Côte d’Ivoire – Pourquoi l’ouest ivoirien et NON l’est, le sud ou le centre ?

Ce matin un grand frère journaliste me disait ceci et je cite : « Jeune frère le cacao est ce poison qui tue notre belle côte d’ivoire. Il faut brûler tous les pieds de cette plante en côte d’ivoire, spécialement dans l’ouest ivoirien, afin de sauver ce beau pays ». Comme tout bon ivoirien j’ai fait tout de suite le lien avec ces prétendus rapports parlant de l’implication des maîtres chocolatiers américains et anglais. Je ne vous ferai pas un dessin sur le contenu de ces rapports que vous trouverez ça et là sur internet. Cependant comme par un éveil, un brusque réveil dirais-je, ma matière grise s’est mise en mouvement ; de ce mouvement, un raisonnement très simple mais absurde est né. Nietzschéisme oblige, je veux être cet insensé qui vient porter le fruit de son raisonnement au sachant que vous êtes. J’espère que vous situerez mon propos dans son contexte, celui issu d’un esprit inepte. Ma foi la question qui sous-tend cette absurdité raisonnante est celle-ci : Pourquoi est ce l’Ouest ivoirien qui se vide de son sang et non le trio Est-Sud-Centre (le Nord n’ayant pas une végétation appropriée à la culture du cacao) ? A cette question ma réponse s’est voulue historico-sociologique plutôt que géographique. En dehors du Nord ivoirien, le cacao se développe aisément dans les autres régions. Pour avoir étudié la géographie économique au département de Géographie à l’université de Cocody, il est bon de savoir que cette région ouest présente un circuit agro-économique hors du commun. Mais d’où lui vient cette prospérité ? Du déclin de l’activité agricole de la boucle du cacao diront les experts en agronomie. Cette boucle du cacao rappelons le avait pour plie de prospérité l’axe Dimbokro-Daoukro-Bongouanou (l’ancien cercle de Dimbokro). Introduite au début du XXe siècle dans les régions forestières de la Côte d’ivoire, la culture du café et du cacao a connu un développement sans précédent après les années 1950. Au plan de la production, la boucle du cacao se situait en tête de toute les régions en détenant, jusqu’en 1968, plus de 28% de la production du cacao.

Au niveau de la production caféière, jusqu’en 1969, cette région conservait encore sa première place avec une part se situant entre 21% et 24%. Nul doute que le développement de l’économie de plantation forestière à nécessité l’apport en travail d’une main-d’œuvre d’origine étrangère, laquelle a favorisé son expansion. Cette main-d’œuvre, autrefois accordée aux propriétaires européens, était interdite aux planteurs africains par un arrêté de 1941. Son utilisation par les colons européens se faisait par le biais du « travail forcé ». Cette main- d’œuvre, essentiellement originaire de la colonie de Haute-Volta, se dirigeait autrefois en masse vers les plantations cacaoyères de la colonie Anglaise de la Gold Coast, actuel Ghana (le rapport d’ensemble du lieutenant-gouverneur estimait cette main-d’œuvre à 100.000). On se trouvait alors en face d’une pénurie de main-d’œuvre par rapport au besoin de la colonie de Côte d’ivoire. Aussi s’imposa la nécessité de détourner les Mossi de la colonie Anglaise. D’où la dissolution de la Haute-Volta en tant que territoire en 1933 et le rattachement de l’empire Mossi de Ouagadougou et le sud de cet ex-territoire voltaïque à la colonie de Côte d’ivoire sous la dénomination régionale de Haute-Côte d’ivoire. Comme l’acte politique de rattachement ne suffisait pas à interrompre l’émigration de travail des Mossi vers la Gold Coast, quelques actions furent entreprises. D’abord le transport gratuit des travailleurs de la Haute-Volta vers la Côte d’ivoire, organisé par quelques colons grâce à des subventions de l’administration coloniale ivoirienne. Ensuite l’abolition du travail forcé permit aux travailleurs de recouvrer la liberté de vente de leur force de travail et de se mettre ainsi au service de tous les employeurs. Enfin, après reconstitution de la Haute-Volta en tant qu’entité territoriale en 1947, un Syndicat Interprofessionnel d’Acheminement de la Main-d’Oeuvre (SIAMO) vit le jour. La SIAMO jouera un rôle déterminant dans l’approvisionnement des chantiers et des plantations. Et dans ce contexte, des zones de plantations comme la boucle du cacao étaient les destinations privilégiées. Déjà en 1955-1956 des enquêtes dans la subdivision de Bongouanou font état de 7000 à 9500 manœuvres employés par les 2/3 des planteurs. Les origines de manœuvre étaient: la Haute-Volta (71%), le soudan français ou actuel Mali (11%), la zone de savane de Côte d’ivoire (18%). Economie historique oblige, je passerai outre les raisons structurelles et météorologique (grande sécheresse et déforestation grandissante) du déclin de la boucle du cacao au profit de l’ouest ivoirien. Mais si je tiens pour vraie l’action très mesquine des colons pour attirer les Mossi vers l’axe Dimbokro, Daoukro, Bongouanou au détriment du Gold Coast voisin, ne suis-je pas dans mon bon droit de penser que ce même procédé a pu favoriser le déclin de cette boucle du cacao jadis prospère au profit de l’ouest ivoirien ? Le système colonial n’a-t-il pas pris la mesure d’un risque à laisser cette zone prospérer ? N’a-t-on pas depuis le déclin de cette boucle du cacao préparé, comme dans un laboratoire, un poison d’extermination des peuples de l’ouest ? Comment expliquer ce déplacement d’Est en Ouest ? Toutes ces questions me taraudant l’esprit me conduiront à ce qui suit:

Le colon après avoir étudié la mentalité et la psychologie de ces deux régions optera finalement pour l’ouest afin de réaliser un projet dont le contenu était en préparation outre-Atlantique. En effet, la terre dans la boucle du cacao (tout comme l’axe Abengourou- Adzopé-Agboville) obéit aux règles coutumières qui donnent à tout autochtone un droit de jouissance sur le domaine foncier villageois et cela, sans aucune contrepartie ni possibilité d’aliénation de la terre. Somme toute, la terre ayant un caractère très sacré, legs des leurs ancêtres, ces peuples y sont jalousement attachés. Ce peuple est moins enclin au partage de son patrimoine forestier. Un peuple qui fait moins confiance à l’étranger (même si mes sœurs baoulé y font commerce). Relativisme oblige certes, mais issu de ces peuples, je peux témoigner de ce caractère très austère. Les maîtres colons qui ont introduit ces cultures en côte d’ivoire et favorisés leur éclosion dans la zone dite boucle du cacao ont-ils conscience de ce caractères très austère des tenants de cette zone ? Avaient-ils en esprit un dessein qui était antipathique avec l’esprit de ce peuple ?

Comme l’insensé qui profère des inepties sur la place publique, me référent au massacre de nos parents de l’ouest, observant l’attitude des Mossis et autres étrangers qui tuent les autochtones de l’ouest ivoirien sous le regard passif des forces de l’ONUCI, je peux affirmer que le transfère de la production du cacao de l’est vers l’Ouest répond à un projet macabre construit par nos maîtres colons. Sans vouloir offusquer mes parents des autres régions, je peux dire que cette zone est victime de sa trop grande confiance et de sa trop grande gentillesse à l’égard d’autrui. Un peuple joyeux, qui accueil l’étranger comme un frère ; un peuple qui offre gîtes et couvert à l’autre, un peuple qui voit en son prochain son propre visage ; un peuple qui cède sa maison, sa maison au premier venu sans contrepartie. Une béatitude sociologique hors du commun. Pour avoir côtoyé ce peuple dans mon enfance, et à l’âge adulte, cette attitude naïve m’aura toujours fasciné. Les maîtres colons ayant pris la mesure sociologique et culturelle de cette zone occidentale ivoirienne, ils trouveront en elle la zone idéale pour mettre en œuvre leur dessein : celui de faire de la côte d’ivoire une terre de production cacaoyère à bon marché avec une main-d’œuvre étrangère sans valeur à la solde des maîtres du monde cacaoyère…je laisse ici le soin à tout un chacun de creuser l’absurdité de ce raisonnement.

Peuple de l’ouest votre trop grande gentillesse vous tue aujourd’hui. Pourquoi vous et non pas les autres ? Si Dieu il y a, un jour cette trop grande générosité vous ouvrira les portes de l’Hadès pour parler Helléniste. Vos morts ne sont morts en vain car ils ne regretteront jamais cette singularité sociologique ayant inspiré votre extermination. Ne changer rien en ce que vous êtes, mais comprenez que vous mourez à cause de ces plantes venues d’ailleurs. Faut-ils les brûler pour autant ?

Loving Gbagbo Koudou

Ps : les références historiques ici cités sont tirées du rapport conjoint de YAPI AFFOU et de
Kouadio TANO in LA BOUCLE DU CACAO EN CÔTE D’IVOIRE.

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