Côte d’Ivoire – Soro Guillaume est un assassin selon Doumbia Major

INTERVIEW Source: Trait d’Union

Ancien leader du syndicat estudiantin, FESCI, Docteur Doumbia Major, préside depuis son exil en France un mouvement politique ivoirien dénommé CPR (Congrès Panafricain pour le Renouveau). Il a soutenu l’élection du président Ouattara et a voulu revenir en Côte d’Ivoire, après la chute de Laurent Gbagbo, afin de prendre part aux élections législatives. Doumbia Major était candidat dans la commune de Yopougon ; il a dû se raviser. Il explique tout, dans cette interview exclusive, et fait des révélations qui côtoient vérités inédites et analyses.

M. Doumbia Major, vous aviez entrevu de revenir en Côte d’Ivoire après la chute de Laurent Gbagbo. Curieusement vous poursuivez votre vie d’exilé. A quoi cela est dû ?

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Photo primature

C’est de la pure haine, couplée à la peur non justifiée de certaines personnes, qui me maintient hors de mon pays. Guillaume Soro et la majorité de ses hommes veulent m’éliminer physiquement, car pour eux j’en sais un peu trop. Ils considèrent que je représente une menace pour les ambitions politiques de Soro. Guillaume Soro qui règne par la terreur et la mystification entretenue par des mythes, a fait savoir à ses hommes que je suis la personne dont il faut empêcher le retour au pays, par tous les moyens. Dans leurs petits calculs mesquins de conquête du pouvoir, ils sont parvenus à la conclusion que je suis un adversaire qui peut s’opposer aux ambitions de Guillaume, puisqu’ils constatent que j’ai une qualité qui dans certaines conditions peuvent nuire à leur chef. Selon leur propre propos, je suis un insoumis qui en plus a le charisme, la légitimité, ainsi que les arguments sur le plan intellectuel et intrinsèque pour m’opposer à leur chef.

Sont-ce ces menaces qui vous ont découragé pour les élections législatives ?

Exactement, c’est ce qui explique que je ne suis pas rentré pour participer aux législatives, car j’avais des renseignements qui m’ont instruit d’un complot d’assassinat de ma personne qui était en vue. On m’a fait savoir qu’ils voulaient me faire abattre, et le mettre sur le compte des miliciens de Yopougon. Je n’aurais pas pris cette menace sur ma vie au sérieux, si elle ne venait pas de source militaire introduite dans le milieu. Quand ces menaces d’assassinat viennent de la part de personnes qui ont assassiné gratuitement un garçon qui était considéré comme mon petit frère à savoir Koné Morel, qui m’a été confié par son père à Ferké, et aussi un garçon comme le petit Doumbia Amara, qui portait le nom Doumbia Major, parce qu’il me considérait comme un modèle, il y a de quoi le prendre au sérieux et se tenir à distance. Des personnes qui n’ont pas hésité à tirer sur l’ombre de la proie, n’hésiteraient pas à tuer la proie elle-même, si elle se mettait à leur portée.

Ayant su cela, qu’avez-vous fait pour interpeller les autorités compétentes ?

Pour le déjouer, j’ai donc écrit à Guillaume Soro lui-même, pour demander la protection de l’Etat, puisqu’il est le ministre de la défense et le Premier ministre. J’ai voulu le mettre devant ses responsabilités d’homme d’Etat, pour qu’il fasse la différence entre sa personne et l’Etat qui a la mission de protéger les personnes, sur lesquelles planent des menaces de ce genre. Son silence n’a fait que confirmer que les informations que j’avais, étaient vraies. De toutes les façons, ce n’est pas la première fois que j’échappe à des tentatives d’assassinat de leur part. Ce dernier était le troisième ou le quatrième du genre dont j’ai eu connaissance, sur la liste de ce genre de projets macabres dont ils sont friands.

Ah bon ?

Vous savez, ça me dérange de parler de ce genre de comportement crapuleux, au moment où je devrais utiliser mon énergie et mes facultés pour parler de mon pays. mais c’est à ce bas niveau de pratiques criminelles et mafieuses que certains ont ramené notre pays! Un homme comme Wattao lui-même a avoué devant un ami commun, Fadiga de Milano, et devant un journaliste, Phillipe Kouhon, à l’hôtel Marriott de Neuilly-sur-Seine qu’il a manqué de m’enlever à Ouagadougou. J’ai échappé à un autre coup mortel à Bouaké, lorsque j’étais en visite au pays en 2003, pour rencontrer l’association des rois et chefs traditionnels, pour trouver une solution au conflit qui les opposait à IB. Au moment de l’assassinat d’Adam’s Bachir à Korhogo, ils étaient convaincus que j’y étais, donc ils ont fouillé toutes les maisons et même les puits, car ils me cherchaient pour me tuer, ce jour. Alors que j’étais tranquillement en France en train de travailler avec mon équipe de recherche. Alain Lobognon, qui ne le savait pas avait même tenté de faire croire sur une chaîne de radio que j’avais fui Korhogo. Ce sont là des choses publiques que les Ivoiriens savent. Il est clair que si je rentre aujourd’hui au pays, ceux qui ont tenté de me tuer à plusieurs reprises recommenceront, pour réaliser enfin leur vœu le plus cher qui est de me voir disparaître.

Comment peut-on parler de réconciliation nationale dans ces conditions quand au sommet de l’Etat, ils se trouvent des personnes dont le seul réflexe est de dégommer physiquement tous ceux qu’ils estiment gênant pour leurs ambitions ?

Monsieur Banny a du pain sur la planche, car le vrai problème c’est que ce sont ceux qui doivent assurer la sécurité qui sont les auteurs de l’insécurité contre les biens et les personnes. Je crois que le président Ouattara doit prendre la sécurité des citoyens en main, il ne peut pas laisser cette question entre les mains de personne qui n’ont pas la maturité politique suffisante, pour faire la différence entre leur personne et l’État, dont la mission de protection des citoyens va au-delà des sentiments et ressentiments personnels. Pour que le Premier ministre Guillaume Soro ait, selon vous, l’intention de vous faire passer de vie à trépas, il faut bien que vous lui ayez fait quelque chose d’assez grave tout de même… Je me suis toujours gardé de parler du fond de ce problème, en pensant que les années allaient apporter plus de sagesse à ceux qui veulent ma mort, mais hélas! En fait, Guillaume Soro m’en veut, car j’ai toujours dénoncé publiquement ses mauvaises conduites depuis que nous somme jeunes. Ce sont ces haines préhistoriques qui datent de notre passé d’étudiants qu’il traîne. Il m’en veut d’avoir toujours dénoncé ses pratiques peu recommandables, je ne m’attarderai pas sur tous ces faits, mais les étudiants de ma génération savent de quoi je parle. Quand nous étions étudiants, Guillaume faisait partie d’une catégorie qu’on appelait les « malo ». On lui attribuait même le grade supérieur d’empereur de malonie qu’il se disputait avec Blé Goudé qu’on appelait le sultan de malonie, en référence à une république imaginaire où tous les citoyens sont malhonnêtes. Nous autres avions ces malo en horreur, mais eux s’en glorifiaient et s’enorgueillissaient en se considérant comme des hommes rusés. Bref, c’est cette dimension éthique et psychologique qui explique pourquoi, un homme comme Soro, peine à rassembler autour de sa personne des anciens de la fesci qui ont de la valeur, car ceux-ci ne peuvent lui faire confiance. C’est son passé d’empereur de malonie qui milite en sa défaveur. en fait, il n’est pas perçu dans ce milieu comme quelqu’un d’irréprochable. Cette « malonie », il peut la faire avec des gens comme l’ex-président Gbagbo. il l’a faite avec un homme comme Banny qui s’en est pas encore remis, et peut-être qu’il la fera avec le président Ouattara, mais nous autre qui le connaissons, nous nous en méfions, c’est pourquoi il veille à nous tenir loin de la scène et qu’il cherche à nous éliminer, car il sait qu’il est transparent à nos yeux.

D’où vient alors la résurgence de cette querelle fratricide, après le 19 Septembre 2002 ?

Cette querelle fratricide a resurgi avec un autre acte malhonnête, une autre “malonie” comme on désigne ce type d’acte dans le milieu. Cette « malonie », c’est l’arrestation d’IB (feu Ibrahim Coulibaly) à Paris. Ils ont livré IB à la police française, en le reniant publiquement pour prendre le contrôle de la rébellion. Ils ont fait croire au pauvre monsieur qu’il devait aller à Paris, pour discuter avec les autorités françaises qui voulaient mieux le connaître. car, selon eux, il était perçu comme extrémiste et qu’il devait aller travailler son image. une fois sur place, ils l’ont fait arrêté en l’ accusant de terrorisme, sous prétexte qu’il préparait un coup d’état contre Gbagbo, alors que ceux même qu’IB avait désignés comme acteurs visible de cette rébellion allaient à paris, et revenaient sous escorte. Là encore, je me suis opposé à la façon de faire, en affirmant publiquement, qu’IB est le chef de la rébellion du MPCI. Cette position a déjoué leur plan. Et ils m’en ont terriblement voulu, car ils considéraient leur plan comme imparable. Et moi je l’ai contrecarré, jusqu’au point, de sortir IB de prison. Une fois sorti de prison IB a voulu faire à sa tête au lieu de suivre les consignes que je lui donnais, pour éviter de se retrouver isolé. Je l’ai laissé poursuivre son chemin tout seul et, finalement, son refus de suivre mes conseils l’a conduit à son assassinat par ceux des griffes de qui je l’avais sauvé, en le sortant de prison. Vous voyez, ce qui m’oppose à Guillaume n’est pas personnel, mais en tant que malinké par mon côté paternel et Akan par le côté maternel, je suis d’une double tradition où la trahison et les coups bas sont interdits. Dans mon éducation, l’honneur est sacré et la charte de tous les malinkés qu’on appelle le “Kouroukan Fouga” nous impose ceci dans son Article 23 : « Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur ». Moi je suis un homme d’honneur, et je ne fais que dénoncer les trahisons et les pratiques crapuleuses et indignes, dont certains individus sont friands! Guillaume Soro sait que je l’ai cerné sur le plan psychologique et éthique, donc il se méfie de moi, et fait tout pour me tenir à distance. cela passe par des dénigrements et de l’intox à mon encontre. cela passe par des représailles financières et des menaces contre mes proches. Vous voyez ce qu’ils font à Anaky Kobena, qui est victime de pratiques cabalistiques de leur part. Pour avoir signé un accord avec moi, ils font tout pour le casser et le réduire à sa simple expression. Cherchant à l’humilier et à le réduire à la misère, ils suscitent des bicéphalismes et des conflits à l’intérieur de son parti. Regardez comment ils ont nommé Légré Philippe, qui est l’oncle d’Alain Lobognon, sans même avoir la décence et la courtoisie de l’en informer. C’est le même coup qu’ils ont fait au vieux Bamba Moriféré, dont ils ont cherché à casser le parti en montant contre lui Kakou Mathias qu’ils ont hébergé au Golf hôtel. Dans le même temps, il lui ouvre les colonnes de certains journaux qu’ils ont créés et qu’ils financent à perte. L’objectif, c’est de créer une crise interne à l’intérieur de son parti ou de chercher à le faire passer pour quelqu’un avec qui personne ne peut s’entendre pour l’isoler. Dans le cas de leur combat contre Anaky, comme ils sont lâches et qu’ils n’osent pas l’affronter ouvertement, ils se masquent derrière le RDR, pour faire croire que Légré est subitement un Alasaniste qui veut aller au RDR. Leur stratégie, c’est de se servir du RDR comme une poubelle où ils parquent et mettent à l’abri tous ceux qu’ils réussissent à corrompre, en attendant de les utiliser le moment venu. Ce sont là de petites pratiques de ce genre qui nous opposent. Moi je n’aime pas les malhonnêtes. Donc ils me combattent, car j’en sais trop sur eux. C’est de bonne guerre! Comme on le dit, le roi n’aime pas ceux qui l’ont vu nu. Soro crée des mythes autour de sa personne auprès des personnes qui ne le connaissent pas, et ils ont tout intérêt à ce que nous qui les connaissons ne soyons pas là, pour dénoncer leurs mystifications. Voilà pourquoi ils passent leur temps à torpiller tout ce que je fais. Avouons que vous vous attaquez à une montagne, vu la position hiérarchique de Guillaume Soro aujourd’hui… Oh non, Soro c’est un tigre en papier qui ne peut pas avoir d’avenir politique dans un cadre démocratique où l’argumentation libre est permise. Moi, je me méfie de lui, pour ces pratiques crapuleuses, mais je n’ai pas peur de lui, car sur le plan de l’argumentation, c’est quelqu’un qui est conscient de ses limites face à moi. En réalité, de lui à moi, c’est lui qui est paradoxalement le moins serein, malgré les délinquants armés qui le suivent et tout l’enrichissement illicite avec les ressources publiques dont il est coupable. Leur problème, c’est qu’ils savent que je suis quelqu’un qui ne se laisse pas intimider. Ils savent que j’ai une légitimité historique. ils savent que sur le plan intellectuel, je n’ai rien à leur envier, puisque nombre d’entre eux ont le niveau de mes étudiants, et je ne suis pas du genre à avoir peur de parler. Ils peuvent effrayer où payer le silence de certains, ce qui n’est pas mon cas. Ils savent aussi qu’ils ne peuvent pas me bâillonner, car j’ai l’intelligence et les aptitudes pour mettre en place des outils alternatifs de communication moderne. Donc, leur stratégie, c’est l’isolement, la marginalisation et l’intox, en attendant le jour où je serai à leur portée pour me liquider comme ils ont déjà tenté de le faire plus d’une fois. Dans ces conditions il ya de quoi craindre pour la réconciliation nationale !

Quelles sont vos recettes pour une réconciliation vraie en Côte d’Ivoire, vu ces haines cachées contre des acteurs comme vous en évoquez ?

C’est la mission du président de la république de veiller à ce que les ivoiriens se réconcilient. S’il ne prend pas le problème à bras le corps et qu’il ne fait qu’écouter des individus qui ont des calendriers cachés, nous nous retrouverons dans la même situation que sous l’ex-président, Gbagbo. C’est lui le président et c’est lui qui doit en imposé à chacun afin que des individus ne se servent de son pouvoir, pour s’adonner à des règlements de compte. Ça c’est au plan individuel; mais, en ce qui concerne le plan national, quand je faisais mes cours de psychopathologie, j’ai appris une chose. Quand on reçoit un malade, on cherche la cause de son mal d’abord avant de chercher à le guérir. on ne soigne pas les symptômes, en croyant qu’on fait un travail de professionnel. Aujourd’hui tout le monde fait le constat qu’il y a une nécessité de réconciliation, cela veut implicitement dire que tout le monde constate qu’on est divisé, au point qu’on a de la haine les uns vis-à-vis des autres. On s’entretue, certains vont même très loin, en faisant de la ségrégation à l’emploi. Ils excluent ceux qui ne sont pas de leur groupe tribal ; Quand des gens qui sont dans un même pays viennent à s’entretuer, ce n’est pas les tueries qui sont le problème. ça, ce sont les manifestations, ce sont les symptômes du mal. Quand on veut faire en sorte que ces personnes ne se s’entretuent plus, ce n’est pas uniquement par la dissuasion avec la prison; il faut se poser la question de savoir ce qui les pousse à se conduire ainsi. Et c’est à ce niveau qu’il faut agir. Dans notre cas, c’est au niveau du discours qui façonne les consciences qu’il faut agir. Dans notre pays, on a entretenu et on continue d’entretenir des discours de division, qui ont poussé à des replis communautaires. On a fait croire à certains que leurs concitoyens d’ethnies différentes étaient contre eux, et qu’ils voulaient les faire disparaître. Qu’ils voulaient prendre leurs emplois, leur terre ou leur identité. Les gens se sentant en danger se sont repliés dans des communautés, qui sont pour eux des citadelles de défense de leur survie contre des dangers imaginaires ou artificiellement fabriqués. Ils se sont mis sous la protection de leaders tribaux, qui se servent d’eux en retour comme boucliers, pour revendiquer des positions économiques et politiques. Voici le véritable tableau clinique du mal qui nous ronge, comme une névrose collective.

Justement, quelle est donc votre thérapie ?

Pour qu’on en guérisse, il faut d’abord prendre conscience de cela et après on pourra parler de guérison. Ce mal là, il a été inoculé sous Bédié avec l’introduction de l’Ivoirité dont l’utilisation politique a consacré un discours de ségrégation. Le but de ce discours était politique. Il a entraîné la chute de Bédié, puisqu’il a créé les conditions de division qui ont provoqué le coup d’Etat de 1999. Une fois Bédié parti du pouvoir, Laurent Gbagbo, qui avait besoin de récupérer les militants de ce dernier, les a dragués en reprenant le discours de Bédié, qu’il a appelé le patriotisme. mais qui en réalité reprenait le contenu de l’ivoirité, auquel il a adjoint une dimension anticolonialiste. Le président Ouattara, pour éviter d’être isolé dans ce discours, s’est replié dans une forteresse ethnique, qui lui a servi de protection contre son isolement. Ce sont ces différents bastions tribaux qui ce sont affrontés. Comment peut-on se réconcilier, si on ne casse pas le cercle vicieux du tribalisme en politique ? Comment peut-on se réconcilier, si on ne fait pas le procès de l’ivoirité? Comment peut-on se réconcilier, si on refuse d’accepter qu’on s’est replié dans des communautés tribales, pour se protéger contre nos adversaires? Moi, je crois qu’on doit appeler tous les fils du pays à des journées de réconciliation et exorciser ensemble le mal. Il faut qu’on se dise qu’on a tous fauté, en empruntant ce chemin malhonnête de l’instrumentalisation du discours tribal et religieux. il faut qu’ensemble, tous les leaders politiques reconnaissent leur part d’erreur qui les a poussés, pour des raisons de survie politique, à manipuler ou à endoctriner les populations, en leur servant un discours de repli communautaire et religieux. Il faut avouer, devant les Ivoiriens, qu’on a fait cela par stratégie électorale tout simplement; et dire à chacun que nous sommes les mêmes et qu’il n’y pas un ivoirien qui est supérieur à son concitoyen. Il faut dire aux Ivoiriens que même un libanais a les mêmes droits de citoyen que lui, à partir du moment où il acquiert la nationalité. Ce sont ceux qui ont endoctriné qui doivent venir libérer leurs otages de cet endoctrinement, car ils ont une influence sur eux. Alors pour vous, sur quoi doit reposer la réconciliation en Côte d’Ivoire? Tant qu’on croit que la réconciliation se limite à arrêter x, se venger de tel, ou nommer un monsieur comme Banny qui ne sait même pas par quel bout prendre la chose, on se trompe. Parce que, le fait qu’un homme comme Blé Goudé soit en exil suffit pour qu’il entretienne pendant 30 ans, la haine chez certaines personnes qui se reconnaissent en lui, et qui prennent ses paroles pour vérité d’évangile. Si Blé Goudé ne rentre pas pour dire à ces personnes que le chemin qu’on avait pris n’est pas forcément le bon, ces personnes continueront de haïr ceux qu’il leur présentera comme ennemi. Si le président Bédié vient avouer publiquement que l’utilisation politique de l’ivoirité était une erreur et qu’il n’y a pas d’Ivoirien mieux ou supérieur à son compatriote, la haine et les dispositions à exclure, qui sont enfouies chez certains de ses militants baisseront. À partir de ce moment, l’unité nationale reviendra. Il en est de même pour le président Ouattara qui, en toute humilité, doit reconnaître sa part d’erreur et expliquer pourquoi il a adopté cette posture tactique. Maintenant qu’il est au pouvoir, il doit s’engager à faire tout pour éviter toute discrimination et à lutter contre l’ethnicité et le repli religieux, qui a divisé nos compatriotes. Gbagbo ne doit pas être exclu de cette réconciliation. Quand les gens ont tué Kragbé dans les années 70, ils croyaient résoudre un problème, mais la haine est restée dans les cœurs de 1970 jusqu’en 2010. C’est pourquoi, je ne suis pas pour les solutions radicales. Souvent, on croit résoudre le mal par le mal, mais on oublie qu’on crée les conditions d’un mal plus grand. Le discours de Gbagbo est déjà disséminé dans les esprits de millions d’Ivoiriens. Il a fait des Bébés du discours patriotique. Si on n’associe pas Gbagbo à une réconciliation, au cours de laquelle il va avouer qu’il n’est ni xénophobe ni tribaliste, mais qu’il a juste voulu se servir d’un discours pour avoir des militants, la haine qui est dans le cœur de certains de ses militants ne s’estompera pas. Peut-être que Gbagbo ne croit pas dans le fond en ce discours dont il s’est servi, mais ses adeptes et ses militants eux, ils croient. C’est donc lui seul qui peut désamorcer cette bombe. Quand un homme comme Damana Pickas, qui ne va pas à l’église, cite “l’éternel des armées” dans ses discours, lui-même n’y croit pas. mais, tant que ça peut lui servir pour mobiliser des individus, ça fait son affaire. Donc, ce sont les auteurs et les leaders des différents discours, qui ont provoqué la division, qu’il faut réunir pour que chacun fasse preuve d’amour du pays, en avouant sa faute. Une fois cela fait, on va se pardonner mutuellement et repartir sur de nouvelles bases. Voilà comment je vois la réconciliation, et c’est pourquoi j’étais opposé au transfèrement de Laurent Gbagbo à la Haye, car pour moi ça ne résout pas le problème.

Interview réalisée par Valery Foungbé

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