France – Les trois militaires exécutés d’une même arme par le tueur en scooter

Gerard Longuet / Défense UMP

Par Frédéric Abéla, Jean-Pierre François, D.D

Montauban-Toulouse. Trois exécutions, une même arme

Un homme a exécuté un militaire dimanche, à Toulouse. Jeudi après-midi, à Montauban, trois soldats étaient abattus, deux sont morts et le troisième est toujours dans un état très grave. Quatre exécutions commises avec la même arme par vraisemblablement, un même auteur se déplaçant en scooter… Mais on ignore encore tout des motivations de ce tueur méthodique…

C’est une affaire hors du commun. Pour l’instant incompréhensible. Voilà sans doute pourquoi une mobilisation judiciaire et policière hors normes a été déclenchée. Pas moins de cinquante enquêteurs, selon le procureur de la République de Toulouse Michel Valet. Depuis les experts en terrorisme jusqu’aux spécialistes en renseignements, des limiers venus de Paris et Bordeaux ont renforcé les équipes locales pour mener l’enquête sur un triple meurtre totalement incompréhensible.

Quelles sont les certitudes ?

Premier acte, dimanche à Toulouse. Imad Ibn Ziaten, 30 ans, chef d’équipage au 1er Régiment du train parachutiste a semble-t-il rendez-vous pour vendre sa moto. Des témoins entendent deux coups de feu puis aperçoivent un scooter qui s’enfuit : Iman a été exécuté d’une balle dans la tête.

Deuxième acte, jeudi à 14 h 10 à Montauban. Abel Chennouf, 24 ans, Mohamed Legouad, 26 ans et Loïc Liber, 28 ans, militaires au 17e Régiment du génie parachutiste sont à proximité de leur caserne. L’un des trois s’apprête à effectuer un retrait sur un distribanque. Un scooter surgit. L’homme qui le conduit écarte une personne âgée d’un ton ferme. Sort une arme, de calibre 11.43, une des armes préférées du Milieu. Et il tire. Dans la tête, dans le dos. Le tueur prend même le temps d’achever une des victimes à terre. « On a retrouvé 13 douilles sur place » affirme le procureur. Abel et Mohamed sont tués. Loïc est toujours entre la vie et la mort à l’hôpital Rangueil de Toulouse.

En quelques secondes, le second acte est terminé. Le tueur s’enfuit vers le sud, vers Toulouse, sur son scooter. Un énorme modèle de 2012, vraisemblablement un T530 Yamaha de couleur sombre, dont un témoin dira qu’il ne portait pas de plaque d’immatriculation.

Cette exécution impressionne par son sang-froid. Mais l’assassin a commis une erreur. Il a laissé échapper un chargeur, qui a roulé sous une camionnette garée à proximité. Un précieux indice pour les enquêteurs.

En quelques heures, l’enquête a fait des pas de géants. « Le lien a été établi de façon certaine entre les faits de Toulouse et ceux de Montauban », assure Michel Valet. Le dossier est désormais géré par le parquet de Toulouse après un travail de collaboration efficace avec le parquet de Montauban. Les projectiles ont parlé. Les enquêteurs vont pouvoir mettre bout à bout témoignages et indices : les signalements de Toulouse, les éventuels échanges téléphoniques avec Imad ; et, à Montauban, la bande-vidéo du distribanque qui a tout enregistré, les traces éventuelles sur le chargeur, les nombreux témoins du drame… Les experts ont ratissé les lieux, les légistes ont déjà débuté les autopsies. Et puis, bien sûr, on va « explorer des pistes en parallèle » signale le procureur. Analyser le passé des victimes « qui n’ont jamais eu affaire à la justice, hormis un excès de vitesse, qui sont des bons citoyens et qui ont servi sous les couleurs de la France ». Ces exécutions ont traumatisé la communauté des militaires, très importante dans le Grand Sud. Tant par leur brutalité que par leur caractère incompréhensible, du moins pour l’instant. Un choc et des questions.
Enquête sur la traque d’un tueur de paras

Vengeance contre l’armée ?

Trois militaires tués à cinq jours d’intervalle, à Toulouse et Montauban avec la même arme, un pistolet automatique 11,43, calibre.45 ACP. Un quatrième toujours dans un état grave à l’hôpital Rangueil de Toulouse. Le calibre.45 ACP, c’est l’arme du grand banditisme et des règlements de comptes entre mafieux. Le même calibre qui a été utilisé dans l’assassinat de Francis le Belge, l’ex-parrain du Milieu marseillais. La piste de la vengeance contre l’armée, contre les parachutistes pour un motif encore inconnu est une hypothèse sérieuse. La rancœur exacerbée d’un homme écarté du milieu militaire ou frustré de ne pas pourvoir intégrer les paras s’est peut-être exprimée de la manière la plus radicale. Dans ce même registre, l’ acte peut aussi porter la signature d’un ancien militaire. Toutes les victimes ont été exécutées d’au moins une balle de gros calibre dans la tête. Pour l’un de ces militaires, à Montauban, le tueur s’est acharné en l’achevant au sol alors qu’il rampait.

La crise afghane

L’armée française est engagée en Afghanistan, dans la région de la Kapissa, au nord-est de Kaboul, pour combattre les talibans. Un engagement estimé autour de 3 500 hommes répartis au sein de la force internationale d’assistance à la sécurité de l’Otan. Les militaires visés à Toulouse et Montauban, tous parachutistes mais n’ayant pas tous servis en Afghanistan ont-ils été la cible d’un solitaire opposé à la présence française dans ce pays ? Imad Ibn-Ziaten, exécuté d’une balle en pleine tête à Toulouse, a servi l’armée française au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Seul Abel Chenouf, 24 ans, dont la compagne était enceinte de 7 mois, est parti en mission en Afghanistan, en 2008. Toutes ces victimes ne se connaissaient pas. Hier, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères a déclaré que la tuerie de Montauban et l’affaire de Toulouse « n’ont aucun lien avec la présence de l’armée française en Afghanistan. » Récemment, un soldat américain a ouvert le feu sur des civils afghans tuant 16 villageois dont des enfants.

L’anniversaire des Accords d’Evian

Difficile de ne pas évoquer le contexte socio-historique des accords d’Evian du 19 mars 1962. Le cessez-le-feu en Algérie a été suivi quelques semaines plus tard du massacre de plusieurs centaines de Harkis et de Pieds-Noirs par le FLN, à Oran, sous les yeux de l’armée française qui n’intervient pas pour stopper les exactions. Cinquante ans après ce traumatisme, l’armée française fait-elle les frais de ces événements tragiques ? Une piste elle aussi évoquée mais avec beaucoup plus de réserves.

Quel lien avec le terrorisme ?

Les hommes de la sous-direction de l’antiterrorisme, un service de police judiciaire français, dépendant de la direction centrale de la police judiciaire, spécialisée dans la lutte contre le terrorisme, se sont rendus à Montauban jeudi soir. La piste terroriste n’est pas privilégiée dans cette affaire. « À ce stade de l’enquête, cette piste n’apparaît pas », précise le procureur de la République, Michel Valet. Le pistolet automatique utilisé par le tueur ne colle pas avec les calibres et armes qui ont cours en matière de terrorisme basque ou islamiste. Toute l’enquête est concentrée entre les mains de l’ensemble des services de la police judiciaire. Le SRPJ de Toulouse travaille dans le cadre de la flagrance, soit une cinquantaine d’enquêteurs mobilisés.

Des méthodes de pro ?

Le gros calibre utilisé renvoie aux méthodes du grand banditisme. Un individu vêtu de sombre tue de sang-froid ses cibles sans établir le moindre contact, semble-t-il. À Toulouse, la thèse selon laquelle le militaire de Francazal, Imad Ibn-Ziaten, avait donné rendez-vous à un homme pour la vente de sa moto, n’est pas certaine.

En revanche, sur la petite annonce parue sur site internet, il est précisé que le propriétaire de la moto, une Suzuki 650 cm3, est militaire. Cette précision a peut-être guidé le tueur…

Par ailleurs, le mode opératoire utilisé à Toulouse, comme à Montauban, laisse songeur. Dans la Ville rose, le 11 mars, Imad Ibn-Ziaten est abattu en pleine après-midi, devant le gymnase d’un quartier très fréquenté, en bordure du périphérique. Jeudi, à Montauban, c’est toujours en plein jour et à la vue des passants que le tueur ouvre le feu à bout portant. Sur la scène de crime, il laisse tomber l’un de ses trois chargeurs avec 8 cartouches à l’intérieur.

Après le massacre, il revient sur ses pas pour le récupérer mais ne le trouve pas. Les « éléments » de l’arme, « en particulier le chargeur », retrouvés par les enquêteurs sur les lieux du meurtre de deux parachutistes de Montauban, « avaient été nettoyés », a indiqué, hier, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant. Au total, les enquêteurs retrouvent sur place 13 douilles. La majeure partie des projectiles a atteint les trois cibles.

La police lance un appel à témoins

Les enquêteurs du SRPJ de Toulouse sont à la recherche de témoignages de personnes ayant vu ou entendu quelque chose susceptible de contribuer à la recherche de la vérité. Un numéro de téléphone est mis à disposition : 05 61 12 78 45.

Par ailleurs, les syndicats de police ont vivement réagi après ces événements. «Une violence aveugle et inacceptable», dénonce le syndcat majoritaire, Unité Police SGP-FO . Alliance police nationale déplore ,«cette situation inquiétante et la commission de ces actes qui s’apparentent à des règlements de comptes intolérables dans un état de droit.»

Source: ladepeche.fr

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