Fin 2011, l’ONG britannique Global Witness annonçait quitter le poste d’observateur qu’elle détenait au sein du processus de Kimberley. Depuis dix ans, cette certification est destinée à empêcher la présence des diamants du sang dans les circuits du commerce international licite.
Le processus de Kimberley a « échoué à trois égards : il ne s’est pas penché sur la question du commerce de diamants du conflit provenant de Côte d’Ivoire ; il n’a pas été disposé à prendre des mesures vigoureuses alors que, pendant plusieurs années, le Venezuela perpétrait de flagrantes atteintes à ses règles ; il ne s’est pas non plus montré disposé à veiller à ce que les diamants cessent d’alimenter la corruption et la violence au Zimbabwe. Il s’est fait complice du blanchiment des diamants – des diamants sales ayant été mélangés à des gemmes propres ». Tel est le verdict de l’ONG britannique Global Witness, qui l’a poussée à quitter le processus de Kimberley en décembre dernier.
« En refusant d’évoluer et de se pencher sur les liens inéluctables qui existent entre les diamants, la violence et la tyrannie, le processus de Kimberley est devenu un mécanisme de plus en plus obsolète », ajoute l’ONG. Un avis partagé par Tiseke Kasambala, chercheuse à la section Afrique de Human Rights Watch (HRW) : « le dispositif va effectivement devenir obsolète, s’il n’est pas en mesure d’arrêter les atteintes aux droits humains perpétrés par ses Etats membres». Par ailleurs, cette « incapacité du processus de Kimberley à répondre de façon adéquate aux violations perpétrées par des gouvernements tel que le Zimbabwe, dans l’optique de garantir la bonne santé du marché du diamant, remet en question sa crédibilité en tant qu’organisme de régulation », estime encore Tiseke Kasambala.
50 participants représentant 76 pays
Créé en 2000 et lancé officiellement en 2002 avec l’appui des Nations unies, le processus de Kimberley est tripartite. Il regroupe des gouvernements, l’industrie du diamant (à travers le Conseil mondial du diamant) et la société civile, représentée par la Coalition de la société civile. En 2011, il compte ainsi 50 participants représentant 76 pays, l’Union européenne et ses États membres comptant comme un seul participant. Tous ses membres doivent « répondre à certaines ‘conditions minimales’ qu’ils doivent transposer dans leur droit national et leurs institutions », et sont tenus de « prévoir des contrôles des exportations, des importations et des échanges nationaux de diamants bruts et de s’engager envers la transparence et l’échange des données statistiques ». Malgré le départ de son poste d’observateur, Global Witness reste membre de la Coalition de la société civile du Processus de Kimberley, afin de poursuivre ses travaux avec les autres ONG. Le Conseil mondial du diamant a néanmoins exprimé « son regret » et a aussitôt demandé à l’ONG de « revoir sa position » jugée « contreproductive », car c’est via « le dialogue et l’engagement que le processus de Kimberley pourra s’améliorer ». L’association britannique rappelle à l’industrie du diamant qu’elle « devrait être tenue de démontrer que les diamants qu’elle vend n’alimentent aucun abus – en respectant les normes internationales applicables aux contrôles de la chaîne d’approvisionnement en minerais, y compris l’exigence de réalisation d’audits par des tiers indépendants et la nécessité de divulguer des informations publiquement et régulièrement ».
Lancement d’un processus de réforme?
Le Conseil mondial du diamant défend au contraire le processus de Kimberley, qui selon lui « a prouvé au fil des ans son efficacité ». Quant au cas du Zimbabwe, « il y a eu une suspension des exportations légales de diamants de la région de Marange pendant deux ans. Puis il a été démontré que la situation dans certaines mines s’était améliorée, permettant une reprise des exportations surveillées. En effet, tandis que les boycotts contre le Zimbabwe ont presque tous prouvé leur inefficacité, le processus de Kimberley a été la seule organisation en mesure de signaler des progrès réels pour amener le gouvernement à modifier son approche », argue le Conseil mondial du diamant. HRW estime au contraire que le gouvernement du Zimbabwe qui s’était engagé, entre autres, à retirer progressivement ses forces armées des champs de diamants, « a failli à sa promesse et les exactions n’ont pas diminué ».
Comment améliorer l’efficacité du processus de Kimberley ? Selon Tiseke Kasambala, il « doit mettre le respect des droits humains au cœur de son mandat. Il faut également changer la façon dont sont prises les décisions, et notamment la règle du consensus pour parvenir à un accord ». Le 20 décembre dernier, la République démocratique du Congo, président du processus pour l’année 2011, remettait à l’ONU son rapport de synthèse. La RDC y mentionne la décision des représentants de la société civile « de ne pas participer à la plénière de Kinshasa de novembre 2011 », pendant laquelle la reprise des exportations des diamants en provenance de la région de Marange a été autorisée. La RDC rappelle dans ce rapport que « la participation de la société civile est essentielle, en particulier dans le cadre du lancement du processus de réforme et de l’examen périodique du fonctionnement du système de certification du processus de Kimberley afin d’améliorer son fonctionnement ». Il incombe désormais aux Etats-Unis, qui succèdent à la RDC au poste de président, de lancer cette réforme en 2012.
Ioana Doklean
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