Libre Opinion
Du retour à l’ordre constitutionnel au Mali comme indice de rédemption démocratique de l’Afrique…
Par DIARRA CHEICKH OUMAR
Comme l’a démontré avec beaucoup de brio le philosophe grec ARISTOTE, en tout être et en toute chose subsiste, comme un don du Ciel, cet élan naturel de changement, de transmutation évolutive méliorative qui fait passer d’une situation jugée moins digne de satisfécit au plan structurel et des valeurs à une autre favorablement reçue car pourvoyeuse de bien-être matériel et moral. Cette loi de la nature que le philosophe s’est employé à nous rappeler et qui vide de toute substance le sentiment de pessimisme qui pourrait envahir l’individu humain face aux aléas de l’existence et de certaines survivances fâcheuses paraissant insurmontables, reçoit de l’Afrique, sans forfanterie aucune, depuis l’accession du Président de la République de Côte d’Ivoire, SEM. Alassane Dramane OUATTARA, à la tête de la CEDEAO, des preuves matérielles irréfragables dignes d’êtres célébrées et encouragées.
La République sœur du Mali est aujourd’hui sous les feux de la rampe, cristallise toutes les attentions suite au coup de force qu’elle a vécu, qui a catalysé l’avancée de la rébellion Touaregs du nord qui s’est emparé des villes significatives de cette partie septentrionale du pays c’est-à-dire Tombouctou, Gao, Kidal et qui a, in fine, réalisé son vœu de sécession en proclamant son indépendance sous le nom de baptême de l’Azawad. Si l’histoire politique foisonnent de coups de forces qui ont, à une certaine étape du cours de l’humanité, été loués parce que salutaires pour des peuples pris en otage, avilis et astreints à une disette indicible, cela ne doit pas être entendu comme un alibi décisif autorisant à faire de la voie des pronunciamientos, une fin en soi, un recours dont il faut faire l’apologie. Par définition, un coup d’état est le fait d’accéder au pouvoir d’Etat par la force et en violation des règles constitutionnelles. C’est dire qu’un putsch, quelle que soit la motivation qui la sous-tend, entre en contradiction flagrante avec l’ordre constitutionnel qui, dans une République, impose comme voie incontournable d’accès à la magistrature suprême le suffrage universel, c’est-à-dire la voix du peuple qui seul, est habilité à accorder dans ce processus, sa confiance au postulant qui épouse le mieux, à travers son programme de gouvernement, ses aspirations, ses attentes les plus légitimes. Il en résulte donc que l’heure est venue de se démarquer étanchement de cette option anti-démocratique qui a tant fait souffrir notre cher continent en entraînant quelquefois dans des abîmes insondables nombre de nations africaines. Cela est d’autant plus impérieux que les promesses débitées par les différentes juntes lors de la prise du pouvoir ne sont presque jamais tenues mais plutôt énoncées dans une perspective démagogique. Pour mériter le soutien du peuple extenué par les dérives du pouvoir déchu, on surf invariablement sur la rhétorique de l’impartialité, de l’arbitrage, de l’organisation d’élections libres et transparentes ouvertes à tous, auxquelles on s’abstiendra soi-même, juge devant Dieu et les hommes, de participer. Mais au fil du temps, les appétences réelles, réprimées jusque-là et gardées secrètement dans son inconscient, finissent par émerger, rompant superbement d’avec les assurances et garanties données dès le départ. L’histoire récente de notre continent renferme toute une flopée d’exemples de ce genre. Cela a été vu avec beaucoup de déception en Côte d’Ivoire avec feu le général GUEI qui affirmait lors de son adresse à la nation suite au coup de force qui le porta au pouvoir être « venu balayer la maison pour ensuite se retirer ». Mieux, notait-il : « Je ne suis pas un ambitieux du pouvoir. Sinon je revendique les mêmes qualités et compétences que mes frères d’armes de la sous-région. » Dans cette même logique populiste, le capitaine Moussa Dadis CAMARA s’engageait fermement à remettre démocratiquement le pouvoir à celui qui remporterait les élections qu’il promettait d’organiser sous peu et qu’il n’envisageait nullement faire partie des potentiels candidats. Nous sommes tous contemporains de ce qui s’est par la suite produit : nous avons assisté à des palinodies, des voltes faces spectaculaires. Le général GUEI s’est porté candidat, se parjurant lui-même, en excluant de la course, les candidats les plus représentatifs dont le Président BEDIE et le Président OUATTARA.
En Guinée, le capitaine Dadis CAMARA, s’appuyant certainement sur des préceptes machiavéliens malhabilement interprétés et reçus auxquels il se référait à hue et dia dans ses discours laissant transparaître une méconnaissance criante des normes grammaticales et orthographiques, avait fini par faire du pouvoir sa propriété privée, comme si le peuple le lui avait offert en cadeau, en réprimant dans le sang, la marche organisée par l’opposition le 28 Septembre 2009 pour faire entendre la voix du peuple et aboutir à la chute de ce régime autiste, nationaliste, paranoïaque, isolationniste, mieux, stalinien. Le retour à l’ordre constitutionnel, la Guinée le doit à la tentative d’assassinat manquée de ce militaire aux ambitions démesurées, par le chef de sa garde rapprochée et aide de camp Aboubacar « Toumba » DIAKITE ; ce qui l’a définitivement éloigné de la scène politique et à la transition assurée par le général Sékouba KONATE avec l’organisation d’élections sanctionnées par la victoire du Professeur Alpha CONDE comme Président de la République. Le Président OUATTARA, Président en exercice de la CEDEAO et ses homologues de la sous-région, en s’opposant avec fracas et cliquetis au pronunciamiento perpétré par le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses hommes au Mali, envoient ainsi un signal fort à tous ceux qui seraient tentés par ce genre d’aventure. L’Afrique a trop erré, minée par les coups d’Etat à répétition qui, plus est, ne se justifient nullement dans certains cas, comme celui du Mali, par exemple. Il est grand temps d’opérer sa mue, de se désamarrer de ces pratiques piétinant ouvertement les canons de la démocratie. Par cet acte courageux, inédit en Afrique, le Président OUATTARA et ses collègues voudraient engager l’Afrique sur la voie de la rédemption démocratique qui passe nécessairement par une cure intérieure, cette catharsis inaugurale nous éloignant de toutes nos vilénies, cette conception égoïste et égocentrique du pouvoir consistant en cette volition irraisonnée de le posséder ad vitam aeternam, à confisquer le pouvoir en caporalisant une armée aux ordres, à user des armes comme moyen de conquête du pouvoir, à organiser des séditions sur la base de prétextes fallacieux en pillant, violant, martyrisant des populations désemparées comme c’est le cas aujourd’hui dans la partie septentrionale du Mali. Voilà pourquoi le prochain challenge demeure le règlement via des voies pacifiques ou physiques, armées de cette tentative d’émiettement du territoire malien avec la sécession touareg. Le Mali doit rester une et indivisible. Une fois l’intégrité territoriale rétablie, le reste peut se discuter dans un cadre consensuel. Laisser le Mali en l’état, ce serait ouvrir la boîte de pandore de l’islamisme en Afrique, faire la part belle à ces illuminés, fanatiques qui, au nom d’un Islam dévoyés de ses préceptes fondamentaux, donneront libre court à leurs bas instincts en installant une atmosphère infernale, de violence généralisée risquant d’embraser toute la sous-région. Déjà, l’on y signale la présence d’organisations d’un intégrisme rageur dont Al-Qaeda, Boko Haram. C’est dire que la menace est réelle. En faisant du nord Mali leur fief, avec la porosité de nos frontières en Afrique, ils pourront facilement étendre leurs tentacules jusqu’au cœur d’autres aires géographiques et exécuter avec toute la passion qu’on leur connaît, leurs scélératesses. D’ailleurs, ils ne s’en cachent même pas. La volonté affichée est d’imposer la charia comme loi fondamentale au Mali et, si possible, pourquoi pas en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Burkina Faso, au Sénégal, en Gambie, au Niger…, l’appétit venant en mangeant. Cette tribune est par conséquent, l’occasion pour nous de féliciter le Président OUATTARA et ses confrères pour la noble action qui est en train d’être conduite avec beaucoup de maestria visant à apporter l’espoir au peuple frère du Mali car, personne n’a le droit d’être heureux seul, l’autre nous pénétrant au plus profond de nous-mêmes. Les entreprises d’une telle envergure et d’une telle justesse doivent être multipliées pour éviter que le continent, par la faute de ses fils et filles, sombre définitivement dans le chaos. Dans ce sens, l’exemple donné par le Président Abdoulaye WADE, en cédant pacifiquement le pouvoir à son jeune frère et poulain Macky SALL, suite aux consultations électorales à l’issue desquelles il a été défait, est un parangon devant désormais faire école. Dans le même élan, il faudra inviter les chefs d’Etat au pouvoir depuis plus d’une vingtaine ou une trentaine d’années, de surseoir avec sagesse et responsabilité à tripatouiller les lois fondamentales de leurs pays respectifs à la fin de s’éterniser au pouvoir et se soumettre volontiers au principe de la limitation constitutionnelle des mandats et de l’alternance démocratique. Cela évitera bien de drames à l’Afrique.
Qu’on invite donc avec vaillance les Présidents Yaya DJAMMEH, Blaise COMPAORE, Paul BIYA… à songer à leur retraite. Le pouvoir n’est ni une affaire de familles, de clans, d’ethnies ou de classes sociales. Il n’est la propriété de personne. Il se donne à celui qui le mérite de par son savoir-faire et savoir-être. Celui-là, c’est le peuple, de façon libre et souveraine qui le choisit parce que présentant le meilleur profil, lui délègue donc ses pouvoirs, dans une perspective démocratique. Toute autre voie est sans issue et suicidaire. Que Calixthe BEYALA, ‘’hagiographe de Laurent GBAGBO’’, la souverainiste et panafricaniste, curieusement réfugiée en France certainement pour jouir frauduleusement des prestations sociales y étant en vigueur, embouche la même flûte que nous, si tant est qu’elle aime l’Afrique, pour demander fraternellement à son Président, Monsieur Paul BIYA, dont l’incompétence crève les yeux, de céder le pouvoir. En trente de pouvoir, il n’a rien apporté au Cameroun. Qu’il cède donc le pouvoir pour que d’autres compétences puissent s’exprimer. Au lieu de vous en prendre inutilement au Président OUATTARA, homme aux qualités de gestionnaire émérite mondialement reconnues qui, en seulement moins d’un an de pouvoir, a considérablement amélioré la qualité de vie des ivoiriens et œuvre concomitamment au bien-être de toute la sous-région (exemple du Mali), c’est sur ce terrain que nous avons attendons. On n’est nullement utile à l’Afrique en se claquemurant dans des fadaises, le larbinisme, la mendicité. Le rôle de l’intellectuel est d’éclairer le peuple, de lui servir de guide et non de le gorger de mensonges, d’idées infondées. Intellectualisme rime nécessairement avec vérité, objectivité, réalisme. Il est par ricochet impérieux de laisser de côté son manteau de militant pour épouser véritablement les vertus que nous impose ce statut en critiquant objectivement les dérives constatées ça et là, en émettant aussi des solutions, en servant de fil d’Ariane, à travers nos remarques et suggestions, à nos dirigeants politiques dans leur régence. Car, quelles que soient les qualités revendiquées par un homme, il reste avant tout un homme, donc prédisposé à l’erreur, aux fautes morales et aux agissements illégaux. En tout cas, pour ce qui nous concerne, cette tâche, nous ne nous y déroberons jamais. C’est seulement de cette façon que nous éviterons à l’Afrique la honte, certains drames qui sont loin d’être des fatalités, la misère. Derechef, bravo au Président OUATTARA et à ses homologues de la CEDEAO à travers cette ferme détermination à remettre le continent sur les rails. Que la transcendance vous appuie dans cette voie hérissée de noblesse visant à élever l’homme africain vers les hauteurs vertueuses !
DIARRA CHEICKH OUMAR
Professeur certifié de philosophie
Lycée moderne 1 Bondoukou
Doctorant en sciences politiques
E-mail : diarra.skououmar262@gmail.com
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