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Après l’élection de François Hollande
L’élection de François Hollande à la présidence de la République avec 51,62 % des suffrages comporte au moins deux avantages.
Elle sanctionne l’échec de Nicolas Sarkozy et de son projet de transformation du pays. Le président sortant avait prétendu réconcilier les Français et l’argent. Dans son esprit, cela imposait simultanément de glorifier les riches et de les exonérer de toute responsabilité sociale dès lors qu’au combat contre les inégalités il préférait les diatribes contre l’« assistanat » ou l’immigration. Très vite, ce projet, philosophique autant qu’économique, s’est heurté au rejet du pays. Alors que la situation se dégradait, l’idée de favoriser les titulaires de fortunes, le mélange ostentatoire de la politique et des affaires (lire, dans le numéro de mai, l’article d’Alain Garrigou, « Sarkozysme, le pari d’un clan ») ont déclenché à l’encontre du président sortant une impopularité dont celui-ci n’a jamais pu s’extraire.
Le deuxième avantage de l’élection de François Hollande est qu’elle sonne le glas d’un antisarkozysme qui, miroir inversé du narcissisme du chef de l’exécutif, a personnalisé à l’excès la question des orientations politiques. Cette fixation a alimenté les fantasmes de persécution du candidat de l’UMP et de ses partisans, mais elle a surtout contribué à occulter le fait que certains choix économiques et financiers aussi importants que l’austérité, la « règle d’or », la privatisation des services publics, ou des thèmes de campagne aussi dangereux que la mise en accusation des chômeurs et des étrangers, se retrouvaient ailleurs qu’en France, déployés par des personnalités moins flamboyantes que M. Sarkozy – certaines même de gauche…
On peut espérer que dorénavant le débat entre droite et gauche portera davantage sur des questions de fond, pas de tempérament. Dans une Europe menacée par le délabrement social, les défis à relever imposent en priorité de tourner le dos à une politique aggravant la crise et les inégalités au prétexte de réduire les déficits. Les résultats électoraux en France, mais aussi, le même jour, en Grèce et en Allemagne, sanctionnent l’impopularité de cette orientation générale. Ils ne garantissent pas encore qu’elle sera interrompue, même si, selon M. Hollande, son élection aurait signalé que partout « des peuples veulent en terminer avec l’austérité . »
La défaite de M. Sarkozy appelle également deux autres commentaires, l’un et l’autre susceptibles de tempérer tout éventuel sentiment d’euphorie. D’une part, elle est moins ample qu’on aurait pu l’imaginer dans le cas d’un président sortant très impopulaire et pour lequel aucun des huit candidats écartés du second tour n’avait appelé à voter. On ne peut donc pas exclure que quinze jours de campagne sur les thèmes du Front national aient contribué à réduire l’écart attendu entre les deux finalistes, ce qui dit assez le climat auquel M. Hollande peut s’attendre sitôt qu’adviendront les premières difficultés ou que s’enclencheront les campagnes d’affolement financières. De fait, la droite et le centre droit se sont accommodés de la reprise par M. Sarkozy des discours de l’extrême droite sur l’immigration. Péniblement mise en place par M. Jacques Chirac il y a une quinzaine d’années, une digue a sauté.
Une autre considération éclaire elle aussi à sa manière le climat politique et culturel. A la différence de l’élection de François Mitterrand en 1981, celle de M. Hollande ne traduit pas vraiment une victoire des idées de gauche. Le score plus qu’honorable du Front de gauche (lire dans le numéro de mai l’article d’Antoine Schwartz, « Front de gauche, ou la fin d’une malédiction ») constitue une avancée, mais elle n’est pas très accompagnée… Le programme du nouveau président, relativement flou et suffisamment modéré pour ne pas alarmer « les marchés », promet néanmoins d’utiles réformes fiscales et il donne un coup d’arrêt à la légitimation de thèmes xénophobes par le chef de l’Etat. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas plus. Pas assez en tout cas pour satisfaire les électeurs français qui aimeraient sans trop y croire qu’une promesse audacieuse de M. Hollande lui revienne en mémoire quand il sera à l’Elysée : « Je suis candidat pour changer le destin de la France . »
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