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Les juges d’instruction français chargés de l’enquête sur les « bien mal acquis » des chefs d’Etat africains ont demandé au début de mars un mandat d’arrêt international pour « blanchiment » contre le fils du président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang Nguema, a-t-on appris de source proche de l’enquête. Le mandat d’arrêt est émis dans le cadre de l’enquête sur le patrimoine français de M. Obiang Nguema, a précisé une source judiciaire.
Les juges d’instruction Roger Le Loire et René Grouman ont, comme le veut la procédure, demandé au préalable l’avis du procureur dans une ordonnance transmise début mars. Le procureur n’a pas répondu à ce jour, a-t-on précisé de même source. Les magistrats, qui seront libres de décider en dernier ressort, estiment qu’il existe des soupçons de fraude dans l’acquisition d’un très important patrimoine, notamment immobilier, en France par Teodorin Obiang, fils de Teodoro Obiang et ministre de l’agriculture dans son pays.
Le gouvernement de Malabo a récemment refusé que le fils du président Teodoro Nguema Obiang Mangue réponde à la convocation des juges d’instruction dans cette enquête. Ils ont par conséquent lancé la procédure pour qu’un mandat d’arrêt international soit émis, selon la source.
SOUPÇONS CONFORTÉS
Les magistrats, saisis depuis 2010 malgré l’opposition du parquet d’une information judiciaire sans précédent pour « recel de détournement de fonds publics », validée par la Cour de cassation en 2010, soupçonnent que les biens ont été achetés avec des fonds publics équato-guinéens pour un profit privé.
Ils avaient relancé l’enquête pénale sur ce dossier en diligentant le 14 février dernier une perquisition dans l’appartement de Teodoro Obiang Nguema, situé sur la très chic avenue Foch, dans le 16e arrondissement de Paris. Le faste des lieux avait médusé les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Au terme de cette perquisition longue de dix jours, des oeuvres d’art et des vins fins ont été extraits pour plusieurs millions d’euros. L’immeuble est évalué à 150 millions d’euros.
Dans une lettre transmise le 12 mars à la chancellerie française, le ministre de la justice équato-guinéen, Francisco Javier Ngomo Mbengono, décrit cette opération comme une intrusion illégale dans des locaux diplomatiques. En février, le Quai d’Orsay avait assuré que l’immeuble ciblé par les juges « relevait du droit commun ». Mais dans son courrier, M. Ngomo Mbengono affirme que son pays a déclaré l’immeuble comme étant affecté à sa mission diplomatique en octobre 2011. Le président Obiang a par ailleurs annoncé en septembre 2011 la nomination de son fils comme délégué permanent adjoint de Guinée équatoriale auprès de l’Unesco. Selon ses conseils, ce titre lui permet de bénéficier de l’immunité diplomatique.
Pour l’organisation anticorruption Transparency, à l’origine de l’affaire, l’opération a conforté le soupçon selon lequel les dirigeants équato-guinéens, dont Teodorin Obiang, le fils du président, pillent les caisses de l’Etat.
L’enquête sur le patrimoine français de Teodorin Obiang a été l’ultime rebondissement de l’affaire dite des « biens mal acquis » par des chefs d’Etat africains, initiée en décembre 2010. Sans précédent en Europe, la procédure vise aussi les biens détenus en France par les familles d’Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou N’Guesso (Congo-Brazzaville), qui possèdent respectivement à Paris 39 et 24 propriétés immobilières de luxe et environ 200 comptes bancaires au total.
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