Nord-Sud
Le ministre-délégué à la Défense est décidé à prendre à bras le corps, la traque contre les mercenaires qui sèment la mort et la désolation à l’Ouest.
Penkanhouébly, un village ivoirien à l’ouest, côté Toulepleu, situé à la frontière avec le Libéria. Il est un peu plus de 15h, samedi. Paul Koffi Koffi, ministre-délégué à la Défense, passe en revue une troupe composée de gendarmes, de policiers et de militaires. Ils ne sont pas plus de 30 éléments que dirige le mdl-chef Jan Claude Gotta. Le commandant des troupes, un gendarme, confie sa sérénité à la hiérarchie : « nous vivons en toute tranquillité ici. Il n’y a aucun problème. Seulement, nos conditions de travail ne sont pas améliorées ». Le mdl-chef vient de parler au micro de la caméra de l’armée que tient le caporal-chef Zéadé, du bureau information et presse de la grande muette. L’enregistrement passera sûrement sur le petit écran de la télévision nationale. C’est du moins l’attente du ministre. Lui, dit être venu prendre personnellement à témoins les acteurs de la sécurisation du pays sur les « rumeurs d’infiltration» de la Côte d’Ivoire du côté du Libéria par des ex-miliciens et autres mercenaires. «Nous allons passer de l’autre côté… », propose-t-il, parlant du Libéria pour le même besoin. Paul Koffi Koffi prend les devants, la troupe le suit. Ces accompagnateurs ne sont autres que l’ensemble du corps préfectoral du département de Toulepleu et celui de Man. Et bien entendu, une forte garde armée jusqu’aux dents. Attention, on n’entre pas sur un territoire étranger avec ces armes. Du coup, l’escouade se débarrasse de ses outils de combat. Un militaire portant en bandoulière une kalachnikov est d’ailleurs refoulé. Quand d’autres remettent au poste de contrôle quelques révolvers, pistolets, on peut passer maintenant la frontière ivoirienne pour gagner le pont métallique qui relie la Côte d’Ivoire au Libéria. Tout le monde se rue par un passage entre deux barriques débout et rouillées. Quand certains passent par un petit portail fait d’un battant de fortune sur lequel on peut lire en français ‘’fermez’’ et en anglais ‘’close’’. Nos soldats devraient plutôt écrire ‘’closed’’. Mais la langue de Shakespeare n’étant pas l’apanage de tous, il faut le leur concéder. Sur le cordon métallique, les Ivoiriens trouveront des militaires libériens. Le regard barré de lunettes noires, la tête sous des casques, ces hommes en uniforme bleue et armes au poing semblaient attendre les intrus, de pied ferme. Mais très tôt, ils comprennent que c’est une délégation officielle. Car le ministre s’exprimant dans un anglais approximatif, réussit à les repousser jusqu’à leur base. Là, à la descente du pont, une cordelette, couleur jaune, indique une zone à ne pas franchir. Jusqu’au-delà, un ravin traversé par une rivière. Des cris de joie fusent de toutes parts. Des civils libériens courent ici et là. Qui pour trouver à asseoir aux militaires, qui pour clamer la fraternité ivoiro-libérienne. « Welcome ! ».
«Ils peuvent revenir,
à condition qu’ils disent
où ils ont caché leurs armes»
Entend-on un civil dire. « I am the chairman », poursuit-il. Lui, c’est le major James Young. Côté ivoirien, le colonel Koné pursuit le dialogue: « the minister comes here to great you and to say hello”. Paul Koffi est là pour saluer. Mais, lui ne veut se laisser faire. Il se lève et parle aux hôtes. « I am here to renforce relationship between Côte d’Ivoire and Liberia… » Son anglais acceptable lui vaut des acclamations. Des “thank you” ou merci en français fusent du petit public attroupé dans le hall d’accueil où se déroulent les échanges. James Young rassure, pour sa part, que la sécurité est au beau fixe à la frontière. Il n’y a pas d’infiltration à signaler ou à déplorer. Le contraire, convainc-t-il, irait contre l’amitié ivoiro-libérienne, vieille de 1960. L’officier se souvient qu’à cette date-là, les présidents Félix Houphouet-Boigny et William Tubman avaient scellé cette amitié sur ledit pont. Après les civilités et autres rappels historiques, les deux délégations posent pour la photo de famille. « Les journalistes, profitez-en », suggère Paul Koffi Koffi. Il est raccompagné par le commandant James Young et sa garde. Cap sur Toulepleu, à 19 km, puis sur Man où le ministre a pris ses quartiers. Ce n’est pas toujours conseillé de circuler entre Toulepleu et Bloléquin, 60 km de piste. Et entre Duékoué et Bangolo, une trentaine de kilomètres bitumés, à cause des coupeurs de route. Là, c’est une grande crainte. La longue queue de 4×4 brave l’obscurité et le risque de se faire tirer dessus.
Toutefois, à l’étape de Toulepleu, le ministre a eu des échanges de vérité avec la chefferie traditionnelle et les leaders d’opinion. A la préfecture où ils se sont retrouvés, il les a instruits de sensibiliser les ex-combattants exilés ou refugiés au Libéria. « Ils peuvent revenir, à condition qu’ils disent où ils ont caché leurs armes », a-t-il prévenu. « Soit ils viennent et après ils indiquent à l’autorité les caches d’armes. Soit, ils rentrent avec ». Paul Koffi Koffi n’a pas lésiné sur les mots. Quitte aux parents d’aller porter ce message à leurs progénitures. Nidam Isidor, instituteur à la retraite et Doh Jacques, conseiller pédagogique à la retraite, Gnioli Jean, président de la jeunesse communale, ont la même doléance. Ils demandent la clémence des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Elles ne devraient plus inquiéter les ex-miliciens, dont certains sont prêts à rentrer. Les premiers qui ont rebroussé chemin à Toulepleu, ont été bahutés, disent-ils. Conséquences, l’élan du retour s’est estompé. Yvonne Taï fait le même plaidoyer au nom des femmes. Pareil pour le père Roger de l’église catholique St Quizitto qui dit vivre paisiblement grâce aux efforts du corps préfectoral.
Bidi Ignace, envoyé spécial
Nord-Sud
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