Cdt Zackaria Koné, Frci: “Comment je suis devenu dozo”

Photo par Silué

Nord-Sud

L’amour du commandant Zackaria Koné pour les armes date d’avant son entrée dans l’armée. Il est chasseur et appartient à la confrérie des dozos.

D’entrée, une précision de taille : « je ne parle pas en tant que militaire mais en tant que dozo ». Dans son bureau du camp Génie à Adjamé, le commandant Zackaria Koné consent à évoquer son appartenance à cette confrérie mystique. Un héritage avec lequel il compose depuis sa naissance mais qui a été formalisé il y a trente-deux ans quand il a été initié. Un grand-père, puissant dozo, et un grand amour pour la chasse, cela ne pouvait donner autre chose. Il se souvient que, déjà très jeune, il était la peur des animaux. Il en a abattu un nombre important. Et, parmi les plus impressionnants. Aussi, quand son grand papa décède, décide-t-on de lui trouver un héritier. «Lorsqu’il a fallu trouver un remplaçant à mon grand-père dans la confrérie des dozos, les vieux ont voulu que ce soit moi. C’est vrai que j’avais des aînés qui avaient été déjà initiés. Mais vu mon courage et mes exploits de chasseur, bien que jeune, ils ont porté leur choix sur moi. C’est ainsi que j’ai été initié. Cela fait maintenant trente-deux ans», rapporte-t-il. C’était à Vandougou, à proximité du village de Gbéyo, avec le vieux Mogotigui Molo. Trente-deux ans ? A quel grade cela correspond-il dans la confrérie ? Là, le commandant sort le joker des grands mystiques : l’humilité. « Je ne suis pas un maître. Je suis encore un élève », répond-il. Quoiqu’au passage, il reconnaît avoir atteint un niveau au-dessus de celui de son géniteur. Nous y reviendrons. En 1991, la localité est en proie à de nombreux braquages, surtout en période de récoltes. « Les vieux ont décidé de former les jeunes à la chasse (le dozoya, la science des dozos, ndlr). C’est ainsi que plusieurs d’entre eux ont embrassé la chose. L’objectif initial était d’assurer la défense de leurs biens vu que les forces nationales peinaient à le faire», confie-t-il. « Malheureusement, regrette le commandant, nombreux sont ces jeunes qui ignorent tout de la philosophie de la confrérie. Certains croient qu’il s’agit de s’asseoir devant des magasins pour avoir quelques billets de banque » regrette-t-il. Pour lui, le dozoya est une valeur culturelle. «Il y a plusieurs types d’écoles. Avoir des diplômes à l’école occidentale ne signifie pas qu’on est plus intelligent que ceux qui n’y sont pas allés. Il y a des gens qui ont des diplômes mais qui posent des actes que ceux qui n’en ont pas n’accepteraient pas de poser », indique-t-il. Et, c’est une école qui a ses particularités : «j’ai mal de voir les Africains abandonner leur culture ». Il s’engage donc dans la promotion de cette confrérie qui reste une nébuleuse pour la plupart des Africains avec l’organisation d’une grande rencontre de dozos, le mois prochain, à Odienné. « L’objectif de cette cérémonie est de renforcer l’entente entre les membres du groupe. Mais aussi d’informer sur ses préceptes réels. Aujourd’hui, chacun se présente comme dozo. Alors que le dozoya, c’est une connaissance africaine. Les initiés savent ce que c’est », commente-t-il. Selon le commandant Zackaria Koné, être dozo n’est pas incompatible avec son métier de militaire. « Le milieu du soldat, c’est la caserne donc la brousse. Celui du chasseur est également la forêt. Les deux ne s’opposent pas », assure-t-il. Il en est de même avec sa foi musulmane. Bien qu’ayant effectué le pèlerinage à La Mecque quatre fois, il soutient qu’être dozo n’altère pas sa croyance en Allah. « Ce n’est pas le dozoya qui fera entrer quelqu’un en enfer. Quand tu connais la culture, il y a des choses que tu ne fais pas. Il y a des personnes qui sont très instruites dans la religion mais qui font des choses qu’on ne saurait imaginer. Dieu regarde le comportement des gens », argumente-t-il. Selon lui, les néophytes confondent dozo, marabout et féticheur. « Ce n’est pas la même chose. Un féticheur n’est pas un dozo tout comme un marabout ne l’est pas non plus. Mais, un individu peut être dozo et être, à la fois, marabout ou féticheur », nuance-t-il. A l’en croire, chacune de ces corporations a ses connaissances mystiques et ses secrets. « Je vous donne l’exemple de mon père qui est, aujourd’hui, âgé d’environ cent dix ans. Il était un très grand chasseur. Il a tué des animaux dangereux. Lors d’une partie de chasse, il s’est battu, les mains nues, avec une panthère. Pourtant, il n’était pas un dozo », raconte-t-il. Qu’était-il alors ? « Il y a des personnes qui ont des pouvoirs naturels. Ils n’ont pas besoin d’appartenir à un groupe », répond-il. On comprend mieux quand il affirme qu’il avait, lui-même, des prédispositions naturelles à la mystique dozo.

Bamba K. Inza

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