Le Nouveau Courrier
Pouvez-vous nous dire le rôle que joue le CPAD au niveau de l’Europe ?
Depuis le 11 avril 2011 que la France a opéré son coup d’état en Côte d’Ivoire, il y a eu une vague de protestation au sein de la diaspora ivoirienne et africaine. Des mouvements patriotiques ont vu le jour un peu partout en Europe pour marquer notre indignation. Ainsi, des initiatives de mobilisation se prenaient de façon éclatée et disparate. Ayant constaté le besoin de coordination, nous avons alors créé le Comité de Pilotage des Actions de la Diaspora, le CPAD pour essayer de faire converger les initiatives pour une meilleure organisation afin d’être plus efficaces, ce qui fut fait le 21 mai 2011 à Bruxelles où des leaders de la galaxie patriotique de la diaspora se sont retrouvés pour lancer le CPAD.
Depuis qu’il a été créé, quels sont les actions que ce mouvement a menées ?
La mission du CPAD comme je viens de l’expliquer consiste à rassembler les forces afin de faire valoir le bon vieux dicton qui dit que l’union fait la force. Le mode opératoire qui a été adopté est le suivant : chaque organisation patriotique conserve son autonomie et est libre de ses actions et initiatives mais de temps en temps, nous devons poser des actions d’envergure sous l’égide du CPAD. Ainsi donc, les grandes manifestations de masse à l’échelle européenne du 2 juillet et du 12 novembre à Paris et le 10 décembre à la Haye ont été organisées par le CPAD, ainsi que le réveillon du 24 décembre à la Haye où le CPAD était co-organisateur.
Au delà de ces actions publiques, il y a beaucoup d’autres actions de lobbying qui sont menées dans des réseaux et dans la presse mais aussi envers les ivoiriens et les africains afin que toutes nos énergies et nos forces soient canalisées vers l’action unitaire.
Pensez-vous que certains de vos objectifs sont atteints ?
Le bilan du CPAD à ce jour est plus que satisfaisant au vu de la mobilisation observée lors des manifestations publiques organisées par le CPAD. Nous avons une toile qui couvre toute l’Europe et lorsqu’un mot d’ordre est lancé par le CPAD, c’est toute la diaspora ivoirienne patriotique et aussi africaine qui se mobilise et converge vers le lieu de la manifestation parce que le CPAD se compose de l’ensemble des mouvements patriotiques ivoiriens de toute l’Europe. A ce jour, nous couvrons 13 pays européens et les demandes d’adhésion affluent car tout le monde a compris que c’est dans l’union de nos forces, tout en respectant les spécifités individuelles, que nous pourrons être efficaces. Bien évidemment, l’objectif final de toutes ces actions c’est d’abord la libération du Président Gbagbo et de tous les prisonniers politique de Ouattara, mais surtout le retour de l’état de droit et la relance du processus démocratique en Côte d’Ivoire.
On vous a vu mobiliser tous les patriotes de la diaspora africaine pour prendre d’assaut La Haye au lendemain du transfèrement du président Laurent Gbagbo, quel but recherchiez-vous ? L’avez-vous atteint ?
Le but recherché par la manifestation du 10 décembre était de démontrer que le président Gbagbo est soutenu par son peuple, le peuple ivoirien et l’Afrique digne. Cet objectif a été largement atteint. Plus de 3000 personnes venues de toute l’Europe dans des convois de car, de voitures et en avion pour se retrouver à la Haye dire au président Gbagbo qu’il ne sera jamais abandonné par les ivoiriens. Ce fut extraordinaire car tout cela a été organisé en moins de 10 jours ! Cela démontre de l’efficacité du CPAD. La ville de la Haye n’a jamais vu un tel rassemblement d’africains et du coup, cela a attisé la curiosité de la population hollandaise et les reportages des journaux écrits et radio-télévisés en Hollande ont été assez percutants pour décrire ce prisonnier exceptionnel qui séjourne sur leur sol. Vous savez, la hollande est un pays assez libéral, à la différence de la France où le pouvoir caporalise les medias. Il y a plusieurs prévenus à la CPI mais jamais une telle mobilisation n’a été observée si ce n’est pour le président Gbagbo. Nous allons continuer de le soutenir jusqu’à ce qu’il soit libéré. C’est inadmissible qu’un digne fils de l’Afrique soit emprisonné dans les geôles des blancs juste parce qu’il a refusé de vendre son pays. Ça rappelle, de manière triste d’ailleurs, l’esclavage où des africains étaient arrachés de leurs terres par la force des armes et vendus en Amérique. Ça rappelle aussi la colonisation où les résistants à la pénétration des colons étaient tués ou déportés en prison avec la complicité des collabos, ces indignes fils de l’Afrique, qui, pour des pacotilles livraient leurs frères aux blancs. Les temps n’ont vraiment pas changé depuis lors au vu de ce qui arrive au président Gbagbo. C’est notre devoir de le soutenir et nous seront avec lui jusqu’au bout, il y va de la dignité de l’Afrique, de la libération totale de la Cote d’Ivoire.
Quelles sont les échos que vous avez de la CPI depuis que vous avez initié des mouvements de protestation et de soutien au président Laurent Gbagbo ?
La CPI est une cour fortement influencée par les rapports de forces politiques. Ce n’est pas uniquement du Droit qui y est dit. C’est un instrument à la solde des occidentaux pour asseoir leur emprise sur l’Afrique. Vous constaterez que c’est uniquement des africains qui y sont jugés et incarcérés jusqu’à ce jour. Néanmoins, les échos qui nous parviennent sont positifs dans ce sens que Louis Ocampo le très zélé procureur s’en va en début juin, et que d’ici là on saura en France si Sarkozy est tombé, car il est dans les cordes en ce moment, il traine en troisième place dans les sondages. En Côte d’Ivoire, le pouvoir en place qui s’enfonce dans l’arbitraire et la répression renforce le changement d’opinion de plusieurs personnalités mondiales qui commencent à se poser des questions sur sa légitimité réelle. Les lignes bougent, alors vous comprenez que selon les forces politiques dominantes, la CPI adopte l’attitude du moment. Par ailleurs, l’équipe des avocats de Président est à pied d’œuvre pour une défense percutante. C’est donc avec sérénité que nous continuons la mobilisation patriotique car elle porte ses fruits. Quant au président Gbagbo lui-même, ce qu’il pense de nos actions, je laisse le soin aux voix autorisées de vous le dire.
Fondez-vous un espoir sur l’impartialité du procès du président Laurent Gbagbo à la CPI ?
Comme je viens de le dire, tous les procès de la CPI sont fortement influencés par la politique internationale et également par la politique dans les pays des prévenus.
Néanmoins, c’est l’équipe de défense qui exploite toutes les pistes et le président a choisi son équipe de défense en conséquence et ce sont des gens outillés et expérimentés qui ont le dossier en main. Nous sommes confiants. Mais comme je l’ai dit, on doit continuer de démontrer que le Président Gbagbo a son peuple derrière lui dans la diaspora et surtout au pays car dans un dossier si hautement politique, cela compte beaucoup. Le CPAD est conscient de sa partition et va la jouer pleinement et chaque ivoirien partout où il se trouve doit savoir une chose, si on se tait par peur ou par lassitude ou par négligence, on aura sacrifié le président Gbagbo.
Quelles sont les actions que vous projetez en faveur de l’ex-président ivoirien et également pour faire prendre conscience au monde entier de la tragédie que vivent les Africains, les Ivoiriens en particulier, face à un mode de gouvernance que veulent leur imposer certaines puissances occidentaux ?
Le CPAD est une organisation de la société civile et donc nos actions sont des actions de mobilisation de masse, d’éveil des consciences et aussi de lobbying. Nous sommes en Europe ici et nous savons quels sont les réseaux qui nous font subir toutes ces souffrances. Ce n’est qu’une question d’intérêt, d’exploitation, et rien d’autre. L’Afrique doit rester au stade de continent pourvoyeur de matières premières et ne pas aspirer à se développer car cela représente une menace pour l’Europe. L’Afrique est trop proche de l’Europe géographiquement et son développement sera forcément défavorable au vieux continent qui a une économie stagnante et chancelante qui subit déjà le poids de l’usure et donc ne pourrait pas tenir face à une Afrique émergente. Voici le fond de la peur des pays occidentaux et surtout de la France qui a une économie très peu compétitive et donc qui sera la première à souffrir d’un décollage africain.
Il s’agit donc dans l’aspect stratégique, de mobiliser les ivoiriens et les africains pour une prise de conscience des vrais enjeux et de se rallier au combat noble qui est symbolisé désormais par le président Gbagbo. Tactiquement, nous mettons la pression sur les maitres du pouvoir d’Abidjan en mettant à nu le triste bilan dont le non-respect des Droits de l’Homme, le déni de liberté et donc du recul démocratique observé en ce moment en Côte d’Ivoire et les mettre devant leurs responsabilités, ce qui pourrait les mettre en difficultés vis-à-vis de leur opinion. Nous allons également vers la presse pour relayer nos idées et surtout pour dévoiler les manquements du régime en place en Côte d’Ivoire. On va leur servir leur propre recette et ils comprendront que la presse internationale qu’ils ont utilisée à souhait pour mentir peut se retourner contre eux.
En somme, nous sommes sur plusieurs fronts et cela va au-delà même du Président Gbagbo, nous posons la question de la libération totale de l’Afrique francophone. Remarquez que seuls les pays africains francophones sont à la traine, cela doit nous faire prendre conscience du vrai ennemi.
Vous avez également appelez récemment à un mouvement de contestation d’Alassane Ouattara lors de sa visite d’Etat en France, malheureusement cette action a été durement empêchée. Pouvez-vous nous en donner les raisons ?
Nous avons appelé en effet à une série de manifestations de protestations contre la venue en France de Ouattara parce que cette visite venait finaliser le complot contre notre pays. Nous voulions prendre l’opinion française et internationale à témoin pour leur dire que celui que Sarkozy reçoit en grande pompe est à la tête d’un régime tyrannique, liberticide, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes dont le massacre de Dukoué, le génocide Wê. Il s’agissait aussi de dire non à la francafrique qui renaissait de plus belle au moment où les africains pensaient avoir acquis de haute lutte depuis 1990 des avancées sur la voie de la libération de leur continent. Malheureusement, tous ces acquis sont menacés par Ouattara, le nouveau bras séculier de la francafrique.
Le pouvoir français a pris peur et a sorti la grande armada, plus de 10 bataillons de police et de gendarmerie ont été déversés dans les rues de Paris pour casser de l’ivoirien. Des stations de métro ont même été fermées par peur de la masse des patriotes ivoiriens. Il y a eu une série d’interpellations mais cela n’a pas entaché notre détermination et nous avons manifesté contre Ouattara.
Etes-vous animé par une idée d’échec ?
Non, pas du tout. L’objectif était de manifester contre Ouattara, la police française a tout fait pour nous en dissuader y compris par des méthodes dignes de la Gestapo, mais nous avons bravé les entraves et nous avons manifesté devant l’Hôtel de Ville et devant l’ambassade. C’est l’occasion de remercier tous les patriotes qui sont sortis massivement et leur dire que la grande armada de répression sortie par la France est la preuve que nos manifestations les effraient et donc nous devons continuer. Un remerciement spécial aux camarades Alice Bao, Abel Naki et Zégbé Pacôme qui ont vaillamment conduit les opérations de mobilisation sur le terrain à Paris.
Comment jugez-vous la façon de gouverner les Ivoiriens d’Alassane Ouattara depuis sa prise de pouvoir ?
Un seul mot, échec. Comme le dit le vieux dicton, c’est au pied du mur qu’on voit le bon maçon. Apres les milles et une promesses, le constat est bien décevant. Les universités fermées, des dozos dans les résidences universitaires en lieu et place des étudiants, je ne sais pas quel avenir on prépare pour les enfants de ce pays. Les jeunes à qui des emplois ont été promis continuent d’attendre sans aucune lueur d’espoir. Le salaire des fonctionnaires a été diminué. Le panier de la ménagère ne cesse de se vider tellement les prix des denrées de première nécessité ne font que grimper. L’insécurité, n’en parlons même pas. C’est catastrophique. La réconciliation n’est qu’une vue d’esprit parce qu’aucun geste tangible de réconciliation n’a été posé ; pire, on emprisonne ceux avec lesquels on devrait se réconcilier. Je pense que les ivoiriens qui avaient de bonne foi placé leur confiance en Ouattara doivent déchanter car il n’a aucune solution et il faut penser déjà à l’alternative.
D’aucuns pensent que les différents mouvements patriotiques de la diaspora sont plus des «tonneaux vides» que des mouvements bien structurés et d’influence, ce pourquoi leurs actions restent inaperçues. Qu’en pensez-vous ?
C’est clair que nous ne pouvons pas avoir bonne presse auprès de certaines mauvaises langues qui feront tout pour minimiser la portée de nos actions. Sinon, pour des mouvements sans influence on ne ferme pas le métro parisien un vendredi ! On ne sort pas 10 bataillons de police et de gendarmerie sans compter la nuée d’agents secrets qui nous suivent partout. Ceux qui tentent de nous mépriser en auront pour leur propre compte car nous sommes très sereins et déterminés à continuer ce que nous faisons. On sait que ça les dérange. Ils sont venus avec la stratégie de la peur par la répression sauvage. Si cela a bien marché au pays, ils n’avaient pas compté avec la diaspora et ils n’arrivent pas à faire taire cette diaspora qui devient très dérangeante. Tenez, aux prochaines élections présidentielles en France, cette diaspora africaine consciente veut jouer sa partition en faisant du « tout sauf Sarkozy ». Il en a terriblement peur ; ses adversaires ayant compris cette force, font mains et pieds présentement pour se rapprocher de ces africains français qui comptent bien faire peser leur poids. Le CPAD apporte son soutien au Mouvement des Africain-français (MAF) qui est très actif pour le vote utile de la diaspora africaine en France.
Qui est Apollos Dan Thé ?
Je suis l’un des porte-parole du CPAD, ivoirien patriote résident à Londres. Sur le plan professionnel, je suis Actuaire de formation et j’exerce comme expert-conseiller en finance et économie sur la place financière de Londres.
Le Nouveau Courrier du 1er février
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