FPI – depuis le Ghana Lazare Koffi Koffi dit: « Non à la convention du 29 avril »

Lazare Koffi Koffi depuis le Ghana : « Non à une convention du FPI »

Par La rédaction Le Nouveau Courrier

Dans cette entrevue qu’il nous a accordée, Lazare Koffi Koffi, ministre de l’Environnement, des Eaux et forets dans le Gouvernement Aké N’Gbo et par ailleurs, membre du comite central du Fpi, chargé des relations avec les partis politiques, les syndicats et la société civile, se prononce sur l’actualité nationale. Notamment, la situation sociopolitique un an après l’accession de Ouattara au pouvoir, le dialogue annoncé pouvoir-opposition, le procès de Gbagbo et la convention de son parti.

Les Ivoiriens dans leur ensemble se sont souvenus des évènements du 11 avril 2011, avec l’arrestation du président Laurent Gbagbo. Pour vous, quel est le sens ou la symbolique de cette date ?

D’abord, dans ce que nous avons vécu le 11 avril 2011, la première chose à retenir c’est jusqu’où, pour le pouvoir, Ouattara et ses hommes ont été capables d’aller. Pour installer Ouattara, on a vu comment la communauté internationale, notamment l’Onu et la France, au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et du respect de la souveraineté des Etats, a été capable d’utiliser la violence, allant jusqu’à détruire la résidence officielle des chefs d’Etat ivoiriens, patrimoine national, afin de mettre fin au pouvoir légal et légitime d’un président constitutionnellement élu. Ce jour-là, nous avons compris que tout ce que nous avons appris à l’école, notamment que l’Onu était un instrument au service du droit des peuples, n’était que des vérités pour enfants. Dans les faits, c’est tout autre chose. L’Onu est au contraire un instrument de domination des grandes puissances de ce monde. On se rend compte qu’il y a une partie du monde qui a le droit de tuer sans être inquiétée ni poursuivie parce que disposant de la force nucléaire et l’autre partie, parce que pauvre du point de vue économique et militaire, qui doit subir.
Pour nous donc, le 11 avril symbolise la fin d’une histoire, la fin des valeurs. Tous ceux qui avaient cru de bonne foi que nous étions indépendants se sont rendus compte que nous n’avons jamais été indépendants. J’ai été heureux de savoir qu’aussi bien le Fpi, le Rhdp que le gouvernement, toute la Côte d’Ivoire a fait du 11 avril, une date historique. Le 11 avril donc, nous nous sommes rendus compte que la Côte d’Ivoire n’a jamais été une république indépendante. Et que c’est maintenant, que nous devons prendre nos responsabilités. Dans l’histoire des luttes des peuples, tous les pays qui sont forts aujourd’hui et qui sont respectés, ce sont les pays qui ont acquis leur indépendance dans la lutte, et très souvent dans la lutte armée. Nous, on nous a toujours dit que notre indépendance était une indépendance octroyée. Et donc que la France pouvait faire de nous ce qu’elle voulait. C’est ce que nous avons vécu. Ce 11 avril 2011 montre bien les limites des indépendances octroyées, place maintenant à la lutte pour avoir notre vraie indépendance.

Un an après les Ivoiriens continuent de vivre les exactions, les arrestations et détentions arbitraires, les menances et intimidations, etc. Quel regard jetez-vous sur cette situation qui perdure ?

Mais, c’est bien la preuve que le nouveau régime n’arrive pas à s’enraciner dans le cœur des Ivoiriens. Et cela démontre bien que Ouattara a été imposé aux Ivoiriens. C’est pourquoi toute opposition sérieuse et crédible est sévèrement matée. Amadou Soumahoro, SG par intérim du Rdr, en déclarant : «Tous ceux qui se sont attaqués à Ouattara se trouvent au cimetière», a parfaitement résumé l’état d’esprit réel et de Ouattara et de tous les membres du Rdr.

Un an après la crise, pensez-vous que le Fpi s’est remis de ce grave traumatisme ?

Le Fpi est un parti qui est né dans l’épreuve et dans l’adversité ; il continuera toujours de vivre dans l’épreuve et dans l’adversité tant qu’il n’y aura pas de liberté véritable et de démocratie dans notre pays. Mais le Fpi est comme un roseau : on peut le plier mais on ne pourra jamais le rompre tant qu’il y aura dans notre pays, des hommes et des femmes épris de liberté et de justice, des souverainistes et des démocrates. Depuis 1990, nous sommes habitués à ces genres de situation et vous verrez, le Fpi va se remettre. Il est même déjà debout. En dehors du fait que le 11 avril, nous avons subi les assauts coalisés de l’Onuci et de la France, les mêmes acteurs qui nous ont martyrisés ce 11 avril 2011, ce sont les mêmes qui nous avait violentés le 18 février 1992. On a connu la barbarie et nous continuerons de vivre la barbarie tant que ces acteurs politiques seront là et qu’ils voudront restaurer l’ancien régime de la pensée unique et ses dérivés contre les droits humains. Donc le Fpi est né dans l’adversité et il continue de vivre dans l’adversité. Après l’horreur, la désolation que nous avons connue, avec tous les morts que nous avons enregistrées, le Fpi progressivement est en train de relever la tête.

L’actualité au sein de votre parti, c’est l’organisation d’une convention fin avril. Certains militants estiment que ce n’est pas opportun avec la situation que vit le Fpi, quand d’autres pensent le contraire…

Moi, pour être franc, je ne comprends pas les motivations de cette convention. On a beau m’expliquer, je n’arrive pas à les saisir. Je ne comprends pas pourquoi les camarades sont si obsédés par cette idée de congrès ou de convention. Pour mémoire, il fait qu’on sache que le Mpla d’Angola pendant les 25 ans qui ont suivi la proclamation de l’indépendance du pays n’a fait que trois congrès parce qu’en guerre contre l’Unita. Le dernier congrès, le troisième auquel j’ai eu l’honneur de participer en qualité de représentant du Fpi, a eu lieu juste après la mort de Savimbi, donc avec le retour de la paix.
En tout, cas je suis d’accord avec ceux qui ne trouvent pas l’opportunité d’organiser aujourd’hui une convention. J’entends dire que c’est pour remobiliser les militants. Mais ce n’est pas par la convention qu’on remobilise les militants. Ce qu’il faut, ce sont des rencontres rapprochées et régulières avec la base et les populations pour expliquer où va notre pays. J’entends aussi dire que c’est pour faire le bilan. De quel bilan parle-t-on? D’ailleurs, ne dit-on pas qu’on ne peut enlever les fourmis magnans alors qu’on est dans les magnans ? Il faut sortir des magnans pour les enlever sur soi. On n’est pas sorti de la crise, on ne peut donc pas faire de bilan. L’histoire du Fpi est chargée de plusieurs situations comme celle que nous vivons aujourd’hui. Et je pense que les camarades qui sont aujourd’hui à la tête du parti devraient s’inspirer de ce que nous avons vécu par le passé.
En 1992, le même Ouattara a attaqué violemment le Fpi, et la plupart de ses dirigeants dont Laurent et Simone Gbagbo, leur fils Michel, ont été arrêtés et jetés en prison. Moi-même qui vous parle, j’étais en prison aussi avec mon enfant de 10 ans. Sangaré qui était alors le SG adjoint du parti, par un mouvement interne, a pris ses responsabilités et avec ce qui restait de la direction du Fpi, en 1992, a fait un travail admirable jusqu’à ce que Gbagbo sorte de prison. Et quand ce dernier est sorti de prison, il est revenu prendre sa place sans qu’on ait à faire encore d’autres mouvements. Pourquoi donc ne pas s’inspirer de ce cas de figure ? Affi N’Guessan est le président du parti depuis 2001, normalement en 2004, on devait faire le congrès. Mais, comme depuis 2002 on a été attaqué et que nous étions en situation de crise, le secrétariat général et le comité central ont décidé que tant que la crise n’est pas finie, on ne pouvait pas faire de congrès. Nous sommes en 2011–2012 où la crise s’est amplifiée avec beaucoup de morts, Gbagbo déporté à La Haye, des camarades en prison ou en exil, etc. Les choses devraient fonctionner de la même manière. Les structures restent en place. On les redynamise, on incite les responsables à l’action militante, on cherche les mots et les actes pour rassembler nos camarades et nous dresser contre le nouveau pouvoir. Mais il ne s’agit pas de venir faire des mouvements internes et s’accaparer des titres. C’est le Congrès seul qui peut conférer de nouveaux titres et non une convention.

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Exilés FPI

Mais justement, vos camarades parlent de convention et non de congrès.

A la vérité, de mon point de vue, aujourd’hui, nous n’avons pas besoin d’une convention. Le Comité central est qualifié pour prendre toutes les décisions nécessaires à la marche du parti et il l’a fait plusieurs fois et bien. Les mêmes instances qui composent la Convention, ce sont les mêmes qui siègent au Comité central. Nous devons faire l’économie de cette convention. Et, sincèrement, dans cette situation trouble où nous vivons, il ne faut pas poser des actes qui vont amener les camarades à vous suspecter. Le problème c’est ça ! Les mêmes actes que Mamadou Koulibaly a voulu poser, au sujet desquels il avait été mis en minorité par la conférence de fédérations et la Jfpi, et qui l’ont emmené à sortir du parti, c’est de cela qu’il s’agit. Depuis les événements douloureux que nous avons vécus, une direction intérimaire a été mise en place avec tous les pouvoirs approuvés par le Comité Central. On n’a pas eu besoin d’aller en convention pour cela, encore moins devant de congrès ; mais les actes qu’on pose après amènent à suspecter des camarades qui sont dans la direction du parti. On a laissé de côté des camarades membres de la direction restés au pays, libres de tout mouvement, pour nommer d’autres et à de nouveaux postes. Mais de quel droit changent-ils ces camarades ? Secondo, des anciens membres du secrétariat général qui étaient en prison et qui sont aujourd’hui libérés, Ettien Amoakon et Diabaté Bêh, n’ont pas été réintégrés. Pourquoi jusqu’à présent ne sont-ils pas réintégrés? Donc, on constate tout simplement qu’il y a une volonté manifeste de changer les gens, d’avoir une nouvelle équipe. Si c’est le cas, qu’on nous le dise.

Mais ces différents faits que vous évoquez sont peut-être dictés par la recherche d’une meilleure efficacité de l’action à mener sur le terrain.

Peut-être bien. Dans ce cas-là, que l’équipe dirigeante aille devant le Comité central qui l’a mandaté – je dis bien le Comité central et non la Convention – pour rendre compte de ses activités de ces derniers mois et demander courageusement qu’on mette en place un comité de crise. Moi, je suis pour la mise en place d’un comité de crise. Ainsi, avec les camarades du Comité central, ils vont choisir des camarades pour gérer le parti en crise dans tout le pays. Et ce comité de crise va rendre compte au comité central. De sorte que si par un concours de circonstance heureuse, le Président du parti, Affi N’Guessan et nos camarades sont libérés, qu’on n’ait pas de bicéphalisme à régler. Dès qu’ils sortent de prison, ils reprennent de droit les fonctions initialement occupées. Donc le comité central devrait donner une mission claire au comité de crise, mission qui s’arrêtera le jour où nos camarades seront libérés. Si plus tard, un congrès est convoqué, ce sera au Comité central de faire le bilan du comité de crise qu’il aura mis en place devant les congressistes. En dehors de cela, cette direction qui est là n’est ni compétente ni qualifiée à convoquer une convention pour faire le bilan. Quel bilan et de qui ?

N’y a-t-il pas bien des fois des dissensions entre la Coordination Fpi en exil et la direction intérimaire ?

Quelquefois je suis surpris des débats bizarres qui ont lieu entre les camarades qui sont restés au pays et ceux qui sont en exil. Tout cela aussi c’est parce que nos camarades ne s’inspirent pas des faits de l’histoire. Nous ne sommes pas les premiers en tant que parti politique à vivre des moments aussi difficiles que ceux que nous vivons présentement. Nous avons l’exemple de l’Anc en Afrique du Sud. Pendant leurs moments difficiles face au régime inhumain de l’Apartheid, jamais il ne leur est venu à l’esprit de remplacer Mandela qui pourtant a fait 27 ans en prison. Alors que chez nous, il y a des gens qui, par des jeux bizarres qu’on ne comprend pas, ont envie de mettre Gbagbo entre parenthèse. Parce que pour eux, on doit tourner la page Gbagbo. C’est comme si on ouvrait la succession de quelqu’un à titre vif. Mais Gbagbo n’est pas mort. Il n’est qu’en prison, si on peut le dire ainsi. Ils sont nombreux ceux qui, dans l’ombre, pensent comme ça. Ils ne sont pas dans le vrai parce que l’histoire contemporaine ne manque pas d’illustrations. On ne peut pas accepter ça. Car, aujourd’hui, vu la stature internationale de Gbagbo, ce grand homme devenu le symbole de l’Afrique résistante face au néocolonialisme occidental, cet homme désormais vu comme une chance, un repère et un modèle de lutte pour le respect de la souveraineté de nos Etats, on ne peut pas s’amuser à le mettre entre parenthèse. Alors que Gbagbo lui-même nous demande d’aller jusqu’au bout et que tous les week-ends, des milliers d’Ivoiriens et d’Africains et de non-Africains se mobilisent pour exécuter cette consigne, pas seulement pour sa libération, mais également celle de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique toute entière, nous nous amusons ici avec nos petites querelles de positionnement et tentons de ramener le combat à un niveau inférieur.
La cause est trop noble pour que nous la banalisions par des calculs personnels. Pendant les 27 ans où Mandela était en prison, il y avait des camarades en exil, d’autres sont aussi restés au pays. L’actuel président sud-africain, Jacob Zuma, après l’exil, est rentré dans son pays pour organiser la résistance. Pendant ce temps, Thabo M’Beki était en exil et organisait d’une façon la lutte, au plan diplomatique. Personne n’a cherché à tourner la page Mandela parce que en prison. Quand le moment est arrivé pour qu’ils puissent librement gérer le pays, Nelson Mandela a été le premier qui a été choisi, Thabo M’Béki est venu en deuxième position et aujourd’hui c’est Jacob Zuma. Alors pourquoi nos camarades sont pressés ! Personne au Fpi ne doit croire que là où il se trouve, il fait mieux que les autres. L’objectif, c’est de détecter ce qui parait pour nous comme un obstacle et qu’il faut dégager. Ce que le peuple attend de nous, c’est comment faire pour que Gbagbo retourne au pays. Gbagbo et rien d’autre. Le reste suivra. Nos ambitions personnelles doivent être mises pour le moment en veilleuse. C’est une question de principe et de bon sens. Je voulais donc tranquilliser, rassurer les Ivoiriens et leur dire de rester forts parce que Gbagbo reviendra. Et qu’on va dépasser toutes ces choses là qui, du reste, sont normales et participent de la vie des hommes.

Quel est votre regard sur la relance par le régime du dialogue pouvoir – opposition ?

Mais quel type de dialogue veut-on nous proposer ? Est-ce un dialogue pour que l’opposition puisse être bâillonnée, pour qu’on ne parle pas, qu’on ne manifeste pas ? C’est ça qu’ils veulent ? Sinon il n’y a plus de dialogue, à mon sens, depuis l’instant où le Secrétaire général par intérim du Rdr, Amadou Soumahoro, nous a averti que si on s’oppose à Ouattara, notre place est au cimetière comme les regrettés membres du secrétariat général Boga Doudou, Désire Tagro… Bohoun Bouabré. La raison d’être du Fpi, c’est de dénoncer ce qui va contre les droits du peuple ivoirien. Donc on ne peut pas encore nous parler de dialogue. Dès que nos camarades rentrent au pays, ils sont interpellés. Je suis heureux de voir que l’Ambassadeur des Etats-Unis lui-même, soutien indéfectible de Ouattara, s’inquiète aujourd’hui de la disparition d’un certain nombre de jeunes membres de la Fesci. Quel type de dialogue on veut quand, chaque jour, les Frci et les dozo tuent des Ivoiriens ? Puisqu’on nous a dit que notre place est au cimetière et effectivement, chaque jour nos cimetières reçoivent des morts. Tout ce qu’on fait, c’est de la distraction. C’est à nous de choisir. Ou bien parce qu’on ne veut plus être tué alors on reste dans notre petit coin, et on mourra dans tous les cas de stress, de mélancolie et de que sais-je encore, ou bien alors on veut vivre libre et donc on décide d’agir pour arracher cette liberté. Ce que je veux qu’on comprenne, c’est qu’il ne peut pas avoir de dialogue si l’environnement même qui nous entoure est un environnement de peur, de violence, d’arrestation et de persécution. L’environnement doit être apaisé. Pas de dialogue avec le fusil sous la tempe.

Après la commémoration du 11 avril, la prochaine date importante c’est le 18 juin, date du début du procès de Laurent Gbagbo.

Je vois que que de plus en plus des voix s’élèvent pour dire que cet homme là, sa place n’est pas à la Cpi et qu’il doit retourner auprès des siens, auprès de son peuple. C’est son retour seul au pays qui va apporter la consolation et la paix à notre peuple. Et moi je crois que Gbagbo reviendra parmi nous. C’est le dessein de Dieu. C’est pour ça que je demande à tous les Ivoiriens de rester unis et forts, d’être prêts à lui réserver l’accueil populaire qu’il mérite. Que ceux qui peuvent prier prient et que ceux qui peuvent aller à la Haye pour lui apporter le soutien ce jour-là le fassent. C’est le lieu d’ailleurs pour nous de remercier tous les frères de la diaspora qui font chaque jour des choses merveilleuses. Je pense que Gbagbo va nous revenir. Et c’est la seule chose autour de laquelle, nous devons nous resserrer.

Propos recueillis par Frank Toti

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