Fait à Paris, le 24 février 2012 par Dr BOGA Sako Gervais
1/ TENEUR SUBSTANTIELLE DE LA DECISION DE LA CPI :
Le jeudi 23 février 2012, nous avons appris dans la presse, notamment l’AFP et France24, que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont, dans une ordonnance datée du mercredi 23 février et rendue publique le lendemain, autorisé le procureur près la CPI, M. Luis Moreno-Ocampo (ou son successeur), à étendre les enquêtes sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis en Côte d’Ivoire à tous les événements violents qui ont eu lieu dans le pays dans la période allant du 19 septembre 2002 au 28 novembre 2010.
Les juges ont dans leur ordonnance fait la précision suivante : « Les événements violents en Côte d’Ivoire au cours de la période allant du 19 septembre 2002 au 28 novembre 2010, bien que d’intensité variable et commis à des endroits et à des moments différents doivent être considérés comme une seule situation », c’est-à dire faisant l’objet d’une seule enquête.
Quelles analyses nous inspire cette importante décision ?
2/ ANALYSES DE LA DECISION
La récente décision des juges de la CPI appelle les observations suivantes.
• C’est une décision courageuse ! Parce qu’elle intervient alors que la Côte d’Ivoire continue de vivre la crise sociopolitique née en septembre 2002, qui a atteint son paroxysme dans l’élection présidentielle de novembre 2010 et qui s’enlise en ce moment dans les antagonismes politiques encore plus profonds, susceptibles de faire basculer le pays dans le chaos à tout moment ; avec un pays toujours marqué par des violations graves des Droits de l’Homme, commises quotidiennement et en toute impunité par les FRCI sur les pauvres populations sans défense. Ceci devrait les calmer…
• Cette décision est un signe de justice équitable ! Parce que, sans entrée dans les considérations juridico-judiciaires, tout bon sens avait du mal à concevoir et à admettre, jusqu’à cette ordonnance, que de pires criminels, qui ont attaqué la République démocratique de Côte d’Ivoire dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, assassinant de hautes personnalités de l’Etat, qui ont exterminé à Bouaké, à Korhogo, à Man et à Abidjan, ainsi que dans plusieurs autres localités, des agents des Forces de Défense et de Sécurité, de simples fonctionnaires et des paysans, qui ont violé des mères et leurs filles, qui ont pillé d’importantes richesses publiques et privées, etc., continuaient d’échapper à la justice depuis bientôt dix ans.
En outre, la propulsion de ces derniers aux hautes fonctions de l’Etat et leur règne sur le pays depuis l’avènement de M. Alassane Ouattara au pouvoir constituaient une insulte grave pour toutes leurs victimes encore en vie.
Enfin, le silence de la CPI sur les crimes commis par les ex-Forces nouvelles muées en FRCI, alors que le Président Laurent Gbagbo a déjà été déféré, faisait douter de l’objectivité de cette Cour et mettait sa crédibilité en cause dans la crise ivoirienne.
• Cette décision n’est toutefois qu’un pas vers la justice juste ; elle n’est pas encore la justice ! D’une part, parce que rien ne nous garantit que tous les auteurs et coauteurs, directs ou indirects, seront effectivement traduits devant la CPI, notamment les ex-Forces nouvelles, comme les actuelles FRCI fortement impliquées dans les massacres de Duekoué de fin mars 2011, mais aussi leurs chefs suprêmes (comme ce fut le cas pour les FDS), ainsi que leurs soutiens extérieurs (l’armée française).
D’autre part, avec la forte implication de certaines puissances dans la crise ivoirienne, notamment la France de M. Nicolas Sarkozy, on serait tenté de croire que le verdict du procès est déjà connu. Mais la FIDHOP-EUROPE refuse de faire cette injure aux juges. D’où notre appel.
3/ VIVE UNE JUSTICE EQUITABLE POUR UNE VRAIE RECONCILIATION EN CÔTE D’IVOIRE !
• La FIDHOP-EUROPE salue le courage des juges de la Cour pénale internationale et loue leur volonté de connaître de tous les faits constitutifs de violations graves des Droits de l’Homme et de poursuivre tous les vrais criminels qui endeuillent les populations ivoiriennes et troublent la Côte d’Ivoire depuis bientôt une décennie.
Ces hauts magistrats prouvent ainsi qu’ils ont bien compris la crise ivoirienne et que la communauté internationale et les populations ivoiriennes peuvent leur faire confiance. Car la justice équitable doit être désormais l’unique voie pour espérer réconcilier les Ivoiriens, dès l’instant où les dirigeants actuels ont eux-mêmes préféré régler la crise ivoirienne à la CPI.
• La FIDHOP-EUROPE invite (néanmoins) tous les vrais démocrates du monde, d’Afrique et de la Côte d’Ivoire, tous ceux qui sont attachés aux valeurs républicaines, à l’Etat de droit et à la justice dans les pays africains, à intensifier les mobilisations partout en Europe et en Afrique autour de ce procès, en faveur de la Côte d’Ivoire souveraine qu’incarnait le Président Laurent Gbagbo et en dénonçant (toujours) l’intervention militaire française dans ce pays qui a causé des milliers de morts.
Grâce aux pressions démocratiques et non violentes, d’autres victoires plus grandes seront gagnées, pour la paix, la stabilité et la prospérité d’une Côte d’Ivoire et une Afrique nouvelles !
Fait à Paris, le 24 février 2012
Dr BOGA SAKO GERVAIS
• Enseignant-Chercheur à l’Université de Côte d’Ivoire ;
• Membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme
de Côte d’Ivoire (CNDHCI) ;
• Président de la Fondation Ivoirienne pour
Les Droits de l’Homme et la vie Politique (FIDHOP) ;
• Auteur du livre publié à L’Harmattan en 2007 : « Les Droits de l’Homme à l’épreuve :
cas de la crise ivoirienne du 19 septembre 2002 » et de
« LA GUERRE D’ABIDJAN n’aurait jamais dû avoir lieu », avec pour sous-titre : « Et si M. Sarkozy avait trompé le monde entier sur la crise ivoirienne de 2010 ? » paru en Italie en 2012.
En EXIL en Europe.
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