A Adama Bictogo: « Respectez la charte d’éthique ou vous vous rendrez coupable de parjure »



Au ministre « affairiste » Adama Bictogo: « Respectez la charte d’éthique ou vous vous rendrez coupable de parjure »

Par René Tiecoura (Source Lebanco.net)

Adama Bictogo, notre cher Ministre de l’Intégration Africaine, a accordé le lundi 27 février 2012, une grande interview au confrère « Fraternité Matin ». Au confrère qui lui posait une question sur sa qualité de Ministre-Affairiste, il a apporté la « lumineuse » réponse suivante: « Tous ceux qui ont été Avocats, quand ils deviennent Ministres, doivent-ils fermer leurs Cabinets? Tous les experts consultants financiers connus, quand ils sont nommés au Gouvernement, doivent-ils abandonner leur cabinet? Si demain, M. Jean Louis Billon était Ministre, devrait-il fermer la Sifca? Si M. Jean Kacou Diagou devenait Ministre, devrait-il fermer le groupe Nsia-Biao…… »? De deux choses l’une: ou bien M. le Ministre n’a pas compris la question du confrère, ou bien il a fait semblant de ne pas la comprendre, ce qui veut dire qu’il était de mauvaise foi.

En effet, personne ne demande au Ministre Bictogo de fermer ses Sociétés. Tous les hommes politiques qui en ont les moyens, la capacité pour faire des Affaires en font. Même le grand Houphouët-Boigny faisait des Affaires. C’est d’ailleurs pour en parler qu’un jour, au cours d’un Conseil National du PDCI-RDA, parti unique d’alors, il avait prononcé cette redondance devenue célèbre pour dire « intérêts intéressants ». De la part d’un homme politique, c’est même faire preuve de prudence et de prévoyance que de mener des Affaires, car il n’y a rien de plus aléatoire qu’une carrière politique. Ce qu’on demande à un opérateur économique qui entre au Gouvernement, ce n’est pas de fermer sa société, c’est d’éviter d’utiliser ses fonctions gouvernementales pour booster son business. C’est la confusion des genres pouvant conduire à un délit d’initié, à un délit d’ingérence ou à toute autre forme de rupture de l’égalité des citoyens devant la puissance publique.
C’est pourquoi, pour répondre à M. Bictogo, lorsqu’un Avocat entre au Gouvernement, il ne ferme pas son Cabinet, mais il se fait omettre du Tableau de l’Ordre des Avocats, comme ils disent dans leur jargon. Cela signifie que personnellement, le nouveau Ministre ne peut plus faire le travail d’Avocat, mais son Cabinet peut continuer à fonctionner avec ses associés et collaborateurs auxquels il est simplement interdit de plaider contre l’État. De la même manière, lorsqu’un directeur de société entre au Gouvernement, on ne lui demande pas de saborder son entreprise, mais simplement de prendre du recul avec la gestion quotidienne de celle-ci. Fondamentalement, c’est à la fois un problème de droit et d’éthique. La Première Dame, Mme Ouattara, l’a si bien compris que, dés que son illustre époux a pu prendre place dans le fauteuil présidentiel, elle a décidé de se retirer de la gestion de ses sociétés, et l’a fait savoir à la ville et au monde, alors qu’aucun texte de loi ne le lui imposait. Il suffira à Messieurs Jean Louis Billon et Jean Kacou Diagou d’en faire autant le jour où ils entreront au Gouvernement, ce qu’il faut leur souhaiter ardemment, dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Ils le méritent beaucoup plus que certains qui y figurent aujourd’hui.

Ce que le confrère demandait à M. Bictogo, et qu’il a exprimé en procédant par euphémisme par respect pour un Ministre de la République était claire et simple, et en rapport avec l’actualité du moment, à savoir que: À la suite d’un lobbying efficace auprès de sa collègue Anne Ouloto, Ministre de la Salubrité Urbaine, M. Bictogo aurait obtenu de sa collègue Anne Ouloto, Ministre de la Salubrité Urbaine, qu’un contrat de ramassage d’ordures ménagères portant sur plusieurs dizaines de milliards de nos francs soit attribué à une société dénommée Greensol dans laquelle il serait actionnaire, ou qui appartiendrait à l’un de ses frères. Cette attribution avait fait scandale, tant et si bien que l’Autorité de Régulation des Marchés Publics a dû intervenir pour annuler le contrat. C’est ce qui se dit dans l’opinion publique. Que répond M. Bictogo à cette accusation? C’est tout ce que les ivoiriens veulent savoir. Qu’il soit propriétaire d’une ou de plusieurs sociétés n’est pas leur problème. Ils en ont vu d’autres, comme M. Lambert Kouassi Konan, pour ne citer que lui, qui avait fait fortune dans le privé avant d’entrer comme Ministre de l’Agriculture dans le Gouvernement d’Alassane Ouattara, à l’époque où il était Premier Ministre. Ses sociétés et sa fortune n’avaient dérangé personne parce qu’il avait su faire la part des choses, et aucun confrère ne lui a jamais posé de question sur ce sujet. Il s’y est tellement bien pris qu’arrivé au pouvoir, Alassane Ouattara n’a pas hésité à le rappeler au pouvoir. Si on pose des questions à M. Bictogo, c’est parce qu’il pose problème dans la gestion de ses affaires personnelles. Dans un régime démocratique, tous les Ministres impliqués dans un tel scandale démissionnent sans autre forme de procès. Chez nous on ne démissionne pas. Par contre, on devrait se taire. On ne vient pas narguer le peuple avec des propos irresponsables.

Les collaborateurs du Président doivent se souvenir de ce que celui-ci a enduré comme épreuves et sacrifices pour arriver là où il est. Ils doivent aussi se souvenir de tous ceux qui ont perdu la vie ou qui sont à jamais mutilé, dans le cadre de la conquête de ce pouvoir. Par respect pour tous ceux-là, ils n’ont pas le droit de se comporter comme ceux qu’ils ont remplacé. Malheureusement, beaucoup parmi eux font penser que ce difficile combat, ce n’était qu’une histoire de « Otes-toi que je m’y mette pour manger un peu moi aussi ». Depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le Gouvernement du Président Ouattara est le premier à signer une Charte d’éthique. M. Bictogo et ses consorts doivent s’en souvenir. S’ils ne respectent pas les engagements qui y sont consignés et auxquels ils ont souscrit, ils se rendent coupables de parjure. Dans la Rome antique, le parjure était passible de la peine de mort.

René Tiecoura (Source Lebanco.net)

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