Interview Relations avec Gbagbo, Ouattara, Raison d’Etat sur RTI, etc.
Réalisée par Raymond Dibi Source: L’Intelligent d’Abidjan
Depuis quelques jours, il y a une chaîne de solidarité qui se crée autour de votre situation. Quelles sont vos impressions, au regard de cette mobilisation ?
Il y a une véritable chaîne de solidarité qui s’est mise en place et je voudrais, avant de remercier toutes ces personnes, vous remercier et remercier tous vos confrères qui ont fait paraître des articles pour parler de ma situation et en même temps dire merci à tous ces amis qui animent et qui continuent d’animer les réseaux sociaux. Merci vraiment à vous parce que vous avez attiré l’attention sur une situation qui dure. Elle n’est pas nouvelle. Le mois prochain cela va faire un an que je souffre en silence. Un an que mes avoirs sont gelés. Un an que ma vie a été détruite. Elle a basculé en une fraction de seconde. Donc je vous remercie pour cette solidarité, cette confraternité que je n’ai pas toujours sentie. Je voudrais vraiment dire merci à toutes ces personnes qui m’appellent du monde entier. De tous les quatre coins du monde pour me manifester leur soutien, leur affection, et me dire comme ça que je ne suis pas seule, qu’ils ne m’abandonneront pas et qu’ils ne me laisseront pas mourir. Ça fait chaud au cœur que des gens que tu n’as jamais imaginés et que tu ne connais pas mais à qui tu as pu donner, peut-être un jour, du plaisir, de par ton travail à l’écran, puissent se mobiliser, être aussi zélés, pour prendre des engagements, pour apporter des médicaments, pour apporter de l’argent. Par exemple, un jeune homme comme Steve Biko que je n’ai jamais vu. Je ne le connais ni d’Adam ni d’Eve. Mais à partir de l’internet, il s’est mobilisé pour me venir en aide dès qu’il a appris ma situation sur le net. Il a pris l’engagement de m’aider en collectant des médicaments ou même des fonds, ou même en parlant avec Reporters Sans Frontières pour leur dire que j’ai besoin d’être soignée quelque part. Oui parce que ma situation était difficile. Il est en contact avec moi, tous les jours, et il ne fait rien sans m’aviser. Aujourd’hui où je vous parle, j’ai peut-être déjà pour six (06) mois de médicaments, assurés. Que Dieu bénisse toutes ces personnes qui me soutiennent en ces moments difficiles.
Vous avez dit tout à l’heure que vous n’avez pas toujours senti cette confraternité…
Aujourd’hui, je me réjouis de ce que l’opinion nationale et même internationale est informée de ma situation. Une organisation comme Reporters Sans Frontières mondialement reconnue a pu prendre position pour moi en m’apportant une aide humanitaire de 550 euros (Ndlr, 360 000 de F CFA). Ça m’a fait chaud au cœur parce qu’ils ont réagi par leurs représentants en Côte d’Ivoire et puis par leurs responsables du siège de Paris qui m’ont vraiment soutenue par téléphone mais aussi de visu, ils sont venus me voir et ils m’ont apporté cette bourse d’assistance comme ils l’appellent. Ça m’a fait très chaud au cœur parce que cette confraternité, cette attention, je ne l’ai pas sentie dans mon propre pays. Je suis journaliste, donc j’appartiens à un corps de métier. Et je n’ai pas vu un seul membre d’une organisation de la presse lever le petit doigt. Ne serait-ce que pour demander qu’on dégèle mes avoirs ou même m’appeler pour savoir quelles sont les difficultés que je traverse. Ça fait chaud au cœur. Mais je n’en veux à personne. Ce qui m’arrive, je me dis si c’est arrivé, c’est parce que Dieu le veut. Mais c’est ce même Dieu qui me soutient depuis février 2011 jus-
qu’à maintenant. Donc, aujourd’hui, je suis heureuse, de savoir que dans le monde entier, il y a des gens à qui j’ai pu apporter du bonheur un jour. Il y a des gens qui ont apprécié mon travail. Et que je ne suis pas forcément celle qu’on veut faire croire que je suis.
C’est vrai qu’il y a une grande mobilisation autour de vous mais ne craignez-vous pas qu’il y ait de la récupération ?
Tout à fait ! Aujourd’hui, il est important de dire le problème, c’est celui-là. Moi, je veux recentrer les choses. Je ne lance pas un S.O.S parce que je suis à la mort. Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Il y a une situation qui durait depuis un an (depuis le mois de février 2011), et c’est cette situation que des amis ont voulu faire connaître au monde entier. Sinon je suis diabétique depuis 1998. Et si le monde ne l’a pas su, c’est parce que je vivais du fruit de mon travail. J’avais les
moyens de me soigner et donc je vivais ma petite vie. Mais c’est parce qu’on a gelé mes avoirs que les difficultés ont commencé. Il ne s’agit pas de demander l’aumône. Je précise bien, je ne demande pas l’aumône parce que mon Dieu m’a soutenue jusqu’à maintenant. Il a permis à ceux qui devraient m’aider de m’aider jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, c’est le même Dieu qui veut que cette situation injuste soit portée à la connaissance de tout le monde entier. Il ne s’agit pas seulement de la Côte d’Ivoire. Il s’agit de dire au monde entier, on parle de réconciliation, mais voilà quelqu’un qui est en train de mourir dans son pays parce que ses avoirs sont gelés et qu’elle est malade et elle ne peut pas se soigner. Donc je demande vraiment pardon à toutes les personnes qui sont dans des organisations à connotation politique de me laisser tranquille. Je ne veux pas d’aide politique. Je ne veux pas d’argent à couleur politique. Je ne veux pas de médicaments à couleur politique. J’ai assez payé le prix pour ce que je n’ai pas fait. Je ne suis pas membre d’un parti politique. Je n’ai aucune carte de militant. J’ai eu le malheur de faire mon travail à un moment donné. C’est de ça qu’il s’agit. Donc de grâce, qu’on ne récupère pas cette solidarité internationale qui est en train de se mettre sur pied pour m’aider à passer le mo-
ment difficile que je vis en attendant qu’on dégèle mes avoirs. L’objectif de cette opération c’était qu’on dégèle mes avoirs, que les autorités se rendent compte que je vis une situation difficile. Voilà l’objectif. Donc de grâce qu’on ne récupère pas cela.
A vous entendre, vous voulez dire que vous viviez une situation difficile mais qu’au fond vous n’êtes pas misérable ?
Vous me voyez, je ne suis pas alarmante. Je ne suis pas misérable. Non ! Je ne suis pas misérable par la grâce de Dieu. Parce que dans cette situation, n’importe qui aurait été misérable. Mais mon Dieu a permis qu’il y ait des gens qui se reconnaissent, je n’ai pas besoin de les citer, ils ne sont pas nombreux, qui me viennent en aide. Dieu n’a jamais permis que je manque de quoi que ce soit. Mais seulement cette situation injuste ne pouvait pas durer éternellement, il fallait qu’elle soit portée à la connaissance du monde entier. Donc je ne suis pas misérable. C’est vrai qu’il y a des confrères qui ont écrit que je suis misérable. Mais pour moi, je pense que c’est une façon pour eux de m’aider en attirant vraiment l’attention des uns et des autres. Ils voulaient simplement dire : « si vous ne faites rien, voici ce qui va arriver ». Je pense que c’est comme ça qu’il faut comprendre cela. Sinon je ne suis pas à la mort, Dieu merci. Des informations relayées dans la presse, indiquent aussi que votre époux vous a lâchée dans ces moments difficiles que vous traversez…Vous savez, c’est vrai que je me décide à parler aujourd’hui mais je ne suis pas coutumière de m’étaler dans les journaux. Ça, on le sait très bien. Je veux dire que ce n’est pas moi qui ai donné l’information, elle a été sue. Mais je pense qu’il faut comprendre ça comme cela. Aujourd’hui je me retrouve seule. Que chacun fasse son interprétation mais en tout cas, je suis seule avec mes deux enfants dans les difficultés. Je pense qu’à ce niveau, la guerre est aussi passée par là.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous payez aujourd’hui votre manque de professionnalisme pendant la crise postélectorale ?
Je pense qu’aujourd’hui, c’est l’occasion de donner ma version. C’est vrai que je lis cela aussi, j’entends, mais je ne veux pas rentrer dans la polémique. Je dis simplement que quand je regarde, aujourd’hui, avec du recul, je comprends seulement que j’ai eu le malheur d’être à mon poste de travail au moment où cela est arrivé. Je ne sais pas ce qu’on appelle le manque de professionnalisme dans ce cas-là. Quand vous êtes dans un média public et que les autorités qui sont au pouvoir vous donnent des instructions, je ne vois pas quelle autre attitude dois-je adopter à part ce que j’ai fait. Ensuite, ces émissions, pendant la crise postélectorale, j’ai été amenée à les animer après huit (08) mois de suspension d’antenne, sans explication, par une direction qui était supposée être pro-Gbagbo. Donc les loups vont se manger entre eux ? Et quand on me fait revenir et que c’est en ce moment-là que ces émissions arrivent et qu’on me dise que ces émissions sont pilotées depuis là-bas, vous voulez que je fasse quoi ?
Soyez plus explicite …
Je veux dire que ces émissions étaient pilotées par les autorités d’alors. Dans ce cas, vous voulez que je fasse quoi ? Moi j’avais peur de perdre mon boulot. Personne ne peut imaginer à quel point j’ai été persécutée à la télévision sous Laurent Gbagbo. Donc je ne comprends pas ! Et quand on m’a suspendue huit (08) mois, Gbagbo aurait pu lever le doigt pour dire « non qu’est ce que vous faites à cette fille-là, c’est ma journaliste ». Ça n’a pas été fait. Et même, quand la guerre a éclaté, jusqu’à aujourd’hui, ceux qu’on dit que je suis supposée être avec eux, personne n’a cherché à savoir où je suis, et si je suis vivante. Donc je pense qu’il ne faut pas me faire porter ce chapeau plus longtemps.
Awa Ehoura, veut-elle dire qu’elle n’a fait que son travail, pendant la crise postélectorale ?
Moi, je pense que j’étais en train de faire mon travail.
A vous entendre, c’était comme si vous étiez prise en otage. Pourtant certains de vos collègues, pendant cette période, ont préféré arrêter le travail à la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne). Est-ce qu’il n’y avait pas d’autres alternatives pour vous ?
Les collègues dont vous parlez parce qu’aujourd’hui, ils ont beau dos de montrer qu’eux, ils étaient de l’autre côté. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Eux, ils rusaient. Combien de repos maladie, ils n’ont pas pris pour refuser de travailler. Ils n’ont jamais dit clairement comme ça qu’ils ne travaillaient pas. Ils ont rusé par des repos maladie jusqu’à prendre congé annuel. Parce qu’eux, ils savaient ce qui se passait. Mais moi, je n’ai rien soupçonné. Et j’ai accepté de faire les émissions parce que je ne savais pas dans quel sens cela partait. Puisque je venais d’écoper de huit (08) mois de sus- pension d’antenne d’où j’ai par ricochet perdu huit (08) mois de prime d’habillement liée à la présentation du journal. Cela m’a coûté quand même un manque à gagner de près d’un million. On m’a suspendue vers la fin du mois de mars à octobre-novembre 2010, sans explication. Et la demande d’explication m’a été parvenue, deux semaines après ma suspension. Et quand j’ai répondu, je n’ai pas eu de notification de ma faute, de notification de la sanction, de notification de la durée. Donc c’est pour les élections qu’on m’a ramenée. Les gens savaient très bien ce qu’ils étaient en train de faire. Pour un oui pour un non, on me suspend. Donc je ne pouvais pas prendre le risque de dire que je ne travaille pas. Surtout que je n’avais pas un autre pied ailleurs. Tout ceci pour dire que je n’avais pas d’autres choix parce que j’étais déjà persécutée par la direction qui était là. Je ne pouvais pas m’exposer encore.
Avec tous ces problèmes que vous évoquez, peut-on dire que vous n’avez aucun lien avec l’ancien régime ou avec l’ex-Chef de l’Etat ?
Je n’ai aucun lien politique avec qui que ce soit. Je mets au défi quiconque pourrait me dire, « on t’a vue dans un meeting, tu es sympathisante, tu es militante ». C’est pourquoi je ne veux pas d’aide à coloration politique. Tous ceux qui me viennent en aide depuis que l’opération a été lancée sont des personnes individuelles, des personnes qui s’organisent dans leur travail, au niveau de leur service, au niveau de leur famille, pour me venir en aide.
Mais les grandes collectes à coloration politique, je ne me reconnais pas là-dedans et je n’en veux pas. La seule chose qu’on peut dire, c’est que je connais la personne de monsieur Laurent Gbagbo. Il m’a nommée conseiller à l’époque donc je ne peux pas dire que je ne le connais pas. Mais je ne suis pas politicienne, je n’ai jamais participé à un meeting politique, je n’ai jamais participé à une réunion politique. Je ne suis pas LMP, je ne suis pas FPI, je ne suis pas RDR, je ne suis rien. Et peut-être même c’est le fait de n’être rien du tout qui m’entraîne dans ces problèmes ! Parce que si un jour j’avais pris position pour être dans un parti politique, peut-être que mon parti m’aurait défendue. Mais aujourd’hui, je suis laissée au milieu de tout le monde. D’un côté, les autorités au pouvoir et de l’autre côté, LMP. Finalement, je suis une victime au milieu de tout le monde. Des rumeurs ont couru au sujet de relations extraconjugales entre vous et le Président Laurent Gbagbo. Awa
Ehoura était-elle oui ou non la maîtresse de l’ex-Chef de l’Etat ?
Je profite de votre journal et je pense que c’est le moment qui est arrivé pour que je crie mon ras-le-bol. Je suis fatiguée et je veux qu’on sou-
ligne cela. Je suis fatiguée de toutes ces rumeurs qu’on colporte sur mon compte. Je n’ai jamais voulu répondre mais je pense qu’il est temps. Mon fils qui a neuf (09) ans est en train de grandir. Et il commence à entendre des choses qui ne me plaisent pas du tout. Pensez-vous, quand vous me voyez, je ressemble à quelqu’un qui est assez idiot pour être la maîtresse de Laurent Gbagbo qui a été Président de la République de Côte d’Ivoire pendant dix (10) ans et de n’avoir pas pris de disposition pour me retrouver dans cette misère ? Je vous pose la question. Vous pouvez imaginer cela ? Mon fils a un père, son père est dans cette nation, la famille de son père est dans cette nation. Les tests d’ADN existent. Celui qui veut le faire, qu’il vienne le faire. Mais je suis fatiguée. Parce qu’à partir de main- tenant, je porterai plainte pour diffamation contre quiconque dira que j’ai été la maîtresse de Laurent Gbagbo et que mon fils est son fils. Le père de mon fils est vivant. Donc qu’on arrête cette comédie. Je n’ai jamais réagi parce que ce n’est pas mon style et je n’ai pas à courir derrière le mensonge parce qu’il va mourir de lui-même. Vous êtes là, vous avez vu mon fils, il ressemble à un fils de Président ? Il ressemble à un fils de Jésus Christ mais pas à un fils de Président comme on le voit ici. Donc que les gens arrêtent ça. Les épouses de Laurent Gbagbo, vous savez où elles se trouvent ! Qu’on me laisse tranquille. Ça fait partie des casquettes que je ne veux plus porter. Tous ceux qui parlent de mes compétences ne m’ont jamais donné de responsabilités. C’est le Président Laurent Gbagbo qui m’a donné une responsabilité, qui m’a nommée directrice à la télévision et qui m’a nommée conseiller. Je ne peux qu’être reconnaissante à ce monsieur pour cela. Quand mon père est mort, c’est lui qui a été à mes côtés encore. Pourquoi on veut transformer cette reconnaissance en soutien politique ? Je ne sais pas faire de la politique. C’est pourquoi je n’ai pas duré au Palais en tant que conseiller politique. Parce que je ne connais pas la politique. Je ne sais pas mettre les peaux de bananes, je ne sais pas faire les intrigues. Donc par miracle, Dieu m’a fait sortir du Palais. Qu’on arrête ces histoires.
Toujours selon des rumeurs, vous serez la nièce du Président Alassane Ouattara. D’où des personnes s’expliquent difficilement la situation que vous vivez en ce moment.
Que dites-vous ?
Je ne sais pas depuis quand le livre du ministre Cissé Bacongo est sorti mais c’est à travers cet ouvrage que j’ai appris cette information. Je n’étais même pas au courant. Ce qui va vous étonner, moi je suis journaliste, c’est vrai. Mais vous savez dans le métier, le journaliste présentateur ou le journaliste de studio comme on le dit, n’a rien à voir avec le journaliste reporter. Donc nous, on a notre milieu. Et puis, la poli- tique m’avait tellement dégoûtée, le fait de voir les hommes politiques s’insulter, faire n’importe quoi, je ne lisais plus les journaux. Je ne m’informais que lorsque je devais faire le journal. Donc pour moi, le journal télévisé c’était devenu un moyen de gagner ma vie. Et c’est pour ça que je n’ai pas senti le vent tourner. Parce que je le faisais mais innocemment. Je n’ai jamais imaginé que dans ce pays, on arriverait à se battre avec des armes. Donc depuis 2002, je suis une traumatisée. Tout ceci, pour dire que lorsque j’ai appris qu’il paraît qu’il y a un passage dans ce livre qui dit que je suis la nièce du Président Alassane Ouattara, je dit « mais ce n’est pas possible, je ne peux pas être la nièce de quelqu’un que je n’ai jamais vu ». Donc si c’est mon parent, au moins, un jour, on allait se voir. Or par extraordinaire, même dans mon métier de journaliste, je n’ai jamais eu l’honneur de rencontrer le Président de la République ni son épouse. Ce qui n’est pas le cas pour lesautres personnalités de ce pays même de ce gouvernement actuel. Malheureusement, mon père étant très malade, à l’époque, on n’a jamais eu l’occasion de parler de cette situation jusqu’à ce qu’il décède, pour qu’il m’explique si vraiment il y avait un lien avec le Président Alassane Ouattara. Donc, en même temps, je vous ramène la balle. Si le Président de la République est mon oncle et que je suis sa nièce, mais de grâce, les problèmes même les plus graves se règlent en famille. Il peut convoquer sa nièce pour lui dire qu’est-ce que tu es en train de faire ? Dans tous les cas, je n’en sais rien du lien que j’ai avec le Chef de l’Etat. Donc je ne peux pas faire de la récupération au moment où je suis dans les difficultés. Je ne veux pas raconter des histoires. Mes grands-parents sont morts, mon père est décédé. Donc franchement, je ne sais rien sur ce sujet.
Vous êtes malade et vos avoirs sont gelés. Au regard de cette situation difficile que vous traversez actuellement, avez-vous un message particulier à l’endroit du Chef de l’Etat ?
On a coutume de dire que le Chef de l’Etat est le père de tous les Ivoiriens. Je veux simplement dire au Président de la République, à Son Excellence Alassane Ouattara, que je suis son enfant comme tous les Ivoiriens. Il s’est passé des choses graves dans ce pays et il y a une situation où je suis accusée. C’est-à dire, aujourd’hui, l’accusation qui est portée contre moi, dans chaque fa- mille, de l’autre côté, chacun à son accusation. Je ne peux pas faire le tour de toutes les maisons. Mais il se trouve que j’ai été dans mon travail à un moment donné où je n’aurais pas dû être là. C’est ce que je comprends maintenant. On m’accuse d’avoir participé, à travers mes émissions, à quelque chose qui a fait du mal aux Ivoiriens. Je ne me reconnais pas avoir incité à la haine mais je reconnais que j’ai été à mon poste de travail à un mauvais moment, ça oui je le reconnais. Je m’incline devant tous ces morts et je dis que je n’ai pas participé à cela. Mais je suis accusée et je ne peux pas aller dans toutes les maisons. Donc à travers votre journal, je demande pardon à tous ceux que mes émissions, mes paroles que j’ai tenues pendant mes émissions, ont pu blesser. A tous ceux à qui ça fait du mal, vraiment du fond de mon cœur, je demande pardon. Mais ce n’était pas mon intention, je n’avais pas eu le choix, j’étais à mon poste de travail. Je demande vraiment pardon. Je dis simplement à Son Excellence le Président de la République de comprendre que, en gelant mes avoirs, ma vie est détruite. C’est vrai que pendant la guerre, des personnes ont perdu la vie. Je m’incline devant ces morts mais je ne suis pas responsable. Je demande pardon et ce que je veux, c’est simplement qu’on dégèle mes avoirs pour que je puisse me soigner et vivre correctement comme tous les Ivoiriens. Au moment où on fait l’interview ce matin (Ndlr, le samedi dernier) mon taux de glycémie est à 3, 20. Mais j’ai l’habitude d’avoir des taux de glycémie qui montent à 5 voire 6. Puisque je ne peux pas me soigner correctement. Et que je ne me nourris pas correctement. La manière de m’alimenter est aux antipodes de ce que je devais faire. Comme toute maladie mal traitée, je vis les conséquences. La situation est d’autant plus difficile parce que je ne suis plus jeune. En mars prochain, j’aurai cinquante (50) ans. Aussi, je ne sors pas pour marcher dans le quartier, ce qui est important quand on souffre du diabète. Les rares fois que j’ai voulu sortir de la maison, cela a créé un attroupement autour de moi. J’ai donc peur pour ma sécurité. Raison pour laquelle, je ne veux pas prendre le risque d’aller dans un centre de santé pour me faire suivre. Parce que je ne sais pas où le danger peut venir. Tout ceci complique ma situation. Régulièrement, si je ne suis pas suivie, en marchant toute seule, je trébuche. Il y a trois semaines, j’ai fait une paralysie de la main gauche. Je ne demande pas d’aumône, je ne demande pas quelque chose de spécial. Je demande simplement que le Chef de l’Etat ait compassion, qu’il dégèle mes avoirs pour que je puisse me soigner convenablement, avoir une vie normale et participer aussi à la réconciliation nationale dont il parle. C’est vrai on parle d’indépendance de la Justice, mais si les autorités se penchent sur mon cas, le parquet qui est sous ses ordres agira. Dès le début, quand la RTI a repris, j’ai demandé pardon et j’ai dit que j’étais disposée à travailler. Mais les nouveaux responsables de la RTI ont jugé bon de me pousser vers la sortie, en me mettant en chômage technique, et bientôt me licencier. Je pense que j’ai fait ma part.
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