Par Géraldine Diomandé Source: Aujourd’hui
Le mouvement de chaises observé depuis hier à la primature ivoirienne occasionne les rumeurs les plus folles dans la cité. Et pour ne pas se laisser surprendre par de petits malins, la République bande les muscles et veille au grain.
Agent en poste dans une entreprise d’import-export qui a ses bureaux aux alentours du palais présidentiel d’Abidjan, Marc-Aurélien a précipitamment quitté le bureau, hier en début d’après-midi. Pas que ce jeune cadre avait eu une urgence à traiter mais parce qu’effrayé par les rumeurs qui ont couru hier en fin de matinée dans la cité du Plateau et par le ballet incessant des hommes en armes, visiblement sur les dents qui allaient et venaient dans tous les sens, dans le périmètre du palais présidentiel où est également logé la primature. Ayant été traumatisé, en pleine crise postélectorale, par les combats à Yopougon, son ancien lieu d’habitation, Marc-Aurelien ne supporte plus de voir des gens lourdement armés autour de lui car cela lui rappelle les heures chaudes de la guerre d’Abidjan et la galère qu’il a vécue avec sa petite famille mais surtout la chance inouïe qu’il avait eu d’échapper à des tueurs lancés à ses trousses un jour d’avril 2011. Bref, de bien mauvais souvenirs qui sont remontés hier à l’esprit du jeune homme qui s’empressa de demander au vigile de service ce qui se passait dans la ville pour que les soldats soient aussi visibles, armes au poing. Très branché sur l’actualité politique du pays, Amara répondit au patron que toute cette agitation militaire était due à la nouvelle du départ, ce jour (hier), du premier ministre Guillaume Soro, de la primature. Et donc pour parer à toute éventualité, les autorités ont pris toutes les dispositions utiles. Surtout que dans l’affaire, ajoutera Amara, des bruits courent que les hommes du premier ministre sortant au sein des forces républicaines de Côte d’ivoire (FRCI) ne sont pas contents du débarquement de leur mentor et entendent le faire savoir. Il n’en fallut pas davantage pour que Marc-Aurelien presse le pas pour monter à bord de son véhicule et quitter aussitôt les lieux. Ce sentiment de peur a traversé hier nombre d’Abidjanais à la vue du dispositif militaire mis en place dans la capitale économique par les securocrates du régime pour encadrer la démission de Guillaume Soro. Celle-ci, comme annoncée a eu lieu peu après 16 heures au palais présidentiel où le patron des ex rebelles est allé remercier Alassane Ouattara pour la confiance placée en lui quinze mois durant, en le maintenant à la primature où il avait été nommé en 2007 par le président Laurent Gbagbo. En retour, le chef de l’Etat a exprimé sa gratitude au désormais ex chef du gouvernement pour, dit-il, « avoir sauvé la démocratie en Côte d’Ivoire », avant de lui souhaiter bon vent pour l’avenir. De belles amabilités qui cachent difficilement le spleen du ‘’primus’’ sorti, qui de bonnes sources n’a pas lâché le poste de gaieté de cœur. On indique que l’ancien leader étudiant avait négocié une rallonge d’un an à la maison blanche du Plateau. Et cela en pure perte puisque Ouattara, pressé de toutes parts et par le Pdci auquel il a promis le poste depuis belle lurette et par ses soutiens occidentaux qui trouvent désormais Soro, de plus en plus infréquentable, lui a opposé une fin de non recevoir. Et la mine fermée de Bogota, à sa sortie d’audience, mercredi dernier, au domicile du président Aimé Henri Konan Bédié, en dit long sur le sentiment qu’il nourrit depuis quelques semaines à l’endroit du chef de l’Etat. Craignant un coup tordu de la part des principaux chefs de guerre qui obéissent au doigt et à l’œil à Guillaume Soro, Ouattara, confient des sources, en dehors des troupes régulières et des forces franco-onusiennes, a pris le soin, via Koné Zakaria, patron de la police militaire, de mobiliser la grande famille des dozos du pays. Ces chasseurs traditionnels auxquels l’on prête des pouvoirs mystiques et qui paradent désormais avec des kalachnikov neuves, ont été priés de descendre sur Abidjan. Depuis deux jours, on peut observer leur déplacement en direction de la capitale économique ivoirienne. La thèse officielle c’est que tous ces dozos viennent participer samedi prochain à un concert dit de réconciliation, au palais de la culture de Treichville. Un spectacle initié par la confrérie de ces chasseurs traditionnels. Ces derniers resteront encore quelques jours à Abidjan, le temps d’observer que le ‘’brave tchè’’ ne court aucun risque avant de regagner leurs bases respectives, à l’intérieur du pays. De plus, certains observateurs voient dans le positionnement de Chérif Ousmane et ses hommes, dans la région de Bouaké, une stratégie pour contrer les pro Soro qui seraient traversés par un coup de sang après le limogeage en douceur de leur mentor. Ce sont autant d’ingrédients constitutifs d’un cocktail explosif qui n’attend plus que l’allumage de la mèche. Et la probabilité que cela se fasse n’a jamais été aussi forte. Malheureusement.
Les commentaires sont fermés.