Crimes post-électoraux: Les victimes de Gbagbo réclament justice

Les victimes de la crise post-électorale n’ont pas l’intention de baisser les bras dans leur lutte pour que justice leur soit rendue.

La Côte d’Ivoire peut avoir bonne mine, leurs frustrations, leurs blessures, leurs handicaps demeurent. Les victimes de la crise post-électorale gardent intacts les stigmates qu’elles ont hérités de cette période triste de l’histoire du pays. Pourtant, dans une stratégie de défense désespérée, l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo à la base de toute cette barbarie, se fait passer pour un indigent. Et la mort, mercredi dernier, en Israël, de Paul Bohoun Bouabré, un des barons de l’ancien régime au pouvoir, fait dire à certains obligés que son décès a été précipité à cause du gel de ses avoirs. Pour eux, l’ancien argentier de l’Etat est décédé faute de moyens conséquents pour se soigner. Encore une fois, les partisans de Gbagbo essaient d’émouvoir l’opinion en se faisant passer pour des persécuter. Tout le monde peut se laisser attendrir, sauf les véritables victimes qui en ont vu du feu. Bien que les nouveaux dirigeants tiennent, comme aux prunelles de leurs yeux, à voir tout le monde se réconcilier, les souffre-douleur veulent plus que jamais, voir la justice se pencher sur le sort de personnes handicapées à vie ou ayant perdu un ou plusieurs parents. Et non pas que le bourreau soit lavé et présenté comme le doux agneau. « Laurent Gbagbo se moque des victimes en voulant prendre leur place. Nous savons tous qu’il a pillé l’économie nationale. Il fait de la diversion », réagit Sanogo Mamadou, le président du collectif des victimes de la barbarie de Gbagbo (Covibag). Mieux, elles sont contre toute volonté manifeste ou pas de sacrifier la réparation des torts, à elles causés, sur l’autel de la réconciliation. « Fort heureusement, sur le plan pénal, les choses sont suffisamment bien avancées », se réjouissent plusieurs victimes de crimes post-électoraux que nous avons jointes. Le président du Covibag, lui aussi, s’en réjouit du reste de constater que le présumé auteur en chef des crimes post-électoraux, Laurent Gbagbo, est en taule à La Haye. Des victimes considèrent cela comme un début de soulagement moral. D’autant qu’elles ont œuvré pour que l’ex-président soit poursuivi par la Cour pénale internationale (Cpi). « Aujourd’hui, il s’agit de faire en sorte que non seulement l’ancien président soit effectivement jugé et condamné mais, que ses co-auteurs le soient également. Il faut que ceux qui ont été déjà inculpés soient transférés à la Cpi et que les autres collaborateurs de Laurent Gbagbo encore en liberté et qui continuent de gesticuler comme des mariols en nous narguant, soient mis aux arrêts. C’est après que la justice aura fait son travail qu’on peut parler de réconciliation, pas avant ! », soutient Madou S., parent d’une victime de mercenaires libériens à Yopougon-Koweit. « Ce serait le début de la réparation psychologique du préjudice que nous avons subi dans cette barbarie de fourrier », renchérit Madou S. C’est d’ailleurs en cela que Sanogo Mamadou regrette la lenteur de la procédure engagée par la justice ivoirienne et le fait que celle-ci ait autorisé la remise en liberté de certains hauts cadres de l’ancien régime. « Des complices de Laurent Gbagbo ont été libérés. Après tout le tort qu’ils nous ont causé. Ce n’est pas normal », fustige-t-il. En ce qui concerne le dédommagement financier, rien n’est encore clair. On le sait, un membre amputé, un proche tué ne peuvent être évalués en argent. Mais c’est un droit pour les victimes- tout comme de voir leurs bourreaux payer pour leurs crimes- d’avoir une réparation financière. « Imaginez la vie de misère accentuée que les veuves et les orphelins peuvent vivre aujourd’hui, du fait de la perte du mari ou du père qui était le pilier de la famille », explique Namory Kouyaté qui a désormais la charge supplémentaire des deux veuves de son frère aîné et de leurs six gosses. Certes, les autorités ont déjà fait des promesses allant dans le sens de l’indemnisation des victimes ou de leurs ayants-droit. Malheureusement, personne parmi les victimes ou même parmi ceux qui essaient de coordonner leurs actions n’a la moindre idée de l’institution chargée de gérer ce passif ombreux de la crise post-électorale. Sera-ce la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) ? Si le mode opératoire de la Cdvr était connu, nous en saurions plus. En attendant, les 3. 000 victimes répertoriées par le Covibag n’ont d’interlocuteur que la cellule spéciale d’enquête qui a auditionné certaines d’entre elles.

Bamba K. Inza
Nord-Sud

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