Hamed Bakayoko continue de faire des révélations

L’intelligent d’Abidjan

Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur a honoré la tribune du Groupement des éditeurs de presse de Côte d’Ivoire (GEPCI), le jeudi 19 avril 2012, après les ministres Adama Toungara et Bruno Koné. Hamed Bakayoko qui a exposé sa vision et ses ambitions pour la police nationale. Après la première partie, nous vous proposons, ci-dessous, la suite et fin des échanges avec les journalistes.

De la réhabilitation des commissariats détruits pendant la crise
A notre première rencontre du 14 avril 2011, soit trois jours après l’arrestation de Laurent Gbagbo, mes bureaux étaient encore à l’hôtel du Golf, on a lancé un appel aux entrepreneurs pour nous aider à réhabiliter les services de police. J’étais traumatisé à cette période. En dix minutes, vous aviez des connaissances et des personnes que vous ne connaissiez pas qui étaient agressées ; il y avait au moins une centaine d’interpellations dans la journée et parfois, j’en étais épuisé le soir. Je voulais donc rapidement, malgré les contradictions qu’il y avait à cette époque très chaude, entre les FRCI et les policiers, réhabiliter un certain nombres d’infrastructures pour parer aux urgences. Par une procédure simplifiée, on a donné des marchés à des opérateurs et un jour, j’apprends que ces opérateurs veulent faire une grève parce qu’ils ne sont pas payés et que l’Etat leur devrait 6 ou 7 milliards de FCFA. J’étais surpris. Je demande, je regarde, on me présente des factures de 150 millions de FCFA, 80 millions de FCFA. Je demande à la police économique d’enquêter, parce que ça me surprend. On va vérifier sur le terrain, il n’y a même pas une fenêtre qui a été changée, mais on nous présente une facture de 80 millions de FCFA. J’ai demandé qu’on arrête les cas flagrants, mais ils ont commencé à demander pardon (…) On a fait une évaluation du travail qui a été fait, on est revenu à 3 milliards de FCFA. On a demandé au ministère de l’Economie et des Finances d’inclure cela sur le budget de l’Etat, ce qui est en train d’être fait et ils seront payés. Il ne faut pas plomber l’efficacité du travail par ce genre de situation. Ce n’est pas le cas de tous les entrepreneurs, il s’agit de quelques uns avec qui on a discuté pour redimensionner les factures et ils seront payés.

De la dotation
des policiers en armes
Tous les policiers n’ont pas une arme. Des policiers ont des armes et il y en a quelques uns dans la rue. Pendant la crise, il y a eu deux choses : ou bien le policier a été dépossédé, ou bien il a profité du cafouillage pour dire qu’il a perdu son arme, donc ils se sont tous présentés sans armes. Mais depuis, le DGPN fait des efforts. On a récupéré des armes et on a essayé d’équiper les services sensibles comme la direction de la police criminelle. Moi-même je suis rentré dans le réseau pour trouver des armes pour ces services. On a commandé des armes, il y a l’embargo, mais il y a une procédure spéciale de levée de l’embargo sur les commandes spéciales. Ça avance, la France nous a offert déjà 500 PA qui sont en route. Ce sont des questions sur lesquelles nous allons progresser. Ce n’est pas une volonté de ne pas donner une arme aux policiers, mais c’est la situation.

De la création d’une
grande police municipale
Je sais que les mairies, en fonction de leur budget, recrutent des agents dans les structures de gardiennage, des anciens militaires… Ce projet est un vrai projet que nous allons monter avec la Banque Mondiale et voir comment on finance une grosse opération, avec une grande direction centrale sur l’ensemble du territoire, qui organise et coordonne toutes les polices municipales. En tant que ministre, nous allons discuter avec les maires, pour établir des règles et cela peut nous donner l’opportunité de réinsérer 12.000 personnes. Si on a 500 communes, une moyenne de 25 agents par communes et un code de collaboration, de complémentarité avec la police nationale, on peut avoir de l’efficacité. Déjà, la Banque Mondiale est très enclin à financer des projets qui sont générateurs d’emplois (…) Aujourd’hui, on ne se le cache pas, l’insécurité qui persiste est en grande partie due aux supplétifs de guerre et toutes les guerres ont eu cette conséquence. La guerre de sécession aux Etats-Unis, la guerre mondiale, des gens qui sont venus volontairement à la guerre, qui ont pris des armes, qui ne sont pas aptes à être réintégrés ni dans la police, la gendarmerie et l’armée, qui ont appris le maniement des armes et à qui on n’a pas trouvé un boulot, (…) ceux-là sont une menace pendant un moment. On peut les encadrer, les former et les utiliser dans cet outil et les critères seront arrêtés par tous les techniciens. La direction centrale de la décentralisation, la direction de la police nationale, se mettront ensemble pour nous sortir quelque chose qui fasse que cette police municipale qui devient une police de proximité soit efficace.

De la question des baux
administratifs
Nous n’avons pas demandé grand-chose. Aujourd’hui, on a 13.500 maisons baillées qui appartiennent à 6.700 propriétaires. Il y en a qui ont 20, 30, 40, 100 maisons et il y a une association qui gère tout cela. Nous avons demandé au ministre de l’Economie et des Finances de nous donner l’argent pour payer un mois. Cela fait 1 milliard de FCFA qu’il a mis à disposition. On a demandé simplement que le propriétaire qui vient puisse prouver que la maison lui appartient, à travers un titre de propriété de la maison, une copie CNI, une attestation du bailleur, une facture d’eau ou d’électricité pour montrer le plan de localisation, le relevé des montants qu’il réclame et le contrat de bail en plus du certificat de présence du policier (…) On a besoin d’avoir des archives numérisées, parce qu’il y a des maisons qui sont payées par l’Etat, mais qui ne sont pas habitées par des policiers. Il y a un cas flagrant que j’aime toujours rappeler : c’est celui de Tabou, où à la place d’une maison baillée, il y a une boulangerie (…) Tous ceux qui ne pourront pas prouver qu’ils ont un bail et qui ont perçu de l’argent seront poursuivis. Qu’est-ce qui se passait ? Des gens vont dans un système informatique qui n’est pas sécurisé, ils parviennent à délivrer à X un bail et chaque mois, on envoie l’argent à la banque qui le vire et il va le prendre. On va faire le point et si ce sont les documents qui créent la difficulté, nous allons aider ces gens à avoir leur argent et c’est bien pour eux, parce qu’il y a des gens qui ont des maisons mais qui n’ont pas les papiers (…) A ce jour, on a payé 50,5%, l’argent est là, donc on attend.

De la présence des dozos, appendice de la police
Le phénomène des dozos est d’abord culturel. Ce sont des chasseurs traditionnels. Dans cette crise, à un moment donné, ils ont été pris à partie, agressés, donc ils se sont défendus. Et dans le mouvement de libération, comme les jeunes mécaniciens, les jeunes « coxers », ils se sont impliqués jusqu’à un certain niveau, d’abord pour se protéger. Maintenant, il faut les ramener dans leurs attributs naturels, il y a une organisation en place. Nous avons encouragé qu’ils se fédèrent dans leur espace, mais c’est un processus (…) On est en discussion avec eux, il y a eu des rencontres à Korhogo, on a délégué certaines personnes pour les organiser. L’autre problème, c’est qu’il ne faut pas avoir le sentiment que certaines situations se sont créées avec la crise. Il y a des gens à Abidjan qui préfèrent les dozos comme gardiens, parce qu’ils font plus confiance en eux. Et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Du couplage des municipales et des régionales
Sur les questions d’élections, je pense que la CEI est libre, mais je peux donner un sentiment personnel à ce stade. Je pense qu’il faut les coupler (…) Il y a des contraintes, il faut que les gens soient formés, que le matériel soit adéquat etc. On est en discussions et on attend une décision. Mais, cela me donne l’opportunité de parler des découpages administratifs et de la vision du président Alassane Ouattara. Avec la suppression des Conseils généraux, on a vu une multiplication de structures qui se marchaient dessus, sans moyens suffisants. On crée des communes où il n’y a même pas un bâtiment ni un marché (…) il n’y a aucune plus-value en matière de développement pour les populations et c’est l’argent de l’Etat qui est disséminé, éparpillé un peu partout. Une bonne politique de développement fait que vous avez des résultats concrets de développement dans la famille, chez les habitants, les individus. L’idée aujourd’hui, c’est d’avoir de grands ensembles qui sont les Districts. Il y en a 12 et 2 autonomes, Abidjan et Yamoussoukro, qui ont des missions spécifiques : Abidjan, pour consolider la capitale économique, Yamoussoukro pour opérer le transfert de la capitale politique (…) Il peut y avoir dans ces districts, 12 ou 24 grands projets de développement (…) Il faut oser le développement décentralisé (…) En dessous des Districts, il y a les Conseils régionaux, au nombre de 30, qui porteront les projets de leur taille (CHR, écoles primaires…) Il est trop tôt pour parler de budget de ces Conseils régionaux, mais on va donner une feuille de route précise à toutes ces structures et l’Etat va faire une évaluation annuelle pour voir ce qui est fait avec cet argent (…)

Du rêve pour la police
nationale
Il y a aussi la concrétisation du projet de vidéosurveillance des villes d’Abidjan et de Yamoussoukro. Nous avons bon espoir de le conduire, grâce au soutien du ministre des Postes et des Technologies de l’information et de la communication. Dans les trois mois qui viennent, toutes les études, les accords seront terminés pour que la réalisation de ce projet puisse démarrer, de sorte que les premières caméras soient mises en place. Il s’agit d’un projet qui va mobiliser entre 1000 et 1300 caméras (…) Je voudrais, avant de conclure ce rendez-vous du donner et du recevoir, dire merci à mes collègues du gouvernement qui sont venus m’assister, m’apporter leur contribution (…) Je pense que la presse a un rôle très important et vous êtes en train de créer un espace qui gagne, tous les jours, en lauriers. Je voudrais vous féliciter et vous demander de continuer (…) J’ai été moi-même dans cette école où on fait des titres, on insulte des gens et le soir on dort bien. Il faut sortir de cela. Le pays a souffert de tout cela, aujourd’hui il faut se mettre ensemble pour construire le pays. Le président de la République a une très grande ambition pour le pays et chacun de nous, dans son domaine de compétence, doit la traduire par son engagement à faire avancer le pays. Faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 pour nos enfants est possible (…) Dans mon domaine, je me battrai avec acharnement, avec engagement, avec volonté pour que les choses avancent, pour que les choses changent. Les choses ont avancé, de nombreux efforts ont été faits, je l’ai indiqué, en réhabilitant les infrastructures de travail, en donnant de la mobilité (…) C’est le résultat de grand lobbying, de grandes discussions, de grandes sensibilisations dans tous les domaines. On va attaquer les préfectures, les services d’état civil (…) En conclusion des rapports qui sont faits, la BAD estime que la sécurité est améliorée et elle décide de revenir en Côte d’Ivoire. C’est le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon qui, dans son rapport devant le Conseil de sécurité dit demande la réduction des effectifs de l’ONUCI, mais on lui dit qu’on a quand même besoin de l’expertise des Nations-Unies. C’est la Grande-Bretagne qui souhaite ramener son ambassade qui était basée à Accra, au Ghana, à Abidjan au mois de mai. Ce sont les Etats-Unis qui décident dorénavant d’autoriser le personnel en poste à Abidjan, à faire venir les membres de leur famille en Côte d’Ivoire (…) Dans tous les pays du monde, il y a chaque jour un peu d’insécurité, mais du travail a été fait. Nous n’allons pas lâcher, nous allons continuer. Je veux terminer par dire ma vision et mon ambition pour la police, pour l’administration du territoire (…) Tout ce qu’on fait de mal se trace dans les pages noires de l’histoire du monde et de l’humanité et tout ce qu’on fait de bien s’écrit dans les belles pages. On ne peut plus tromper personne. Si vous êtes ministre et que vous ne faites que parler et que deux ans après il n’y a pas de résultat, c’est que vous ne faites que parler. Si vous êtes DG de la police et que ça ne marche pas, on va se poser des questions (…) On a un président de la République qui peut vous regarder droit dans les yeux, s’il n’y a pas résultats et vous dire qu’il met fin à votre fonction. On a une opportunité de changer notre destin. Tous les pays qui ont fait des bonds qualitatifs le doivent à la prise de conscience et à la prise en main de leur destin par les filles et les fils de ces pays. Chacun de nous doit faire sa part dans son domaine (…) Je voudrais terminer par un passage dans «L’audace d’espérer » d’Obama, qui racontait qu’il était venu au Kenya avec sa femme, Michelle (…) Mais au retour, dans l’avion, il a vu qu’elle était triste. Il lui demande si elle n’était pas contente d’avoir vu ses parents etc. Elle lui répond que ce n’est pas le problème et lui dit : « Je réalise à quel point je suis une personne vivante. Je réalise que je peux me lever chaque matin, aller au travail sans avoir l’angoisse de rencontrer un policier qui me rackette, je réalise que je peux aller à l’hôpital et me soigner, parce que j’ai les ressources. Mais je ne réalisais pas que sous d’autres cieux, sur la terre des hommes, des hommes comme moi n’avaient pas accès à ces privilèges». Faisons en sorte que les Ivoiriens aient accès à ces privilèges. Je vous remercie.

Propos recueils par Olivier Dion
L’Intelligent d’Abidjan

Commentaires Facebook