Afrique occidentale Burkina Faso, nouveau pôle diplomatique ?

Afrique de l’ouest: Le Burkina Faso, nouveau pôle de la diplomatique

La diplomatie est un outil au service de la politique étrangère qui elle est une politique de puissance. Cette approche illustre parfaitement la stratégie burkinabé dans le sous continent ouest africain.

En effet, depuis plus d’une décennie, le pays s’illustre par une diplomatie active et intéressée au service des grands enjeux du continent africain et surtout de l’Afrique de l’ouest dans les domaines de l’intégration sous régionale mais surtout la résolution des crises politiques qui a grandement contribué à le mettre en lumière. Cela a favorisé son émergence au rang de pôle diplomatique sous régional, rôle qu’il assume désormais. Deux axes ont donc articulé cette stratégie : dans un premier temps, il s’est agi de véhiculer dans le champ diplomatique l’image d’un nouveau Burkina Faso à travers les médiations. Dans un second temps, il s’est agi d’en faire un outil de soft power(3)

1 : Déconstruire une posture :

La médiation dans les crises politiques est ce qui a constitué la caractéristique principale de la diplomatie burkinabé. En effet, depuis le début des années quatre vingt dix, le Burkina Faso s’est illustré dans la pratique de la médiation pour la résolution de crises aussi bien en Afrique de l’ouest que dans les autres parties : d’abord en 1993 par une médiation sur la crise togolaise. Cette initiative sera sanctionnée par la signature de l’accord COD II le 11 juillet 1993 mettant fin à la crise. Deux ans plus tard, il se signalera en négociant la signature d’un accord politique entre le gouvernement nigérien et l’organisation de la résistance armée (ORA) le 15 juillet 1995. Les succès rencontrés le conduiront à intervenir au Tchad pour le règlement du différend entre le gouvernement tchadien et le mouvement rebelle du MDJT (mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad) en 2003. Lors de la seconde crise politique togolaise en 2006, la médiation burkinabé sera de nouveau sollicitée et celle-ci contribuera encore une fois à une sortie de crise avec la signature d’un accord politique le 20 Aout 2006 à Ouagadougou (Burkina Faso).

En outre, le Burkina Faso a aussi diriger sous mandat UA la médiation qui abouti à la pacification puis à l’organisation d’élections en Guinée suite à la crise politique de 2008 sans oublier l’accord de paix de Ouagadougou pour une sortie de crise en Côte d’Ivoire le 03 mars 2007. Pour Barrat (J), cette pratique s’est imposée comme étant sa colonne vertébrale : « le véritable levier de la politique internationale du gouvernement burkinabé. Il a ainsi contribué à résoudre des crises graves et a pu empêcher des conflits de perdurer » (3).De nos jours le Burkina dispose d’une expertise dans les médiations comme méthode de résolutions des crises et est souvent sollicité par les structures multilatérales pour lesquelles cette pratique occupe une place très importante depuis la mise en place de l’agenda de la paix(4) :(les plus célèbres étant Monsieur Ablassé Ouedraogo ex ministre des affaires étrangères de 1994 à 1999 et exerçant dans le privé comme médiateur avec mandat de l’union africaine dans la crise malgache et l’actuel ministre des affaires étrangères Monsieur Djibril Bassolet qui avait fait ses preuves lors des crises togolaises qui fut représentant spécial de l’ONU et de l’UA au Darfour de 2008 à 2011).

La conférence sur la paix et la sécurité en Afrique organisée à Ouagadougou en juin 2010 (année de la paix et de la sécurité en Afrique) a été l’occasion de légitimer cette expertise. En effet, se prononçant à cette occasion, Mr Jean Bieler représentant de la confédération helvétique dira être venu s’imprégner de la méthode burkinabé de médiation, une pratique qui, a-t-il dit intéresse vivement son pays qui s’investit également dans la résolution des conflits. Le Burkina Faso dispose donc d’une expertise en matière de résolution des crises en Afrique.

Toutefois, loin de constituer une pratique désintéressée, la médiation constitue un investissement pour le pays. En effet, le médiateur y tire toujours profit. Cox (5) n’en pense pas moins lorsqu’il affirme ceci : « la médiation est toujours pour quelqu’un ou pour quelque chose ». De ce fait, cet investissement du Burkina pose ainsi la question des éventuels retombés et au vu de son activisme dans les grands dossiers de la sous région ouest africaine, il ne fait aucun doute qu’il comporte des enjeux diplomatique et géopolitique pour le pays. En effet, cette pratique permet d’une part de mettre en scène un Burkina volontariste s’impliquant dans les grands dossiers africains et œuvrant pour la paix et la sécurité sur le sous continent en mettant son expertise à contribution, ce qui a pour conséquence de gommer l’image du pays faiseur de trouble en Afrique de l’ouest. D’autre part, cela permet de véhiculer la nouvelle image d’un acteur géopolitique en Afrique de l’ouest que ses activités diplomatiques légitiment. Cela aura pour conséquence de permettre au pays de nouer certains partenariats (son admission à l’african growth and opportunity act, AGOA(6) après des années de relations difficiles avec les Etats Unis).

2 : Les facteurs de la montée en puissance :

La réussite d’une médiation, au delà de ses retombés diplomatiques illustre également un fait : le charisme du médiateur. En effet, l’issue de la pratique est toujours fonction du pouvoir d’influence de ce dernier, de sa puissance douce (7) sur les acteurs des crises et de sa capacité à mobiliser les ressources pour la réussite de sa mission. Cette puissance douce du médiateur et son charisme sont très déterminants car ils sont les facteurs qui lui permettent d’imposer le plus souvent ses idées et contribuent à développer un pouvoir charismatique8 qui permet des solutions de compromis aux acteurs. Cette situation résume parfaitement le cas burkinabé. En effet, au fil des médiations, le pays par son président a réussi à s’imposer dans la médiation et son expertise contribue à en faire le recours naturel dans les crises politiques postérieures en Afrique de l’ouest. Cela justifie sans doute le fait que la médiation burkinabé ait le plus souvent été sollicité souvent par les acteurs eux même ou parfois par les structures putatives (Cote d’ivoire, Togo, Guinée).

La pratique de la médiation ayant ainsi conféré au Burkina une forme de certitude et surtout de pouvoir au fil des ans, il s’est agi dans la seconde étape de la stratégie d’utiliser ce pouvoir pour s’affirmer dans les grands enjeux de l’espace géopolitique ouest africain et de s’imposer ainsi en acteur incontournable. Ainsi, il a permis de trouver une solution aux crises ivoirienne et guinéenne. de même, en plus d’abriter le siège de l’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) (9) et de prendre une part active dans ses grands dossiers, il a aussi placé Monsieur Kadré Désiré Ouedraogo(10) à la tète de la communauté économique de l’Afrique de l’ouest CEDEAO(11) (qui a souvent recours à ses services dans la résolution des crises politiques dans le sous continent ouest africain : Cote d’ivoire, Guinée) et compte bien en profiter pour imposer certaines de ses idées comme semble l’affirmer d’une manière transversale ce dernier lorsqu’il affirme ceci : « Au moment où je m’apprête à aller prendre fonction, il était normal que je vienne voir le Premier ministre pour bénéficier de son point de vue et de ses analyses sur les priorités de l’heure de notre organisation, de manière à pouvoir faciliter mon travail à la tête de la commission. Je le remercie pour les avis pertinents, les analyses et les orientations qu’il a bien voulu me donner »(12), un aveu de subordination de la structure au Burkina ? Enfin, et soutenu la candidature du président ivoirien à la présidence en exercice de cette structure.

En outre, certains facteurs externes ont également contribué à accroitre cette montée en puissance du Burkina : l’indisponibilité de potentiels rivaux dans le sous continent ouest africain chacun pour des raisons spécifiques : en effet, depuis la période des indépendances, certains pays se sont illustrés comme pouvant être des leaders dans le processus de développement et de l’intégration dans la zone ouest africaine : le Nigeria, première puissance économique, démographique et militaire en Afrique de l’ouest. La Côte d’Ivoire première puissance économique de l’espace UEMOA et jadis rivale potentiel du Nigeria dans la volonté du colonisateur francais(13) ainsi que le Ghana et le Sénégal. Ces pays en proie chacun à des situations différentes accordent leurs priorités à d’autres thématiques.
le Nigeria désintéressé : puissance hégémonique militaire et économique incontestable de la région ouest africaine (et grand contributeur militaire et financier de la CEDEAO dont il abrite le siège), le Nigeria se montre de plus en plus offensif dans les grands dossiers africains conformément à ses velleités sur le continent. En effet, depuis sa participation active à la résolution de la crise ivoirienne dont le dénouement comportaient pour lui des enjeux géopolitique et diplomatique(14), ce pays privilégie les grands chantiers africains (en atteste son activisme dans le dossier de désignation du futur président de la commission de l’union africaine) qui correspondent à sa prétention de posture(15) au détriment de la CEDEAO.

De plus, le bon fonctionnement de l’axe Ouagadougou-Abuja constitue pour lui l’assurance de disposer d’un relais fiable sur l’espace CEDEAO et d’un partenaire émergeant sur la scène diplomatique du continent.
le Ghana hésitant : depuis la tenue du sommet de l’union africaine à Accra sa capitale du 1er au 3 juillet 2007, la Ghana a donné l’impression reprendre la place qui était la sienne pendant la période Nkrumah en se montrant actif sur les grands enjeux africains tel l’intégration. Toutefois, cela sera de courte durée sans doute pour des raisons de changement à la tête de l’Etat (ce qui est susceptible d’entrainer de nouveaux objectifs en matière de politique étrangère) et de son inoubliable hésitation qui empêcha une résolution à l’échelle sous régional de la crise ivoirienne. Depuis, le Ghana parait moins actif dans les grands dossiers ouest africains
la Côte d’Ivoire en quête de son passé : jadis pole économique et social de la zone de l’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), ce pays a traversé pendant une dizaine d’années une période de crise politique et sociale dont le dénouement a été l’élection du nouveau président Monsieur Alassane Ouattara. Etant en situation post conflit, d’autres défis attendent ce pays en quête de son lustre d’antan : la sécurité (qui passe par une politique très efficace contre la circulation des armes occasionnée par la crise), l’érection et la consolidation d’une armée républicaine, la relance de l’économie (notamment la filière café cacao), la restauration de l’Etat comme unique détenteur du monopole de la violence légitime mais aussi et surtout la réconciliation nationale considérée comme étant son chantier le plus important : « C’est un processus incontournable devant permettre aux ivoiriens de revivre dans la concorde après cette crise postélectorale qui a mis le tissu social ivoirien en lambeau » note Jean Jacques Konadjé.(16) Comme on peut le voir donc face à tous ces défis, la Cote d’Ivoire qui vient de réintégrer la CEDEAO(17) et dont le président en assure d’ailleurs la présidence d’exercice se consacrera presqu’exclusivement à ses chantiers internes plutôt que des affaires du sous continent.

Le Sénégal en quête d’alternance : capitale de l’Afrique occidentale française AOF18, le Sénégal a continué à jouer un rôle de pole politique et diplomatique en Afrique de l’ouest post coloniale abritant notamment le siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BECEAO) et mettant sa diplomatie au service des grands enjeux du continent tels la résolution des conflits (18) sans oublier le grand chantier de l’intégration régionale (l’investissement de la diplomatie sénégalaise et de son président pour le NEPAD) et le rôle du continent dans les instances de la gouvernance mondiale. Il est de ce fait candidat à l’obtention d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Pour Dumont (GF) et Kanté (S) cela est du aux facteurs suivants : « la stabilité politique du pays, son modèle démocratique, son armée républicaine, sa longue expérience dans le domaine du maintien de la paix (plus de trois généraux sénégalais ont commandé des forces onusiennes), sa diplomatie et son engagement en faveur des causes africaines »(19).

Confronté depuis à des problèmes de légitimité empirique et à la non résolution du problème casamançais, le Sénégal actuel semble avoir perdu de son influence auprès des autres pays africains malgré le volontarisme affiché du président Wade. Ces facteurs ont ainsi contribué à renforcer la montée en puissance du Burkina Faso dans l’espace sous régional ouest africain.

Conclusion

En somme, la stratégie du Burkina Faso pourrait être résumée de la manière suivante : d’une part, un outil diplomatique (la médiation) utilisé dans une logique de construction d’une image, un pouvoir d’influence né de cette pratique et du charisme de son président et utilisé dans les négociations stratégiques avec les partenaires ouest africains. Les contextes géopolitiques viendront contribuer à faire du Burkina Faso un pôle diplomatique devenu incontournable aux cotés de l’incontournable puissance régionale nigérian.

Par Windata Miki Zongo

Le faso.net

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