“Voici ce qui m’oppose à Soro | L’appel de Blé Goudé est une manoeuvre”
Docteur Doumbia S. Major: Président du CPR (Congrès Panafricain pour le Renouveau)
Exilé à Paris pour protéger son intégrité physique, le Docteur Doumbia Major est une des figures emblématiques de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci). Diplômé de l’université Paris 12, il est expert en communication politique ainsi qu’en ingénierie de projet de développement, deux disciplines pour lesquelles il est détenteur de deux Masters, en plus d’un Doctorat en science du langage. Homme de science confirmé et militant politique, il a participé activement à l’élection présidentielle ivoirienne en tant que Chargé de communication et de stratégie. A la suite d’un accord qui le liera au camp du président actuel, Alassane Ouattara, il prendra position contre celui de l’ex-Président Laurent Gbagbo. Dans cette interview exclusive, il nous fait des révélations sur ses rapports tendus avec le Premier ministre Guillaume Soro. Il revient sur le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Haye et fait des propositions pour la réussite du processus de réconciliation enclenché par le président Alassane Ouattara. Entretien…
Que pensez-vous du transfèrement de Laurent Gbagbo à La Haye ?
Je le constate ; je ne crois pas que ceux qui l’ont décidé auraient tenu compte de mon avis.
Quel était votre avis ?
Mon avis était qu’on règle le problème comme en Afrique du Sud. Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution de le transférer à La Haye. C’est ça mon avis. Mais, en même temps, j’espère que ça nous donnera l’occasion de voir la vérité émerger, tout en espérant que cette justice ne sera pas une vengeance qui instrumentalise la justice. Pour cela, il faudra que ceux qui sont accusés de crime, de part et d’autre, soient entendus et écroués, quel que soit le camp où ils se trouvent. C’est à cette condition qu’on aura la paix, car si certains citoyens perçoivent que l’un des camps jouit d’une impunité, cela peut provoquer des frustrations qui ouvriront la porte à une autre guerre.
Redoutez-vous encore une autre crise?
Dans les mêmes conditions, les mêmes causes provoquent les mêmes effets. J’ai l’impression que nous sommes en train de réunir les conditions qui ont provoqué la guerre que nous avons connue. Il faut une forte dose d’humilité pour diriger les hommes et un pays comme la Côte d’Ivoire où les citoyens ne sont pas des suivistes.
Etes-vous d’accord avec Blé Goudé qui appelle à un dialogue de consensus ?
Si c’est sincère et partagé par tous ceux qui le suivent et suivent Gbagbo, c’est une bonne chose. Mais, je vois dans cet appel, plus de la manoeuvre que de la sincérité. Nous avons besoin du consensus, il ne faut pas l’évoquer uniquement du bout des lèvres, il faut le vouloir du fond du coeur.
Pour vous, que doit-il faire ?
Il dit vouloir la paix et la réconciliation. Le président Ouattara doit le prendre au mot et lui demander de rentrer, pour qu’il vienne participer à l’effort de paix et répondre devant la justice, s’il y a des faits qu’on lui reproche.
Vous souhaitez qu’il rentre pour participer au processus de réconciliation. Mais il parle cependant de sa sécurité…
La question de la sécurité reste un problème entier et ça ne concerne pas uniquement Blé Goudé. Je prolonge moi même mon exil, car je ne suis pas en sécurité en Côte d’Ivoire actuellement. Le président Ouattara a promis faire tout pour que la sécurité revienne sur toute l’étendue du territoire, attendons qu’il tienne sa promesse et après, tous les acteurs rentreront, y compris Blé Goudé, car c’est un fils du pays qui ne doit pas rester en errance. J’ai fait l’exil pendant dix ans et je ne le souhaite à personne. La guerre est finie ; on doit construire la paix et elle doit se construire avec les protagonistes. Si on reste dans la logique de belligérance on n’aura jamais la paix. On doit trouver en nous-mêmes les ressources pour sortir de là où nous nous sommes mis nous-mêmes.
doumbia major
Docteur Doumbia S. Major: Président du CPR (Congrès Panafricain pour le Renouveau)
Aujourd’hui il est clair que Soro Guillaume et ses hommes veulent m’éliminer physiquement, car pour eux j’en sais un peu trop et ils considèrent que je représente une menace pour les ambitions politiques de Soro. C’est ce qui explique que je ne suis pas rentré pour participer aux législatives, car mes renseignements m’ont instruit d’un complot d’assassinat de ma personne qui était en vue. Pour le déjouer, j’ai donc écrit à Soro, pour demander la protection de l’Etat, puisqu’il est le ministre de la Défense et le Premier ministre. Son silence n’a fait que me confirmer que les informations que j’avais étaient vraies. De toutes les façons, ce n’est pas la première fois que j’échappe à des tentatives d’assassinat de leur part. Ce dernier que j’évoque était le troisième plan meurtrier qu’ils concoctaient contre ma personne. Wattao lui-même a avoué, devant notre ami commun, Fadiga de Milano à Paris, qu’il a manqué de m’enlever à Ouagadougou.
J’ai échappé à un autre coup mortel, à Bouaké, lorsque j’étais en visite au pays, en 2003. Et, lors de leur conflit avec Ibrahim Coulibaly dit IB, il était convaincu que j’étais à Korhogo où ils m’ont cherché partout pour me tuer, le jour où Adam’s Bachir a été assassiné, alors que j’étais tranquillement en France. Alain Lobognon, qui ne le savait pas, a même tenté de faire croire, sur une chaîne de radio, que j’avais fui Korhogo. Il est clair que si je rentre aujourd’hui au pays, ceux qui ont tenté de me tuer à plusieurs reprises recommenceront, pour réaliser enfin leur souhait le plus ardent de me voir disparaître.
Mais pourquoi un tel acharnement contre votre personne ?
Cet acharnement s’explique par des évènements qui datent de longtemps. Je ne comprends pas ce qui explique cette haine profonde contre ma personne. Pourtant, j’ai démontré à ces personnes que je n’avais pas de problèmes personnels avec eux. Mais, vous savez, Soro a la rancune tenace et il transmet sa haine et sa rancune à tout son entourage, y compris au président de la République, devant lequel il me fait passer pour un ennemi.
Il y a certainement des raisons…
Je me suis retrouvé, par le fait du hasard, à toujours défendre des positions contre Soro ou à déjouer et dénoncer certains de ses complots. La première chose qui nous a opposés lorsqu’on était étudiant, c’était un problème de détournement de fonds alloués aux étudiants. On s’est retrouvé à une Assemblée générale, au Mont Zatro, à Yopougon, pour lui demander des comptes. C’est moi qui ai été chargé de porter la parole pour juger l’acte de Soro qui a été par la suite traité d’avoir commis un péculat par l’Assemblée générale. Il ne me l’a jamais pardonné et ce jour, son directeur de protocole actuel, s’est livré à des violences physiques à mon encontre, m’accusant d’avoir humilié Soro en lui demandant des comptes en public. Les étudiants de cette époque sont vivants et ils peuvent en témoigner.
Beaucoup de témoignages confirment que ce n’est pas tout…
En effet, le second fait qui nous a opposés, c’est que, voulant placer Karamoko Yayoro à la tête de la Fesci pour pouvoir continuer à manipuler le mouvement de l’extérieur, il a sanctionné presqu’une quarantaine de responsables de sections,
pour éviter que ceux-ci puissent être candidats au congrès. Je me suis opposé à cette manoeuvre que j’ai dénoncée et j’ai soutenu Blé contre son candidat en tant que directeur de campagne. Nous avons battu son candidat, au premier tour, à une majorité écrasante. Cela a fait échouer son plan et il m’en a voulu terriblement. A la suite de cela, il a voulu nous contourner en cherchant à se faire élire à la tête d’une structure sous-régionale estudiantine, la Feseao. Pour y parvenir, il a convoqué les camarades de la sous-région à Bamako , où il s’est fait passer pour le secrétaire général sortant de la Fesci. Malheureusement encore, c’est moi qui ai été choisi pour aller expliquer à nos camarades qu’il n’était pas sortant mais sorti. Ce qui aura eu pour effet qu’il ne pouvait pas prendre le contrôle de cette structure. Après cet évènement, il y a eu les meetings que nous avons organisés pour dénoncer ses tentatives de sabotage de nos AG, en manipulant de loin quelques responsables de sections. Là encore, c’est chez Serges Kassy qu’on va résoudre le problème, de 23h à 6 h du matin. Puis vint la rébellion, pendant laquelle il livre Ibrahim Coulibaly dit IB à la police française, en le reniant
publiquement, pour prendre le contrôle de la rébellion. Je me suis encore opposé à cette façon de faire, car je suis contre la trahison et les coups bas de ce genre ! En fait, ce qui nous oppose n’est jamais personnel ; je ne fais que dénoncer certaines mauvaises pratiques et je refuse de rentrer dans des complots.
Docteur Doumbia S. Major en Conférence de Presse
Avez-vous tenté une action de réconciliation avec le Premier ministre?
Réconciliation ! Vous savez, Soro est très rancunier. C’est quelqu’un qui a une qualité, il a une bonne mémoire et c’est ça qui fait aussi qu’il est beaucoup rancunier. Parce qu’il n’oublie rien et il ne pardonne rien. Sinon, il y a eu des personnes qui ont tenté des réconciliations. Soro leur fait croire qu’il n’y a rien en surface, mais en dessous, il me combat plus que tout. J’ai même demandé au grand frère du président de la République qui est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup de respect, d’aplanir les différents qui m’opposent à Soro, en privé. Dernièrement, j’ai expliqué à Sidiki Konaté que je n’avais rien de personnel contre Soro, mais cela n’a rien changé à la haine qu’il a contre moi. Une des preuves, c’est la misère qui est faite au pauvre Anaky Kobenan, avec lequel j’ai signé un accord pour soutenir le président Alassane Ouattara lors des dernières élections présidentielles. Cela constitue pour Soro un crime, de sorte qu’Anaky Kobenan est torpillé partout. Au point qu’il cherche même à casser son parti. Il va jusqu’à débaucher des personnes à l’intérieur de son parti, pour le casser et l’humilier.
Quels sont vos rapports avec les différents chefs de guerre ?
Je n’ai pas de problèmes avec les chefs de guerre, hormis une minorité qui suit aveuglément tout ce que leur dit Soro Guillaume. Pour ces derniers, dès que Soro dit que telle personne est mauvaise, ils sont prêts à dégommer la personne en question, pour faire plaisir à leur chef et rentrer dans ses bonnes grâces. Hormis ces deux chefs de guerre qui se reconnaissent, je n’ai de problème avec personne. Je les respecte et ils me respectent, car ils connaissent ma valeur.
Par JULES CESAR Pour « Le Mandat » Via le net – “Le Mandat”, c’est rien que la vérité.
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