Par Charles Kouassi Source: L’Intelligent d’Abidjan |
Disparition du journaliste franco-canadien Affaire Kieffer Le juge Ramaël cherche « Gorge profonde avec torche » l’homme qui prétend avoir assassiné le journaliste franco-canadien
Jean Yves Garnault n’est pas au bout de ses peines, dans l’affaire Guy André Kieffer. Récemment encore, il a été en contact avec Gorge profonde, un nommé Adama Koné, qui ne s’est pas présenté à lui, comme étant gorge profonde, et qui quelques jours, après leur rencontre, s’est répandu dans la presse. L’IA a eu accès aux notes de l’affaire. Nous en livrons les principaux éléments. A noter que depuis Avril 2004, l’IA a toujours été prudent et réservé dans l’affaire Kieffer.
Le mardi 27 Décembre 2011, vers 20h, se trouvant à son domicile : 9, rue du Lycée Technique à Cocody, Jean Yves Garnault, Français, conseiller technique à la présence sous Gbagbo, et qui semble-t-il, n’y est plus en service, reçoit un appel téléphonique d’un homme politique de premier plan. Après avoir échangé de divers sujets, ce leader politique, lui demande s’il accepterait d’écouter un garçon qu’il connaissait, en qui il avait confiance et qui venait de l’appeler pour lui confesser sa participation dans l’affaire Guy André Kieffer ; il disait vouloir faire éclater la vérité ! L’homme politique précise qu’il avait spécialement insisté auprès de son interlocuteur, pour ne pas être mêlé à une fausse affaire et qu’il comptait sur la stricte loyauté du demandeur. Connaissant assez bien cette affaire, Jean Yves Garnault a immédiatement donné
son accord pour rencontrer cette personne le soir même. Quelques minutes plus tard son interlocuteur précise qu’un temps de déplacement était nécessaire, et que la personne serait à Abidjan vers 1h00 du matin (le mercredi 28/12)
Le mercredi 28/12, M. Garnault a été effectivement recontacté par son interlocuteur vers 00h45 et un rendez-vous a été fixé dans un «piano-bar » au Plateau. Le nommé Adama KONE (dit Adama champion) qui aurait été l’adjoint de M. FOFIE de Korhogo est présent; il déclare avoir été le responsable d’une unité spéciale appelée «Groupe des Opérations Spéciales – GIS». Cet homme avait déjà été présenté comme un rebelle repenti, ayant demandé pardon aux patriotes, pour les crimes commis par lui, et la rébellion. On le voyait à l’époque dans des meetings de patriotes et de Mamadou Koulibaly. Une dame l’avait alors démasqué, il avait pleuré à chaudes larmes devant les caméras. Devant son interlocuteur Garnault, AK a expliqué qu’une stratégie avait été mise au point par ceux qu’on appelait alors « les rebelles » qui consistait à sélectionner des cibles particulièrement marquantes, de les suivre pour connaitre leurs habitudes et, après avoir fait descendre des « spécialistes », les enlever puis les éliminer de telle sorte que l’on puisse imputer ces crimes aux fameux « escadrons de la mort ». AK a précisé, qu’en plus de GAK, ce fut le cas pour le comédien « H », ainsi que pour une franco canadienne éliminée à Yamoussoukro. Il a donné des détails sur leur manière d’arriver sur Abidjan en rang dispersé pour assurer une totale discrétion. Concernant l’affaire Kieffer, il a déclaré avoir intercepté le journaliste près de la Galerie du Parc vers 14h00 le 16 avril 2004 – les enleveurs auraient présenté une carte de la gendarmerie et GAK et une femme qui l’aurait accompagnée, n’auraient manifesté aucune résistance. La voiture aurait été laissée sur place ; ils auraient emmené GAK et la femme dans une maison en construction près de la forêt du Banco ; trois heures plus tard, le commando aurait reçu un appel du commanditaire indiquant qu’il fallait éliminer GAK.
A la question de savoir qui était le commanditaire, AK donne le nom d’un politique actuellement en poste à la Présidence de la République, mais qui n’est pas le Président de la République ; il précise qu’une somme de cinq millions de FCFA, était prévue pour régler cette « mission » mais que deux millions FCFA seulement ont été réellement payés ; il précise que, pour ce contentieux, deux des exécutants (sur un total de cinq, dont un décédé depuis) avaient conservé par devers eux des éléments de preuve pour, le moment opportun, faire chanter le commanditaire.
M Garnault, lui ayant rétorqué que le récit comportait des anomalies par rapport à la version connue de l’affaire, Adama Champion a répondu que toute autre version serait totalement fausse et que, pour preuve de sa bonne foi, il proposait de situer très précisément le lieu où serait enterré GAK ; après les deux pourraient discuter ; sachant que ses affirmations pourraient paraitre curieuses, il était donc d’accord d’attendre l’exhumation pour être définitivement considéré comme crédible.
Adama Koné alias Champion précisait qu’il ne voulait pas un franc mais qu’il avait soif de Justice. Les numéros de téléphone ont été échangés. L’entretien a duré environ une heure et quinze minutes. De retour chez lui, Jean Yves transmet un mail/rapport au juge Patrick Ramaël.
Environ une heure plus tard, AK le rappelle en expliquant que l’ami chez qui il aurait souhaité dormir était en voyage et ne savait pas où aller. Garnault lui propose de prendre un taxi et de revenir vers Cocody – (Il a fallu expliquer au chauffeur l’endroit car AK prétendait ne rien connaitre d’Abidjan.) Après avoir reçu 30.000 F, il est reparti prétendant aller au Ghana tôt le lendemain matin.
Le mercredi 28 Décembre 2011, vers 11h du matin, AK appelle Garnault pour lui dire qu’il avait été sympathique avec lui, qu’il a bien considéré son intérêt pour cette affaire et qu’il lui proposait de lui rapporter le sac que Kieffer avait le jour de l’enlèvement. Cette proposition se faisait sous réserve du financement de deux allers-retours par car en direction de Korhogo. Il explique que lui-même ne pouvait plus mettre un orteil à Korhogo sous peine de mort, son ex patron (Fofié) le recherchant !! Il s’arrêterait donc dans un village à une vingtaine de kilomètres avant, tandis que son petit frère irait dans la maison familiale de Korhogo pour prendre le sac et le lui rapporter.
Le Jeudi 29 décembre 2011, il a donc prétendu revenir du Ghana dans l’après midi. Le Vendredi 30 décembre 2012, il serait parti, avec son frère pour Korhogo. Le Samedi 31 Décembre, AK demande de remettre une somme non clairement évaluée, à un jeune homme répondant au n° : 49###### – la mère de ce jeune homme étant en mesure, moyennant commission et paiement du déplacement du jeune homme, de restituer en CFA la même somme au Ghana. Ce qui a été fait. Cette somme était destinée à sa femme pour passer une fête agréable (selon AK sa femme serait : Zagsandra Lisette : téléphone : 06#######) Le Dimanche 1° janvier 2012, AK a appelé Garnault pour lui dire qu’il avait bien le sac, mais que son père insistait pour qu’il passe une journée en sa compagnie au motif qu’ils ne se seraient pas vus depuis 2004. Finalement, AK serait donc rentré de Korhogo le 1er janvier 2012 en fin de soirée.
Garnault lui a fixé rendez-vous vers 20h au Plateau l’ayant rencontré, il lui a dit qu’il ne souhaitait pas se départir du sac qui constituait pour lui une sorte de garantie d’être pris en compte par la Justice française ; il voulait éviter à tout prix la Justice ivoirienne pour des raisons évidentes en rapport avec ses affirmations. J. Yves Garnault lui a donc proposé de se rendre à son domicile pour qu’il puisse photographier le sac (qui ne lui ravivait pas de souvenir particulier) –Il en a profité pour prendre également une photo de lui-même. (…) AK a commencé à paniquer car le Juge Ramaël devait arriver le lendemain et il voulait absolument avoir des garanties pour que son épouse et sa fille soient prises en charge pendant ce qu’il estimait une longue absence du fait de son incarcération en France. Il a demandé des garanties avant l’arrivée du juge français.
Lundi 2 janvier 2012, Garnault a donc envoyé par la même voie (le jeune et sa mère) 430.000 F pour garantir sa bonne collaboration.
Etant relativement nerveux à l’approche de la supposée proche rencontre avec le juge Ramaël, il a demandé comment il pourrait présenter sa condition de « repenti » ; il lui a été proposé d’écrire un courrier qu’il signerait devant le juge Ramaël avant tout entretien. Adama Koné était d’accord et a trouvé cette idée excellente puisqu’elle lui permettait en quelque sorte de «faire allégeance». Vers 19h, AK signale que son épouse est arrivée du Ghana et devrait se rendre dans sa propre famille dans la région de Korhogo dès le lendemain ; il doit la retrouver à la gare de bus située à Treichville. Un peu plus tard, il rappelle en précisant qu’il l’a raccompagne à Yopougon car il tient à rester un peu avec elle (il était persuadé ne plus être libre à l’issue de la rencontre avec le juge français) Vers 20h, le tueur présumé de Kieffer était toujours à Yopougon mais un fait nouveau vient perturber le planning prévu ; en effet, il prétend avoir dit la vérité à sa femme en lui expliquant qu’elle ne le verrait plus pendant environ cinq ans selon ses prévisions. La femme aurait poussé des hurlements et n’aurait pas accepté cette décision. Chaque demi-heure un appel précisait à Garnault qu’il était retenu mais qu’il viendrait dès que possible … Malgré tout, Garnault s’est rendu au rendez-vous avec le juge Ramaël et les deux gendarmes français. Ils ont attendu ensemble durant des heures ; des appels téléphoniques réguliers expliquaient l’impossibilité pour A.K de se rendre au lieu du rendez-vous. Vers 23h, de guerre lasse, ils se sont séparés en reprenant rendez-vous pour le lendemain midi.
Mardi 3 Janvier 2012, vers 07h du matin Garnault reçoit un message de AK lui demandant d’appeler son épouse qui vient de quitter la maison en l’enfermant dans une pièce. L’épouse est folle de rage en disant qu’elle veut retourner au Ghana, qu’il n’a rien compris et qu’il fera ce qu’il voudra mais sans elle …
Vers 10h30 à la demande de savoir si le rendez-vous sera respecté : AK répond qu’il n’y aura pas de problème, qu’il prendra ses responsabilités et qu’il sera là. Un appel particulièrement pathétique demande de faire un effort en envoyant 100.000 F au frère de sa femme qu’il dit être au Ghana. Ce qui a été fait. Toutes les 30mn Garnault recevait un appel qui précisait que le rendez-vous était reporté d’une heure … jusque vers 13h où il a hurlé que la plaisanterie était terminée. Vers 13H30, Garnault s’est rendu seul au rendez-vous du juge Ramaël (et les gendarmes).
Il a reçu un appel du « politique » qui a dit être au courant d’une échauffourée mais a demandé d’accepter de rappeler AK qui avait accompagné son épouse à la gare de Treichville. Il rappelle AK, le présumé et autoproclamé tueur de Kieffer, qui dit avoir été choqué de la prise de position forte. Il ajoute qu’il avait décidé de ne plus collaborer n’eût été l’appel du « politique » qui l’avait convaincu de prendre ses responsabilités ; il était donc de nouveau d’accord pour rencontrer le juge français ; il demandait quelques minutes pour installer sa femme et arrivait vers nous. Vers 14h30 c’est un autre appel d’une personne se présentant comme journaliste demandant à Garnault s’il était au courant d’une affaire en cours selon laquelle un « repenti » voulait expliquer toute l’affaire Kieffer …
(…..).
Environ quinze minutes plus tard, AK appelle totalement paniqué disant en substance : «Qui a donné mon numéro de téléphone à Wattao ? Il’ m’a appelé, il m’a dit
que tout ce que je disais au téléphone, il le savait, il m’a dit de faire un choix … c’est ma vie … qu’est ce qu’il faut faire » Le ton était pathétique, angoissant. Garnault lui répond que le bon choix était de se rendre au plus vite au rendez-vous. Vers 15h, Garnault reçoit un appel du « Politique », très inquiet du fait qu’il ne pouvait plus joindre AK au motif qu’une autre personne répondait « n’insistez pas – c’est la police, nous l’avons arrêté ». Garnault et le juge français ont également essayé de joindre ses téléphones, mais ils ont obtenu la même réponse. Plusieurs jours plus tard, un déferlement médiatique dont certains journaux se sont fait l’écho, faisait état d’une autre interprétation : on a assisté à une tentative d’impliquer le Pouvoir actuel en expliquant que ceux qui étaient soupçonnés depuis le début de l’enquête, étaient totalement innocents ; que le Pouvoir actuel avait, à l’époque, institué un véritable système impliquant des tueries pour les faire endosser à l’ancien Pouvoir. Un déferlement s’est fait sur la personne de Garnault et sur celle du juge français. Ces journaux ont prétendu que le juge avait rencontré AK qu’ils avaient baptisé « gorge profonde ». Ce qui est archi faux. La remise d’un sac en cuir a été très largement amplifiée comme une certitude, ce qui était également faux. Le reçu demandé par AK lors de la remise de ce sac a été largement diffusé, manœuvre qui voulait indiquer que la France était impliquée au seul motif que la signature était celle d’un français. Jean Yves Garnault a été présenté comme un «sulfureux espion français». «Ce qui est naturellement préjudiciable», explique Jean Yves Garnault dans ses notes. Depuis lors, il se pose les questions suivantes:
– Qui a pu monter une telle cabale ?
-Pourquoi et dans quel but ?
– Pourquoi jamais un tel déchainement n’a été enregistré lors de la venue du juge français.
– On a pensé à un « écran de fumée » pensant que l’exhumation pourrait apporter la solution tellement attendue ; ce ne fut pas le cas.
– AK est-il connu vraiment de M ; Fofié ? A-t-il été un repenti de la rébellion ?
– A-t-il été utilisé par l’ancien Pouvoir ?
– Pourrait-il effectivement avoir eu un rôle dans l’affaire Kieffer et tenter (pour le compte de qui) de vouloir entraver l’enquête ?»
Le lendemain de ce rendez-vous manqué, le juge Ramaël et son équipe, assistés sur place d’autres personnes, se sont rendus dans la commune de Saioua pour exploiter un renseignement qui avait été fourni plus tôt. Cette exhumation étant le principal but de sa venue en Côte d’Ivoire, Ramaël espérait qu’une suite positive permettrait d’identifier, enfin, le corps de Guy André Kieffer, mais la science en a décidé autrement. Toutefois, le juge Ramaël est aux trousses d’Adama Koné, alias Adama Champion. Il le cherche avec torche.
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