Côte d’Ivoire – Venance Konan explique l’équilibre des pouvoirs

De l’équilibre des pouvoirs

Par VENANCE KONAN – Libre Opinion

Nos députés fraîchement élus par les Ivoiriens se réunissent ce matin à Yamoussoukro pour élire, à leur tour, le président et le premier vice-président de notre Parlement. Ce sera aussi l’occasion pour eux d’aller reposer leurs augustes corps dans l’hôtel qui a été construit spécialement pour eux par l’ancien pouvoir. L’article 58 de notre Constitution dit que notre Parlement «est constitué par une chambre unique dite Assemblée nationale dont les membres portent le titre de député». Qui seront ces élus ?

N’allons pas vite en besogne. Patientons et, en principe, nous le saurons ce jour. Tout le monde entend circuler un nom, mais nous nous garderons de le prononcer, puisque les honorables (titre que se sont donné nos députés en suivant le modèle anglo-saxon) n’ont pas encore voté. Ils sont, bien entendu, souverains dans leur choix et, compte tenu de la séparation des pouvoirs, ils n’auront pas à obéir à un diktat de l’exécutif ou d’un quelconque autre pouvoir. Ça, c’est pour le principe, mais bien souvent, ici ou ailleurs, la réalité est bien différente. Le choix du président de notre Assemblée nationale et de son premier vice-président est important, parce que le Parlement représente le deuxième pouvoir, celui qui légifère, c’est-à-dire qui vote les lois. Mais au-delà de ce rôle, le président de l’Assemblée nationale est celui qui remplace le Président de la République en cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu de celui-ci. Au cas où le président de l’Assemblée décèderait lui aussi ou serait absolument empêché durant l’intérim, il serait remplacé par son premier vice-président. L’article 40 de la Constitution dit exactement ceci: «En cas de vacance de la Présidence de la République par décès, démission, empêchement absolu, l’intérim du Président de la République est assuré par le président de l’Assemblée nationale, pour une période de quarante-cinq jours à quatre- vingt-dix-jours au cours de laquelle il fait procéder à l’élection du nouveau Président de la République. L’empêchement absolu est constaté sans délai par le Conseil constitutionnel saisi à cette fin par une requête du gouvernement, approuvée à la majorité de ses membres. Les dispositions des alinéas 1 et 5 de l’article 38 s’appliquent en cas d’intérim. Le président de l’Assemblée nationale assurant l’intérim du Président de la République ne peut faire usage des articles 41 alinéas 2 et 4; 43, et 124 de la Constitution. En cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu du président de l’Assemblée nationale, alors que survient la vacance de la Présidence de la République, l’intérim du Président de la République est assuré, dans les mêmes conditions, par le premier vice-président de l’Assemblée nationale».

Mais lorsque notre nouvelle Assemblée nationale sera installée, il restera la question de l’équilibre des pouvoirs. Tout le monde est d’accord sur le fait que notre régime est présidentialiste, c’est-à-dire qu’il accorde un pouvoir plus important à l’exécutif qu’au législatif, alors que le principe de la séparation veut que, comme le disait montesquieu, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Ou, pour dire autrement les choses, il faudrait que chacun des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, empêche les autres d’avoir trop de pouvoir et d’en faire n’importe quoi. Dans la réalité, le président de la République peut très bien gouverner en se passant de l’Assemblée nationale. C’est ce que Laurent Gbagbo avait fait vers la fin de son règne. Mamadou Koulibaly, président de la dernière Assemblée nationale, avait proposé que nous allions vers un régime parlementaire, c’est-à-dire qui donnerait beaucoup plus de pouvoir au Parlement. Le Niger avait expérimenté un système de ce genre, et cela avait conduit à un blocage qui a débouché sur le coup d’Etat de Baré maïnassara. Si intellectuellement, nous sommes pour un rééquilibrage des pouvoirs, on peut se demander si, en cette période de sortie de crise, il ne vaudrait pas mieux un pouvoir exécutif fort. C’est l’argument qui avait été avancé lors de la rédaction de notre première Constitution.

Il fallait parvenir à l’unité nationale et réaliser le développement économique de notre pays. Ne sommes-nous pas, à nouveau, dans une telle nécessité aujourd’hui, celle de réaliser l’unité nationale et développer notre économie; ce qui justifierait un exécutif fort dans les limites de l’Etat de droit? Il y a quelques mois, nous avions lancé ce débat dans nos colonnes. Il n’est pas inopportun d’y revenir.

Par VENANCE KONAN

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.