Plébiscité à l’occasion de la présidentielle qui a été une cinglante défaite pour Abdoulaye Wade, Macky Sall ne semblait pas avoir le sommeil troublé au pays de la Téranga ; même pas par les détonations quotidiennes des mortiers de la rebellion casamançaise, encore moins par la colère provoquée par les récurrentes coupures d’électricité dont le pays de Senghor semble détenir la palme d’or dans la sous-région ouest-africaine.
Mais, ne voilà-t-il pas que, depuis une semaine, l’élève passé maître est au cœur de l’actualité et de la polémique, par suite de la déclaration de son patrimoine au Conseil constitutionnel pour obéir à la disposition de l’article 37 de la Constitution sénégalaise ainsi qu’à cette exigence démocratique et à cette quête de transparence dont rêvent les Sénégalais ? Une Constitution qui, au contraire de sa sœur burkinabè, fait obligation aux sages de faire la déclaration écrite de leur patrimoine dans le Journal officiel à leur accession au pouvoir ; ce qui fut fait par le fraîchement élu président, mais personne n’est dupe sous nos tropiques, où l’on privilégie toujours la symbolique en publiant seulement ce qui peut l’être.
On se rappelle, en effet, ce jour solennel du 20 décembre 2005 où, à la faveur de sa prestation de serment et après dix-huit (18) années de règne déjà, Blaise Compaoré remettait au président du Conseil constitutionnel, Drissa Traoré à l’époque, l’enveloppe contenant la liste de ses biens ; une enveloppe squelettique qui inspira à « Koro Dri » cette question :
« C’est tout ? » Une plaisanterie de mauvais goût certainement, dont notre illustre juge s’en souviendra à jamais, et pour cause.
A Dakar au contraire, l’enveloppe de Macky Sall a bien tutoyé celle de son doyen de la vieille Volta, car, après seulement une dizaine d’années dans les hautes sphères de l’Etat, le tout nouveau et tout jeune président (50 ans) du Sénégal peut déjà se targuer d’avoir :
– une villa à la Patte-d’Oie (pas au secteur 15 du Kadiogo), acquise en 1998 ;
– un terrain nu aux Almadies ;
– une exploitation agricole à Sébi Khotane ;
– deux villas à Saly ;
– un terrain nu à Fatick ;
– une villa à Fenêtre Mermoz ;
– une Sci et une Sarl mise en veilleuse ;
– 35 voitures comme parc automobile ;
– un appartement à Houston (USA), etc.
Excusez du peu !
Transparence oui, mais voilà qui suffit à susciter l’indignation de ses concitoyens qui bouffent de la vache enragée.
Et si, concernant Macky Sall, il y a une telle levée de boucliers, on imagine aisément ce qui pourrait arriver au sujet d’un certain Alassane Dramane Ouattara qui, avant la conquête du palais de Cocody, avait fait la promesse à l’électorat ivoirien de déclarer ses biens dès qu’il y serait.
Un an après que ses vœux ont été exaucés, ses compatriotes attendent toujours en vain.
Pour l’intime ennemi de Koudou Laurent Gbagbo, serait-ce fastidieux pour lui qui, avant la magistrature suprême, a broutté aussi bien du CFA, de l’euro que du dollar à la tête de prestigieuses institutions telles la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ainsi que le Fonds monétaire international (FMI) et tracé les sillons de la politique économique de la Côte d’Ivoire sous feu Félix Houphouët-Boigny de dresser une telle liste ? Sur RFI, un de ses « avocats » a juré que ce n’était qu’une question de jours.
Ils sont ainsi faits, les prétendants à l’onction populaire, qui promettent ciel et terre pour parvenir à leurs fins.
La seule circonstance atténuante qu’on puisse reconnaître à nos princes, c’est qu’ils n’ont guère le monopole du mensonge électoraliste ou de la démagogie : le cas de François Mitterrand en est des plus illustratifs, lui qui, au début des années 80, a promis de porter à la connaissance des Français son bilan annuel de santé ; un bilan qu’on ne découvrira que bien des années plus tard, aux lendemains de sa mort.
Comme quoi promesses de roi n’engagent que ceux qui y croient.
Bernard Zangré — L’Observateur Paalga
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