On en sait un peu plus sur les contours de la visite que des leaders de la diaspora burkinabé en Côte d’Ivoire s’attellent à organiser depuis quelque temps. Pour aller dire « Merci au président Blaise Compaoré pour sa facilitation réussie dans la crise Ivoirienne».
Alors que le projet du voyage buttait depuis des mois sur le manque de financement (preuve de sa non pertinence peut être), ce, après un meeting passé également inaperçu pour n’avoir pas été médiatisé, c’est Issaka Sawadogo de la Sitarail, opérateur économique bien connu dans la filière bétail qui a décidé de sauver la face aux organisateurs. En décaissant la bagatelle de 23 millions FCFA. La chambre de commerce et de l’industrie sollicitée, aurait elle-aussi apporté son apport à hauteur de deux millions, selon des sources proches de l’organisation.
Le montant global de 25 millions FCFA, disponible donc depuis quelques semaines est venu relancer le débat sur les réelles motivations des organisateurs de cette tournée et sur l’opportunité même du projet que nous avons critiqué il y a quelques mois. Que vient chercher dans cette affaire Issaka Sawodogo dont on sait les nombreux démêlés qu’il a eus avec l’ex-régime d’Abidjan et l’ex-rébellion. L’homme se serait-il joint aux organisateurs de ce voyage dans un but politicien ? De toutes les façons l’argent n’a pas d’odeur dit-on.
En revanche, dans la communauté burkinabé en terre ivoirienne, en dehors du cercle bien entendu des organisateurs et de ceux qui défendent mordicus ce projet de voyage, cette générosité soudaine est des plus surprenantes. Qui plus est, certains observateurs ne la voient pas d’un bon œil.
D’autant plus que le projet en lui-même pose un problème d’éthique dans un contexte post-crise. Le président Compaoré, il faut le reconnaître, a su gérer avec sagesse et détermination la facilitation de l’accord politique de Ouagadougou.
Que la communauté burkinabé en Côte d’Ivoire y voit une raison de fierté, est légitime. Mais vu le dénouement de la crise qui s’est terminé sous des chapeaux de roues, il pourrait être embarrassant pour le président Compaoré de recevoir des compatriotes qui viennent juste lui dire « merci » pour une action qui plus est, a été hautement politique. N’oublions pas qu’au delà de la facilitation, la crise ivoirienne s’est soldée par la chute d’un des protagonistes à la suite d’une option militaire. N’y a-t-il pas mieux à faire ? Sinon, qu’a fait la communauté burkinabé pour ses morts de la crise, ses mutilés, ses veuves et ses orphelins qui vivent depuis la fin de la crise dans le silence de la société. Il faut laisser la politique aux politiques.
Car, s’organiser aussi massivement et avec des moyens jamais mobilisés pour la cause des même burkinabè au moment où certains d’entre eux dormais à la belle étoile, déguerpis de quartiers entiers, sous les yeux de ces mêmes personnes qui financent et organisent aujourd’hui ce voyage, s’assimile beaucoup plus à une opération de charme.
Mais le danger de cette opération dans une Côte d’Ivoire où les clivages politiques demeurent encore vifs, c’est qu’elle pourrait aussi être interprétée comme une prise de position, voire une ingérence dans une crise qui est une affaire interne aux Ivoiriens, face à laquelle les Burkinabè sont tenus d’observer une totale neutralité ? La facilitation, faut-il le rappeler, a été une action politique.
Il est évident que les organisateurs de cette manifestation pourront difficilement convaincre « l’autre camp » du contraire, au moment où il est question de réconciliation et de retour à la coexistence pacifique, pour une paix définitive. Dans le contexte actuel, Compaoré a-t-il vraiment besoin d’une telle publicité qui l’expose tant dans la crise ivoirienne qui captive l’attention de l’opinion internationale depuis la Haye où Laurent Gbagbo est détenu. Nous pensons que les organisateurs seront bien inspiré de revoir leur copie pour éviter de fâcheux antécédents.
L’autre réalité qui jette également le doute sur le projet, ce sont « les intrigues et les visées affairistes de quelques uns en mal de publicité qui veulent manipuler les autres pour profiter de ce projet ». Ceux-là même qui sont incapables de se faire un nom par leurs propres actions et qui rêvent de gravir des échelons sur le dos des masses.
En tout cas, « l’intrusion » d’Issaka Sawadogo et les « contours encore obscurs » de ce voyage dont les dates restent inconnues jusque-là, sur Ouagadougou ne sont pas loin de diviser la diaspora burkinabé de Côte d’Ivoire. L’essentiel, nous semble t-il est ailleurs ; nous y reviendrons.
Jean François Fall, informateur.net
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