pris toute une série de mesures pour ramener l’ordre constitutionnel au Mali. Ces mesures sont en train d’être perturbées par l’ex-junte, le Cnrdre. Nous arrivons au terme de mai bientôt (22 mai). Si tout rentre dans l’ordre comme prévu par le sommet des chefs d’Etat, nous en serons très heureux parce que ceci permettra de se concentrer sur ce qui a lieu de faire dans le Nord. Si ce n’est pas le cas, nous mettrons en place toutes les mesures qui ont été suspendues : les sanctions diplomatiques, économiques, financières. Nous reviendrons à la case départ. Ce serait malheureux que pour des questions de positionnement, de postes, les autorités maliennes imposent cela aux Maliens. Je souhaite pour ma part que cette affaire sera réglée avant le 22 mai à minuit. La Conférence des chefs d’Etat avait pris une décision. J’ai demandé la clémence de la Conférence pour cette mesure soit suspendue. L’embargo, c’est quand même terrible pour les Maliens.
Mais, est ce que la Cedeao l’appliquera véritablement ?
Il avait été appliqué pendant quatre jours. C’était dramatique pour les Maliens. Moi, je ne veux pas qu’on en arrive là. J’ai œuvré en tant que président en exercice à faire suspendre l’embargo parce que j’en ai souffert pour les Maliens. Certains chefs d’Etat m’ont reproché d’avoir pris une mesure unilatérale au dernier sommet. Mais, je l’ai fait parce que je connais la situation du Mali et des Maliens. Maintenant, si cette classe dirigeante n’arrive pas à s’entendre. Toute la classe politique y compris la société civile et les militaires sont allés voir le médiateur et lui ont dit qu’ils ne peuvent pas faire la transition en 40 jours. On a dit qu’on leur donnait un an comme délai pour le faire étant étendu que la priorité est de résoudre le problème de l’intégrité territoriale. Alors, nous décidons ensemble de renouveler toutes les Institutions comme la médiation, la Cour suprême. On met en place un nouveau gouvernement. On renouvelle même l’Assemblée. Le mandat des députés sera renouvelé pour une année. L’Assemblée est là avec un président qui est devenu le président de la République. Pourquoi changer ? Pourquoi toutes les Institutions doivent être renouvelées ? Et le président intérimaire en vertu de la Constitution malienne, que les Maliens ont voté ne peut pas être choisi pour la transition ? Pourquoi le président de l’Assemblée qui a été élu par les députés maliens –ce n’est pas nous qui l’avons choisi – pourquoi il ne doit pas rester pour l’intérim ? Donc, notre mission est simple. Nous ne voulons pas nous mêler des décisions maliennes. Nous voulons que ces décisions soient conformes à la Constitution malienne et aux vœux des maliens exprimés à l’occasion de l’élection de leurs députés.
La France vient de connaître une alternance. Une alternance, un ami proche puisque vous le disiez, Nicolas Sarkozy qui a perdu les élections, qui a été avec vous et qui a été un de vos soutiens pendant toute cette période difficile en Côte d’Ivoire. Maintenant François Hollande est le nouveau président de la République en France. Quelle relation a-t-il avec vous ? Êtes-vous attristés du départ de votre ami ? Est-ce que vous avez de bonnes relations avec Hollande ? Est-ce qu’il vous soutiendra dans ce travail de réconciliation et de reconstruction ?
Comme on le dit vulgairement, de quoi je me mêle ? Les Français ont voté. Ils ont élu un président à qui j’ai adressé mes félicitations. Je souhaite qu’il réussisse parce que c’est dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. La France est quand même un pays qui représente 5 % du Pib mondial ; qui contribue au commerce mondial ; qui joue un rôle important au Fonds monétaire internationale et aux Nations unies. Quel que soit le dirigeant français, nous lui souhaitons bonne chance parce que si ça va bien en France, cela veut dire que la France contribue à ce que ça aille mieux dans le monde. Et si ça va bien dans le monde, ça va bien en Côte d’Ivoire d’autant plus que la France est notre premier partenaire, premier exportateur et premier importateur. Donc, je ne veux pas me mêler de politique française. C’est l’affaire des Français. Les Ivoiriens m’ont élu pour cinq ans. Je fais mon travail et je pense que nous sommes en train de faire des choses qui redresse la situation ivoirienne. Nous travaillerons avec tous les gouvernements. Je considère que le président Hollande a été élu. Je lui ai adressé un message de félicitation. Je souhaite qu’il réussisse et nous ferons en sorte de renforcer les excellentes relations qui existent entre la Côte d’Ivoire et la France.
Retranscrit par A. Dedi et Touré Abdoulaye
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