L’elephant Déchaîné
La Côte d’Ivoire a connu des moments difficiles qui ont gravement porté atteinte à la cohésion sociale. Le chef de l’Etat Ouattara a créé dès son accession à la magistrature suprême la Cdvr à l’effet de panser les plaies des Ivoiriens et de les amener à faire table rase du passé. Charles Konan Banny fut chargé de conduire les destinées de cette commission. Plusieurs mois après l’installation de cette institution, nul ne peut dire aujourd’hui à quel niveau de réconciliation elle a conduit les Ivoiriens.
La mort, cruelle et impassible, frappe dans les rangs du Fpi. Elle sent pour certains (ceux qui trinquent), les douces effluves de la vengeance, et pour d’autres (ceux qui sortent les mouchoirs), celle de la justice du vainqueur. La mort s’acharne aussi sur les civils. Dernièrement, nous avons appris le décès de plusieurs habitants des villes de Sikensi et d’Arrah, tués par des balles délinquantes des Frci.
Comme à son habitude, Charles Konan Banny s’est empressé de dire sa part de vérité. A voir le Président de la Cdvr à l’épreuve du terrain, il convient de dire qu’il ‘‘flash’’ (c’est normal, reconnaissons que la tâche est ardue, »). L’air grave, M. Banny dénonce au cours d’une cérémonie : «Il ne peut pas y avoir de réconciliation si les Ivoiriens ont peur». Face à ses déclarations qui laissent songeurs (de l’avis de certains politologues), les militants du Fpi sont partagés entre un sentiment d’agacement et une folle envie de rire. On imagine aisément qu’il s’agit là, d’un rire sarcastique. Les pro-Gbagbo sont persuadés à tort ou à raison que M. Banny n’est pas l’homme de la situation. Il n’aurait pas le courage de ses opinions comme en témoignent ses propos tenus au sujet de l’implication de M. Gbagbo dans la réconciliation nationale. C’était le 6 juillet dernier sur le plateau de TV5 à l’occasion des dix ans de l’émission »Afrique-presse »: «Laurent Gbagbo ne sera pas exclu de la réconciliation. Il a quand même été le Président de ce pays durant une certaine période. On ne peut pas l’exclure de la réconciliation». Peu de temps après, M. Gbagbo fut transféré à La Haye, jetant ainsi le discrédit sur la mission de Charles Konan Banny. Avant cette émission, il avait promis, cette fois-ci sur les antennes de France24, d’aller rendre visite à Gbagbo dans sa prison de Korhogo. Cette visite n’est jamais venue et Gbagbo a été transféré à La Haye pendant que Banny se trouvait au Burkina.
Dans son adresse aux habitants d’Arrah, L’ex premier ministre prévient les autorités en place ou les menace ou les deux à la fois : «S’il n’y a pas de sécurité, il n’y aura pas de réconciliation». Cette fois, c’est la population qui rit jaune, elle qui, chaque jour, est confrontée à l’indiscipline des Frci, à leur promptitude à ouvrir le feu (sur ceux qui osent les regarder de travers ou sacrilège, ne leur disent pas qu’ils sont les plus beaux), mais surtout à l’incapacité du gouvernement à maîtriser ceux que les Ivoiriens appellent les »frères Cissé ».
Banny implore Soro afin que celui-ci facilite le retour des exilés dans leur pays. Comment rassurer ces milliers d’Ivoiriens exilés lorsqu’ils apprennent depuis leur refuge, que l’insécurité bat son plein en Côte d’Ivoire. Les nombreuses rumeurs faisant état d’une éventuelle reprise des hostilités n’arrangent en rien aussi les choses. De plus, ces réfugiés ivoiriens viennent d’apprendre que quelques-uns d’entre eux, les plus impliqués dans la politique du pays, sont traqués par la justice ivoirienne. En effet, une liste de 13 pro-Gbagbo assidûment recherchés, a été récemment rendue publique. Une question que l’on est en droit de se poser : Peut-il y avoir de réconciliation dans ces conditions. Et si Banny n’était pas loin de la vérité. Cela dit, le pouvoir en place devrait se pencher sur la question. Pourquoi créer une Cdvr si elle ne devait servir à rien.
Un rappel des doléances des militants du Fpi : la liberté des personnes civiles et militaires ; l’arrêt des poursuites judiciaires ; le dégel des avoirs des prisonniers et exilés ; la libération des maisons occupées par les Frci et la restitution des voitures confisquées par les mimes Frci présentés comme une armée de »gueux et de racaille » par les détracteurs du pouvoir en place.
«Ce n’est pas parce que le poulet a des plumes qu’il ne transpire pas, en bas c’est chaud», chantait Serges Kassy. Pris entre le marteau et l’enclume, Banny tourne en rond. Sa mission est régulièrement compromise par l’acharnement du pouvoir en place à en finir avec une opposition déjà aux abois. C’est peut-être aussi tout cela qui va étonner le monde en 2012, comme l’a promis Alassane Ouattara.
Christiane Djahuié
L’elephant Déchaîné
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