Les contradictions de Charles Konan Banny en Côte d’Ivoire

L’elephant Déchaîné

Commission Dialogue-Vérité et Réconciliation
Réconciliation. Le maître mot. Depuis la crise post-électorale, la Cdvr n’a toujours pas trouvé ses marques. Certes, la tâche est ardue de par sa complexité, mais pas impossible dans l’absolu. Cependant, au vu des tâtonnements de ladite commission, pilotée par Charles Konan Banny, il y a tout lieu de craindre un échec cuisant.
La réconciliation nationale est un sujet sensible qui intéresse tous les Ivoiriens. Pourtant, dans les salons comme dans la presse, on se rend bien compte que, si tout le monde en parle, tous ne s’accordent cependant pas sur la méthode et son application. D’un côté, la branche dure des pro-Gbagbo (la plus nombreuse) réclame immédiatement et sans délai la libération de leur chef incarcéré à la prison de la Cpi. D’un autre côté, les partisans de Ouattara (vraisemblablement jusqu’au-boutistes) campent sur leur position : réconciliation d’accord, mais justice d’abord. Ainsi, le processus de réconciliation fait appel à ces deux camps dont l’action désespère ceux qui se veulent neutres. Les militants et sympathisants du Fpi (entendons-nous bien. On ne parle pas ici des autorités politiques du parti), eux, n’ont qu’un mot aux lèvres : vengeance. Ils ne cessent de répéter à qui veut l’entendre qu’ils affûtent leurs armes pour déstabiliser le pouvoir actuel dans le but de réinstaller dans le fauteuil présidentiel, Laurent Gbagbo, ‘‘le vrai chef des Ivoiriens’’. Les partisans de Ouattara leur dénient le droit de revendiquer quoi que ce soit. De toute évidence, il n’y a qu’eux qui détiennent le monopole de la vérité, celle des vainqueurs.
Ex Premier ministre sous le régime de M. Gbagbo, et actuel Président de la Cdvr, M. Banny qui, de temps en temps rue dans les brancards contre le pouvoir en place, a expliqué il y a quelques mois sur le plateau de Tv5, que Laurent Gbagbo ne devrait pas être fait prisonnier de guerre si les autorités tenaient à la réussite du processus de paix. Comme on le sait, peu de temps après cette déclaration, M. Gbagbo quittait sa prison de Korhogo pour celle de La Haye. M. Banny n’a pas été écouté. L’a-t-il d’ailleurs jamais été? Le Chef de la Cdvr, qui plaide en faveur d’un dialogue franc et transparent entre Ivoiriens, n’a pas jugé nécessaire d’expliquer efficacement l’échec de sa démarche aux populations. Peut-être l’a-t-il fait ? M. Banny fait tant de choses qui passent inaperçues du grand public. N’est-ce pas qu’il y a un problème de communication quelque part ? ‘‘Non, c’est plutôt pour ne pas choquer les gens. Imagine-toi, une famille de 12 personnes, on en a tué 10, il n’en reste plus que 2. Tu veux que les gens voient ça à la télé, dans les journaux? Mais ça va les révolter’’ ! Ces propos sont de Tiburce Koffi, un proche de M. Banny. Selon certains de ses collaborateurs, M. Banny préfère ne pas médiatiser ses actions. D’autres affirment, sceptiques : « on ne sait pas où on va ».

Banny en plein chicanes
1ère contradiction : M. Banny invite, sans diplomatie aucune, les exilés à regagner leur pays. C’est en ces termes qu’il s’adresse à certains d’entre eux : « On ne doit pas avoir peur de la justice de son pays, même si on doit la respecter ». Pourquoi les exilés politiques devraient-ils être inquiétés par la justice de leur pays, quand des chefs de guerre aux mains dégoulinantes de sang innocent, eux, entrevoient à l’horizon un avenir qu’ils croient radieux, à tel point qu’ils prennent une part active à la vie publique du pays ? Ces exilés n’ont-ils pas raison de craindre la justice à deux vitesses ? M. Banny oublie une évidence : il ne saurait y avoir de réconciliation par procuration ou par contumace pour parler comme le professeur Bottey Zadi Zahourou. Tant que les Ivoiriens ne se retrouvent pas tous ensemble pour se parler dans l’espace national, la réconciliation n’avancera que trop lentement. Il faut avoir suffisamment de courage pour le faire admettre au pouvoir en place qui s’entête à aller jusqu’au bout de sa logique de poursuivre les pro-Gbagbo jusque dans leurs derniers retranchements.
2ème contradiction : La vérité est l’un des trois axes qui fondent la Cdvr. Pourtant, à la lecture des actions de M. Banny, il semble que celui-ci craint de montrer aux Ivoiriens la laideur de leur propre haine et de leur propre désamour. On se demande bien comment M. Banny parviendra-t-il à faire surgir de nos consciences souillées, le sentiment de regret devant faire cesser cette dualité vainqueur-vaincu où l’un est opprimé par les exigences de l’autre ? Toutes ces contradictions empêchent M. Banny d’amorcer une vraie réconciliation. On peut dire que depuis des années, les crises en Côte d’Ivoire, mettent en évidence les distorsions, et les dysfonctionnements d’un système qui néglige le long terme pour privilégier l’immédiat. La justice ivoirienne est ce qu’elle est : une justice aux ordres. La Cdvr doit à tout prix éviter au peuple ivoirien, un possible échec du processus de réconciliation dont le spectre pointe dangereusement à l’horizon. Allons, M. Banny, évitons les discours creux, passons à présent aux choses sérieuses. Mettez-vous à genoux pour implorer une justice impartiale dans le but de tracer les sillons d’une paix durable en Côte d’Ivoire, où alors, rendez le tablier. Si les tenants du pouvoir se moquent de vous. On en a bien l’impression.

Christiane Djahuié

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