La défaite des libéraux en France et l’arrivée des socialistes est diversement accueillie sur le continent africain. Certains saluent l’élection de François Hollande à la présidence de la République française, pensant même que c’est le début d’une nouvelle ère dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. D’autres n’y vont pas avec un tel enthousiasme, parce que, avancent-ils, il y a tout de même des constances dans la politique française, surtout en matière de politique étrangère. Toujours est-il que la victoire de François Hollande, assimilable à plusieurs égards, à celle de Mitterrand, en 1981, a été saluée par des chefs d’Etats et des hommes politiques qui ne lui étaient pas forcément acquis jusqu’à la veille d’un deuxième tour des plus indécis.
C’est le cas, par exemple, en Allemagne, où la chancelière Angela Meckel avait des sympathies évidente pour l’ami Sarkozy. C’est aussi le cas, pour prendre un exemple africain, du nouveau président sénégalais, Macky Sall, dont la première visite a été consacrée, comme de tradition, à l’ancienne puissance colonisatrice et qui, n’a pas hésité à souhaiter « bonne chance » au candidat de l’UMP qui, il est vrai, est plus proche politiquement du camp libéral que représente Macky Sall que des socialistes français.
C’est dire que le départ de Sarkozy, un président « mal aimé », il est vrai, à cause de ses prises de position très tranchées sur les questions de l’immigration, de l’islam (de France, insistait le désormais ancien président) et non en France, de la cohabitation entre communauté française de souche et celle des naturalisés et, enfin, des relations de la Métropole avec ses anciennes colonies.
Sur ce dernier point, c’est la question de la françafrique qui est aujourd’hui re-posée. Le départ de Sarkozy met-il fin à une relation de proximité politique et stratégique qui a toujours fait des vagues au sein des élites intellectuelles africaines, à tel point que l’on n’hésite pas souvent de parler d’immixtion de Paris dans des questions de politiques intérieures ?
C’était le cas, notamment, en Mauritanie, lors de la gestion, « à deux vitesses » du coup d’Etat, le 6 août 2008, contre le président démocratiquement élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Condamnation d’abord du coup d’Etat, appelé « Rectification » par ses auteurs, avec une fermeté telle de la part de Sarko, qu’on a pensé qu’Aziz n’avait aucune chance de conserver un fauteuil « conquis » par la voie des armes, puis, volte-face spectaculaire qui a fait dire à certains que la France a, comme dans certaines circonstances particulières, fait passer ses intérêts avant ceux de ses partenaires africains et de la démocratie qu’elle veut leur imposer, depuis l’appel de la Baule, comme le « modèle » de gouvernance à adopter. La suite de cette politique « d’ingérence » sera, selon l’opposition, l’implication de la Mauritanie dans une « guerre par procuration » au nord Mali pour tenter de mettre fin à l’activité d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Mais l’on voit aujourd’hui les conséquences d’une telle stratégie, et même, certains observateurs ne sont pas loin de penser que Sarkozy a quelque part perdu à cause de son action en Libye, au nord Mali et en Afghanistan. L’inefficacité de son bellicisme se traduit par l’occupation du nord Mali par des mouvements islamistes, qui viennent de confirmer, par leur contrôle total dans la zone, que Sarkozy et Aziz ont vraiment joué aux apprentis sorciers. Dans cette partie du Sahel où la question du terrorisme revient au devant de la scène, il n’a pas joué avec les mêmes cartes qui lui ont permis de favoriser le retour de la démocratie en Cote d’Ivoire, même si, là aussi, son coup de pouce au camp d’Alassane Ouattara n’a pas plu à tout le monde. Les mêmes élans guerriers ont aussi poussé Sarkozy à intervenir militairement, dans le cadre d’une action concertée de l’Otan certes, en Libye où, là aussi, on vient de se rendre compte qu’il a ouvert une sorte de boîte de Pandore qui n’a pas fini de livrer ses secrets.
Un Interventionnisme Décrié
La françafrique a bien fait son temps et l’on n’est pas loin de penser qu’avec la défaite de Sarkozy, qui avait pourtant lui-même déclaré sa « mort », à son arrivée au pouvoir en 2007, il n’en restera pas grand-chose. François Hollande, qui se veut un président « normal » aura donc fort à faire pour sortir son pays du guêpier afghan, mais aussi pour amorcer un véritable virage à gauche susceptible de convaincre les partenaires africains de la France que les nouvelles relations seront bâties sur des rapports assainis de la logique françafricaine qui ne laissait pas de place au donnant-donnant. C’est d’ailleurs le message que le président béninois, Boni Yayi, président en exercice de l’Union africaine, a exprimé au micro de RFI pour exposer ses attentes à l’égard du nouveau président français. Le chef de l’Etat béninois, qui se dit très proche du président sortant, Nicolas Sarkozy, attend de François Hollande qu’à l’avenir, « la France construise un partenariat plus équilibré avec le continent africain et pour que le président français devienne le porte-parole de l’Afrique dans les instances onusiennes, notamment en ce qui concerne la crise malienne. »
Et Boni Yayi d’évoquer une certaine ligne de conduite qui doit trancher, nettement, avec le style Sarkozy qui a été vu par certains comme l’expression achevée de la françafrique : « Il y a lieu que sous la présidence de François Hollande, la France fasse mieux que parle passé pour que nous puissions arriver à un partenariat stratégique. Sur le plan commercial, financier et économique, nous sommes très liés, nous partageons le même destin. J’attends aussi de la présidence française, sous le président François Hollande, que les grands dossiers aujourd’hui inscrits à l’ordre du jour, en ce qui concerne la gouvernance mondiale, réservent une place de choix au continent africain… ». Tout est dit ou presque. Reste à savoir si le nouveau locataire de l’Elysée a les moyens – mais surtout la volonté – d’amorcer un virage à 190° pour que les relations entre la France et son pré carré passent de tumultueuses à « apaisées ». A Normal, quoi, comme Hollande a aimé se présenter tout le long d’une campagne où il opposait son style calme à la fougue de son adversaire de l’UMP.
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