Côte d’Ivoire – Notre ouest de tous les espoirs [Venance Konan]

Écrit par VENANCE KONAN

Le Chef de l’État entame, à partir de ce samedi, une tournée dans le grand ouest de notre pays.

Cette visite, programmée il y a quelques mois, avait dû être reportée parce que les réalisations demandées par le Chef de l’État en faveur des populations n’étaient pas encore prêtes. Le Président de la République ne voulait pas arriver dans cette région du pays, point de départ de ses futures visites dans la Côte d’Ivoire profonde, avec seulement des promesses.

Le Président Alassane Ouattara arrive, ce samedi, dans cet ouest meurtri qui a été le point d’orgue de toute la violence créée par ce que l’on a appelé la crise post-électorale. Une des questions que bon nombre d’analystes politiques se sont posées est de savoir pourquoi est-ce seulement dans cette région qu’il y a eu autant de violence, autant de morts. Plusieurs ébauches de réponses peuvent être proposées. Il y avait la prolifération de milices dans cette région, sa proximité avec le Liberia où pullulent des milliers de personnes qui ont passé le plus clair de leur vie à tuer, piller et violer, des personnes sans aucune perspective dans la vie, et qui ne demandent qu’à se rendre là où des occasions de commettre de nouvelles exactions s’offrent à elles. Mais l’une des raisons que l’on ne saurait occulter, est que c’est cette partie de notre pays qui cristallise tout ce qui a fait le lit de la longue crise que nous avons vécue pendant plus d’une décennie, à savoir les conflits fonciers et les difficultés de cohabitation entre populations dites autochtones et allogènes. L’Ouest de la Côte d’Ivoire est l’une des dernières zones propices à la culture des produits de rente que sont le café, le cacao, et depuis peu, l’hévéa et l’huile de palme. Notre pays étant peu industrialisé, c’est essentiellement de la terre que nous attendons notre enrichissement. Quel fonctionnaire ou cadre de toutes catégories ne cherche-t-il pas à réaliser sa plantation de palmier à huile ou d’hévéas pour assurer ses vieux jours ou l’avenir de ses enfants ? Des débuts de nos indépendances jusqu’à ces dernières années, le café et le cacao étaient les principales cultures pourvoyeuses de richesses pour une bonne partie de notre population. Et, au fur et à mesure que les terres propices au café et au cacao se raréfiaient dans le reste du pays, tout le monde se concentrait à l’ouest. Choc de cultures entre des populations qui n’entretenaient pas les mêmes rapports à l’agriculture, à la valeur de la forêt, de la terre. Les choses se passaient bien au début. L’un avait cédé à l’autre une portion d’une forêt dont il s’estime propriétaire de par ses droits coutumiers et qui pourvoyait à ses besoins essentiels sans qu’il ait à la travailler plus qu’il n’en faut, l’autre croyait en l’assertion selon laquelle la terre appartient à celui qui la cultive ; et l’on vivait ainsi l’un à côté de l’autre sans vraiment se mélanger, sans vraiment se comprendre. Puis, avec la crise économique qui eut pour corollaire une raréfaction des emplois en ville, commencèrent les réclamations des terres cédées souvent des décennies plus tôt par les parents. Suivirent les affrontements de plus en plus meurtriers, les expulsions de populations, les rancœurs, les haines… Il suffit alors que les politiciens viennent souffler sur les braises pour que l’incendie prenne. Et la violence déclenchée par la crise post-électorale

fut l’occasion pour des populations qui se regardaient depuis longtemps en chiens de faïence de chercher à régler définitivement leurs comptes. À coups de fusils, de machettes, de gourdins. Le Chef de l’État arrive dans cet ouest blessé, pour apporter sa compassion à toutes les populations qui ont souffert. Et leur offrir aussi d’être le laboratoire de deux expériences dont nous avons tous besoin : la réconciliation et le développement de notre pays. La réconciliation est une impérieuse nécessité pour notre pays. Nous avons passé plus d’une décennie à nous entredéchirer, à nous haïr, à mettre en lambeaux ce qui avait fait la force de ce pays, à savoir le vivre ensemble au-delà des différences. Devant les convulsions qui agitent des pays voisins, avec les conséquences néfastes pour notre sous-région que nous entrevoyons, avons-nous d’autre choix que de taire nos rancoeurs pour retrouver notre cohésion? Nous avons conscience de ce que les incantations ne suffisent pas pour guérir les plaies. La réconciliation n’est pas un vain mot, mais un comportement, comme dirait l’autre. Il nous appartient tous de trouver et d’adopter ce comportement. Nous avons besoin de nous remettre ensemble pour faire de l’Ouest le point de départ du développement que nous souhaitons pour notre pays. L’Ouest recèle d’énormes potentialités capables de propulser la Côte d’Ivoire au rang de pays émergent comme le

promet le Chef de l’État, comme le rêvent tous les Ivoiriens. Le jour où nous nous pardonnerons toutes nos vilenies mutuelles des années passées, nous réaliserons alors que beaucoup de choses, qui relevaient de l’utopie, sont effectivement possibles.

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