Relèvement de l’âge de la retraite de 55 à 60 ans
Avec le relèvement de l’âge de la retraite de 55 à 60 ans, les jeunes diplômés sont inquiets. Cette crainte, selon les spécialistes de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), n’a pas sa raison d’être.
Les jeunes diplômés inquiets
Siriki Y, 35 ans, a un diplôme d’ingénieur-informaticien depuis 2005. Mais il n’a pas encore réussi à obtenir son premier emploi. Déprimé par sa condition professionnelle, Siriki ‘’ se débrouille’’ dans un cybercafé en qualité de gérant. Pour arrondir ses fins de mois, il monnaye son savoir en informatique dans une grande école. Pour cet homme, la nouvelle ordonnance adoptée le 11 janvier 2012 en Conseil des ministres et portant sur la réforme du régime de retraite de la Cnps n’est pas opportune. « Je crois que l’augmentation de l’âge de la retraite est dommageable pour nous les jeunes sans emplois. Le gouvernement vient de prendre une mesure impopulaire qui nous maintient dans la précarité professionnelle. Comment aurons-nous du travail si les vieillards doivent demeurer encore à leurs postes pour un quinquennat. Nous ne sommes pas d’accord avec cette loi qui nous ôte toute chance de rentrer dans la vie active », proteste-t-il. Et un autre d’ajouter : «A cet âge, les vieux ne sont plus performants. Atteints de sénilité, ils sont soucieux de leur état de santé déclinant. La mesure vient comme pour boucher toute perspective de trouver un premier emploi pour la jeunesse dans un contexte de chômage endémique », soutient Jean François. Les angoisses de Siriki et Jean François ne sont pas des cas isolés. En effet, le sentiment anti-vieillards se développe de plus en plus dans le monde du travail depuis l’entrée en vigueur de la réforme le 1er février 2012. Selon les témoignages recueillis auprès de nombreux jeunes sans emploi de San Pedro, les seniors, à 55 ans, doivent céder la place aux jeunes.
La Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), de son côté, précise que les jeunes sans emploi ont une conception erronée de la réforme de retraite. Il ne s’agit pas, se défendent les responsables de cette structure, d’instaurer un système gérontocratique dans le monde du travail. Selon Koffi Bouadou, directrice de l’agence principale d’Adjamé-Abidjan, même si la loi devrait rester en l’état, cela n’aurait aucun impact substantiel sur la résorption du chômage. A l’en croire, nul ne peut lui apporter la preuve que les employeurs recrutent systématiquement des jeunes diplômés pour combler les postes laissés vacants par des travailleurs qui font valoir leurs droits à la retraite. «Toutes les offres d’emplois qui passent dans les communiqués font une mention spéciale à « l’expérience » que doit avoir le postulant. Puisque dans notre système éducatif, les étudiants ne font pas de l’étude/emploi comme c’est le cas en Europe, ils sont toujours lésés lors des recrutements », explique-t-elle. Puis la présidente du comité de travail de la réforme du régime de retraite de poursuivre : « Les entreprises ont trouvé des astuces pour ne pas laisser partir leurs meilleurs éléments atteints par la limite d’âge (55 ans). Elles leur font signer des contrats à durée déterminée (CDD) pour profiter encore de leur expérience et leur maturité. Les patrons de société estiment que les jeunes diplômés leur reviennent cher en terme de formation et une fois formés ils cherchent à se faire débaucher par d’autres entreprises concurrentes », dit-elle.
L’argument massue brandi par les partisans de la réforme de « l’assurance vieillesse » est que de nos jours un grand nombre de jeunes, à la recherche de leur premier emploi, ne l’obtiennent qu’à partir de 35 à 40 ans. Pour l’experte en sécurité sociale, ce type de travailleurs n’aurait jamais de pension de retraite si l’ancienne loi n’avait pas été abrogée. «Puisqu’ils ne peuvent pas atteindre le nombre d’années requises à 55 ans pour être éligibles à la pension de retraite, la Cnps ne leur reversera donc que des pensions d’allocations uniques. Toute chose qui n’est pas conforme à la mission de la Cnps. Cette caisse est faite pour ne payer que des pensions viagères », confond-elle les détracteurs de la réforme en marge d’une tournée d’explications et d’échanges avec les employeurs et les salariés du privé sur la réforme le week-end dernier à San Pedro.
Contexte de la réforme de l’assurance vieillesse.
La révision de la loi relative à l’assurance retraite en Côte d’Ivoire résulte du constat fait par les dirigeants de la Cnps. Il ressort de cette remarque que cette branche retraite était devenue déficitaire depuis de nombreuses années. Selon Koffi Bouadou, cela n’est aucunement dû à une mauvaise gestion, mais à un déséquilibre dans le système de fonctionnement de la Cnps. Si cette structure voulait continuer à payer les pensions aux assurés qui sont partis à la retraite, elle se devait de revoir le système en faisant une réforme ardue pour améliorer l’application financière de la retraite. Ainsi ! En plus de faire relever l’âge de la retraite de 55 à 60 ans, l’ancien taux de cotisation de 8% est passé à 12% depuis le 1er février 2012, et il sera à 14% en 2014. Aux yeux de l’experte en sécurité sociale, cette nouvelle réforme est le prix à payer par les salariés pour avoir un système de sécurité sociale viable. «Figurez-vous que la Cnps paye des pensions de 1 million, de 800 milles Fcfa chaque mois. Ces gros montants contribuent à affaiblir le système surtout que nous étions arrivés à un niveau où le nombre de cotisants s’est amenuisé à cause des crises militaro-politiques de 99, 2002, 2004, 2011. Durant ces périodes, des entreprises fermées nous ont laissé un flot de travailleurs qui ne payaient plus leurs cotisations du fait de leur état de chômeurs. Ainsi, les sorties de fonds se sont accrues au moment où les ressources diminuaient. Aussi la Cnps a-t-elle pu honorer ses engagements envers les retraités ses dernières années grâce à ses réserves », soutient Mme Koffi.
Dosso Mourlaye Abdoulaye.
Correspondant à San-Pedro
L’expression
Commentaires Facebook